4 mars

Une minute de lecture

Julia enfile ses chaussons d'escalade alors que je pousse lentement les portes de la salle. Nous nous connaissons à peine, pourtant elle m'avoue qu'elle a annulé sa place au théâtre pour venir. Mon ego s'en voit bien plus grandi que mes capacités simiesques.


Entre deux voies, nous discutons littérature. Elle est Camus, je suis Céline. Bien que de toute évidence elle aie tort, Albert C. a droit à une des plus opiniâtres plaidoiries à laquelle j'ai assisté. Comme si, en France, il en avait encore besoin !


Nous allons au bar où elle est drôle, puis au restaurant où elle est éclatante. Le vin est cher, râpeux, et cogne sur nos esprits déjà bien volatils. Aux abords du jardin public, nous saluons Jeanne d'Arc, fière et éternelle sur son cheval vert-de-grisé. Apparaît soudain devant nous au pied de la statue le spectre blanchâtre et nauséabond de Jean-Marie Le Pen qui, après une génuflexion s'écrie : "Jeanne, au secours!". Cela déclenche l'hilarité d'un crocodile géant fait de mosaïques, dont le rire s'échappe de sa gueule ouverte grande vers le ciel. Autour de nous, les formes s'estompent et deviennent molles. Le chewing-gum remplace l'acier et le bronze. Nous nageons en plein Miro.


Entre un groupe de canards endormis et les toboggans éteints du parc pour enfants, nous nous embrassons enfin, seuls dans ce jardin public après avoir grimpé en douce la grille.


J'ai la tête qui tourne. Est-ce le rouge des baisers ou des tanins? "Des éléphants roses, des araignées sur le plastron". Julia m'interroge sur ma capacité à rentrer à bord de mon véhicule motorisé. Je lui réponds qu'elle n'a pas à s'inquiéter : je m'occupe du volant et le fantôme de Jean-Marie le Pen - qui nous a suivi jusqu'ici - s'occupera des pédales. Il approuve, goguenard. Nous lui décrochons une série de crochets du gauche et du droit, et quelques coups de pieds, ce qui le fait déguerpir, vexé. Julia n'est pas convaincue par ma solution maintenant qu'il est parti et laisse entendre qu'une bouteille de gin perd son temps à nous attendre chez elle. Quel discours délicat ! L'Achéron coule en moi ! Courons-y alors !

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