12 mars
Raphaël, le fils de ma cousine Laure, ne m'aime pas. Il vient tout juste d'avoir un an et a déjà un intellect plus aigu que celui de ses parents. J'ai pourtant tout fait au mieux, m'efforçant de sourire tant que possible : nous avons fait l'avion, joué une musique impromptue sur un piano lumineux ; je lui ai même donné à manger sous les regards toujours attendris de Laure et de Xavier.
Pourtant, pas une seule fois Raphaël n'a ri : pire, il n'a pas cessé de pleurer. Il sent que je lui mens. Que ces jeux exaspèrent ma patience. Enfin qu'il m'est tout à fait indifférent ; sauf justement par cette capacité de jugement étonnante de ma personne. Il sent sans comprendre. L'enfance transforme la conscience en instinct et je suis terriblement jaloux d'avoir à réfléchir pour en arriver à des analyses fausses quand la vérité lui vient sans efforts, par une espèce de don magique et inexplicable. Je me console en me disant que comme tous il finira bien assez tôt par la perdre. L'aigreur est la meilleure des protections.
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