Première réunion politique de ma jeune vie. J'angoisse dans un fauteuil que j'ai mis bien à l'écart pour être sûr de ne pas être remarqué. Je ronge presque l'accoudoir. Nous sommes vingt-cinq dans l'arrière salle d'un bar du neuvième : ambiance kitsch et années 60, la tireuse à bière est déguisée en jukebox tandis que des gens ordinaires sont pour l'occasion déguisés en militants.

L'assistance est hétéroclite : je compte deux alcooliques, une geek timide les yeux ne s'éloignant pas de plus de trois centimètres de son téléphone, un cadre sérieux et organisé, deux artistes en quête de futur, deux vieilles soixante-huitardes, un couple jeune et très propre sur lui, et une bonne dizaines d'égarés - dont moi - venus là pour écouter et s'imprégner du charisme qu'ils n'auront jamais.

C'est fascinant, on discute politique et organisation des actions de la campagne. Je suis distraitement en sirotant une bière, puis deux. 4.5% d'alcool, il va me falloir plus pour participer réellement. Tout le monde reste calme et parle à son tour : ça me plaît. Pour essayer de m'intégrer, je pose une question : on me répond avec bienveillance. Au milieu d'eux je me sens pourtant loin : je n'arrive pas à me passionner pour le sort de mon pays. Eux s'ébrouent, touillent la colle faite de leur propre sueur pour fixer les affiches. L'espoir d'une vie meilleure brûle en eux. Ils sont admirables. Il n'y a pas de fumée sans feu : ils sont les deux à la fois.

Je me sens un coquillage vide au milieu de palourdes charnues. Pour faire bonne figure, je m'inscris à quelques actions auxquelles je n'irai pas : je prétexterai un rhume des foins ou un enterrement inopiné. Ce fut malgré tout une bonne soirée. J'y retournerai peut-être : il y avait de jolies filles mais leurs regards doux iront aux hommes d'action, aux vrais engagés, au feu de vie. Finalement, je resterai surement chez moi.