Un testament olographe et les arguments d’un mystère ?

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Chapitre V

Un testament olographe

et

les arguments d’un

mystère ?

Une intuition sourdement palpitante, presque tyrannique et porteuse d’une douleur obsessionnelle rendait le flux continuel de ses pensées aussi indomptable qu’un torrent impétueux après la fonte des neiges. Cette petite porte, enduite d’une peinture qui fut jadis carmin, ne faisait rien d’autre que le pousser à la transgression, franchir une propriété qui avait été privée, pénétrer dans l’intimité d’un homme qu’il ne connaissait pas mais dont la silhouette ravagée sur laquelle son regard s’était posé, lui semblait aucunement tangible, accentuant la somme des mystères qu’il avait relevé, en dépit d’un très cours séjour sur ce causse. La pitié qu’il avait ressentie pour ce corps inconnu le poussait plus encore à aller de l’avant. Ce tombereau de questions justifiait le mystère et, de toute évidence, lui faisait ressentir la situation comme s’il était la victime d’un complot. Maigre justification cependant car, en définitive, rien ne venait étayer les vagues de questionnement qui s’abimaient sur les rivages de sa conscience. Une fois de plus il ne put se rendre qu’à l’évidence : c’était une compulsion irrépressible qui l’animait. Il savait, malgré son jeune âge, que cette dite compulsion était une adversaire souvent impossible à vaincre.

Il entendait derrière le tableau noir les deux enfants jouir d’une liberté encore jamais donnée en ce lieu régit par la discipline du maître. La nef résonnait de leurs cris, de leurs rires qui, dans l’esprit de Simon se résumaient, eux aussi à une transgression. Sauf que cette dernière était nourrie par la candeur de ces jeunes âmes. La comparaison ne tenait toujours pas, pourtant elle n’amoindrissait pas sa volonté d’ouvrir cette porte. Même la silhouette torturée du Christ qui ne faisait que peser sur son sens moral n’allégeait pas la curiosité qui le tenait ! Néanmoins c’était un autre sentiment qui le portait, un sentiment qui se rapprochait de la perception brutale de l’instinct de survie. Ce fut ce concept qui légitima et rendit plus consommable une prise de décision qui le tourmentait depuis trop longtemps, ou bien trop peu… Il avait trouvé la justification, cette fois, pour rendre sa morale moins corrompue qu’elle n’était. Car en définitive quoi de plus impérieux que de préserver sa propre existence, il savait aussi, intuitivement, qu’il trouverait derrière cette petite porte une réponse à sa sensation d’insécurité. Insécurité toujours nimbée d’un secret qui devenait étouffante. Encore fallait-il que cette porte fût ouverte…

Il apposa sa main fine et blanche sur le loquet métallique, la présence d’une serrure ne le rassurait pas, il fit coulisser la simple mécanique vers le haut et laissa apparaître une mince bordure noire entre la porte et son chambranle. La voie était ouverte, la transgression était faite, il ne lui restait plus qu’à se nourrir avidement de sa curiosité.

En pénétrant dans le logis, Simon manqua tomber car trois marches se révélèrent à lui presque trop tard. Un présage se dit-il, toujours le jouet d’une superstition qu’il ne s’expliquait toujours pas. Il sophistiqua même cette dernière par son rapprochement à la très obscure synthèse religieuse de la trinité ! Une forme de contrition, en quelques sortes…

Une lumière brumeuse régnait à l’intérieur, parvenant d’une unique fenêtre, faite, elle aussi, avec du verre, située en face de la porte et qui laissait présumer d’une construction attenante, côté Nord de l’édifice, comme si elle était une pièce rapportée. Sa vision s’acclimata petit à petit, et il distingua une « couche », un lit en d’autres termes, au cadre de bois, parfaitement mit, dont les draps ne faisaient pas d’ombres à la l’épaisse couverture. Une rigueur à la fois admirable et ascétique… Il laissa divaguer son regard, s’emplissant les narines d’une odeur toujours porteuse de considérations indicibles mais néanmoins précieuses. Il fumait, la pipe se dit-il, quant à son hygiène, elle laissait transparaitre les effluves innommables de la maladie. Une sudation acre et épaisse mêlant l’acidité que l’on retrouve face à la peur. Mais tout n’était qu’impressions qui se présentaient à lui en un rythme effréné, sa sensibilité plus qu’animale, lui apportait des informations qu’il n’était pas en capacité d’ordonner dans l’esprit de scientifique dont il se prévalait. Puis ses yeux devinrent plus efficaces et trouva à sa gauche, sous le halo de la fenêtre, un bureau chargé de livres, quelques feuilles de papier écrites avec un crayon de graphite. Le reste du petit local était entouré d’une longue planche, délimitant l’espace, chargée d’un grand nombre de livres. Attiré par un très fort attrait intellectuelle, il se laissa aller à pencher sa tête pour lire les titres des ouvrages qui donnaient une image globale de la personnalité du possesseur.

Il se rendit compte que son parti pris de lecture s’inscrivait complétement dans la modernité. A côté de « Madame Bovary » qui avait souffert dans le scandale d’un procès sur les bonnes mœurs, se trouvaient des ouvrages de Barbey d’Aurevilly que venaient justifier des écrits « fantastiques » de Maupassant à côté de l’introuvable « Chants de Maldorore », éditions incomplète mais qu’il avait toujours rêvé de lire. Pourtant ce qui donnait un fil conducteur à ses lectures était son appétence pour la philosophie, allemande surtout. Car à côté des « Lumières » qui faisaient office de lectures « obligatoires » se trouvait une traduction de Kant largement entourée par des ouvrages en allemand de Nietzche. Il lisait le texte dans sa langue, chose dont il était incapable. Une admiration pour l’homme vint le rendre plus humain à ses yeux.

Il retourna vers sa table, faisant office d’écritoire, et jeta son regard sur les feuillets épars qui recouvraient sans logique organisationnelle, ses pensées à Lui ! La focale de son regard eut du mal à s’adapter à la relative pénombre qui gouvernait dans la «cellule». Il put, au bout d’un cours moment déchiffrer une écriture qui n’était pas celle de l’instituteur. Une écriture vivace, privilégiant le sens à l’ornementation.

Une phrase l’interpella : La science ne peut répondre à toutes nos questions, nous vivons dans un monde qui s’envisage par l’acceptation de ce que l’on ne peut pas circonscrire !...Faire preuve d’humilité face à une puissance qui nous régit tous ! « Ars Nigra » n’est qu’une connaissance qui nous permet d’aborder avec quelque force la puissance imparable qui nourrit notre pauvre condition.

Magicae Nigri Liber. Apparaissait à plusieurs reprises sur les différents feuillets, souvent soulignés avec véhémence et suivis d’un point d’exclamation. Simon compris que l’ouvrage mentionné représentait les dernières attentions du mourant. Il laissa rayonner son regard à 360° dans la pièce, donnant toute liberté à son intuition. Jusqu’à ce qu’il se rende compte que la table disposait de deux tiroirs. Le premier, celui de gauche, recélait une Bible, longuement feuilletée, surlignée et en marge des annotations qui faisaient allusion au père Marcellin. Le second était solidement fermé par une serrure, aussi présente sur la première, mais qui nécessitait pour Simon une effraction.

Plus le temps aux atermoiements s’imposât-il ! Son havresac contenait les outils nécessaires à l’ouverture en force du tiroir. Il sortit le fin burin d’acier qui lui permettait de récolter des fragments de roches, sa pointe suffisamment effilée s’insinua sans forcer entre le dessus de la table et l’assise du tiroir, mais la solution ne lui parut pas à propos. Il décida de s’attaquer à la serrure elle-même avec l’aide de son marteau, optant pour une solution sans subtilité mais avec de grandes chances d’aboutir et laissant moins de marques visibles. Toujours avec avidité cependant. Mais une avidité discrète, convenue, lourdement chargée de culpabilité.

Il ne voulait surtout pas attirer l’attention des enfants mais l’habitude de l’emploi de ces outils lui permit en deux coups puissants et suffisamment secs pour ne pas se répercuter dans cette espace de résonnance qu’était l’église, de venir à bout de la serrure. Une fois ouvert il vit un très vieux livre, tout noir, qui semblait avoir passé les siècles mais dont la facture particulièrement solide le rendait totalement consultable, et cela pour des « siècles et des siècles »...

Une fois en main, et du fait de son excitation primitive, qui l’empêcha de regarder attentivement les signes et symboles incrustés sur la page de garde, il eut, avant de feuilleter les pages de parchemin, l’idée de voir s’il ne contenait pas une information plus contemporaine. Son intuition s’avéra heureuse, car après l’avoir feuilleté vers le bas, une lettre cachetée tomba au sol. Il savait qu’il tenait deux éléments plus que sensibles dans sa quête de réponses. En tout cas, se disait-il, il détenait le dernier écrit de cet homme si étrangement familier et tout autant vraiment étranger. Avant de quitter les lieux il prit le temps de regarder avec moins de cette panique qui l’avait inhibé jusqu’à présent, la disposition de la pièce, se permettant le luxe de se mettre à la place du locataire. C’était les moments où il se sentait le plus efficace, sans pression, ce qui lui permit de mettre en éveille ses sens, son capteur de situations, pour saisir l’âme du lieu. Il remarqua un crucifix placé à la hauteur de sa tête de lit, un miroir au-dessus d’une tablette de toilette qui contenait une grande quantité de bougies. Cette accumulation l’interrogeât, il voulut en savoir plus mais il sentit par des sens pas encore catégorisés, qu’une conscience l’observait. Il se retourna doucement et vit la silhouette de Tonino, à contre-jour, qui le regardait avec dans son regard invisible, l’impression que quelque chose d’inapproprié venait de se passer dans le logis de son instituteur.

Sans laisser paraître son trouble, il prit avec une grande lenteur dans ses gestes le livre noir et la lettre et les disposa avec soin dans son sac.

— Tu fais quoi Simon ? Tu prends des choses à monsieur Cabrol ?

— Je vais m’occuper de ses affaires Tonino, tu sais qu’il est très malade, il peut pas s’en charger lui-même et puis on vient de la ville tous les deux. On est un peu des collègues tous les deux. Tu comprends ce que c’est que la camaraderie ? Je fais ça parce que je me sens obligé pour lui, tu comprends ?

— Je comprends pas pourquoi tu fais ça pour quelqu’un que tu connais pas, mais Monsieur Cabrol nous a toujours dit qu’il fallait aider avant qu’on nous le demande. Que ça avait plus de…de…valeurs je crois.

— Monsieur Cabrol était un vrai homme de bien je vois, tu comprends pourquoi je m’occupe de ses affaires ?

Il savait qu’immanquablement son attitude sans correspondance logique dans l’esprit de cet enfant, serait partagée au cours du repas du soir dans son foyer. Mais le trésor qu’il possédait lui donnait les moyens d’occulter l’inéluctable, comme quand il était ivre et que la pertinence logique n’avait plus d’importance. Cette mise de côté volontaire pour des conséquences obligées était suffisante pour le pousser en avant, sans aucun souci de ces dernières.

Exaltations ou bien action consciemment assumée se mêlait dans un breuvage exotique, qu’il n’avait pourtant pas ingéré. L’excitation qui en résultait le laissait, en dépit de tout, sans consistance face à l’enfant.

— Dis-moi Tonino, il a été malade longtemps, Monsieur Cabrol, avant qu’on le descende ?

— Monsieur Cabrol il est partie comme une plante qui avait décidé de mourir. Ça arrive souvent quand on plante, ma mère pourrait vous en dire plus…

— Tu veux dire qu’il est partie, je veux dire qu’il est tombé malade un peu plus tous les jours ?

— Bon il était toujours sévère, mais quand Pasqual le mettait en boule, au début il arrivait à le tenir, mais après…

— Après ?

— Il a tout permit, mais c’est pas comme vous le pensez ?

— Comment je pense, tu crois ?

— Il était toujours capable avec nous, mais il a perdu…comment dire…sa....force…

— Tu veux dire qu’il avait perdu sa discipline, son visage a changé ?

— Pour sûr il a vécu plus d’années plus vite que tout le monde…jusqu’à ce qu’il peuve plus se tenir debout. Il semblait souffrir beaucoup mais jamais il s’est plaint.

L’ingénuité de l’enfant lui laissait présager de longues périodes de réflexions. Mais le moment était mal choisi, il lui fallait s’échapper de cette situation qui le rendait altérable, même aux yeux d’un enfant. Surtout au regard de Tonino et a fortiori d’Anaïs.

— Bien mon garçon, il faut que je continue mes recherches, vous allez rentrer chez vous et…personne ne saura le manège que vous avez fait dans la classe.

Voilà une clause diplomatique odieusement opportuniste, un mensonge qui le dégradait par tous les pores de son être. Une bassesse qu’il n’avait pas d’autre choix de conserver pour enfin découvrir une énigme qui s’imposait à lui comme le changement naturel des saisons.

— Ce sera notre secret, non ?

— Mais quel secret Simon ?

Le jeune homme fut à nouveau désarçonné par la candeur aucunement construite par des réflexions complexes, louvoyantes, et surtout dangereuses des adultes. Il conclut que son incursion n’avait pas la valeur qu’il lui donnait face à la conscience toute blanche de l’enfant. C’est à ce moment-là qu’apparut Anaïs…

— Monsieur Simon, il faut que je retourne à ma maison, il va être l’heure que j’aide ma mère à préparer le repas. Merci pour nous avoir permis de nous amuser. Dommage que vous nous faites pas la classe, ça va me manquer. Monsieur Cabrol surtout, le pauvre homme…

Simon conclut qu’il avait limité les dégâts face à ces deux petits êtres naïfs mais toujours pertinents quand une vérité incontournable se présentait à l’intelligence naïve et crue de ces tendres personnes.

Il prit son havresac alourdi par des informations qu’il s’était emparées, qu’il avait volées. Il eut aucune difficulté à le prendre sur lui-même et, avec une vraie affection il prit les enfants par les épaules, en ayant bien fait en sorte de ne rien laisser visible quant à l’effraction commise. Une fois dehors, la matinée touchait à sa fin, il laissa les petits êtres se rendre à leur quotidien, sentant vis-à-vis d’eux une réelle affection. Il gardait, en dépit de son acte répréhensible, le reflet au fond de son âme d’une lumière qu’il n’avait jamais remise en question.

Sa confrontation avec lui-même trouvait sa justification car, maintenant dénuée de toute prise de risque, elle le détendait, et lui permettait d’envisager un plan d’action cohérent, en dépit du retour que les enfants ne se priveraient pas de partager avec leurs parents : cette attitude si peut naturelle de son séjour dans l’église-école.

Il lui fallait désormais se montrer discret et étudier, avec un recul détaché de toute passion, la teneur de ce qu’il avait dérobé. A ce moment c’est le visage de Maria qui s’imposa à son esprit. Pourquoi ? Pourquoi cette synthèse de féminité se rappelait à sa conscience quand il était sur le point de s’apaiser intérieurement ?

Il retraversa La Rapierre, passa par la place où se trouvaient des femmes qu’il ne connaissait pas et dont il dû supporter le regard intrusif qui ne faisait qu’aviver une culpabilité qu’il pensait avoir dépassée.

Il continua enfin le chemin qui correspondait au projet qu’il s’était fixé pour la journée. Une manière comme une autre de chausser les souliers de la normalité.

Il remontait la ravine qui l’avait mené vers ce village singulier, son envie de liberté intérieure buttait avec l’élan désintéressé qui fait le confort des personnes qui ne se posent jamais de question, en dépit d’un apparent constat d’illogisme. Ne voulant pas subir l’obsédante rumination qui était en passe de le soumettre, il laissa aller son regard vers cette nature austère, cherchant dans le recueillement millénaire qui faisait la particularité du lieu une ouverture esthétique qui puisse donner corps à son besoin de compensation…Cependant, l’aridité visuelle du décor lui laissait présumer d’un grand nombre de rapprochements imaginatifs qui ne desservaient en rien, il en était tout à fait conscient, sa propension à modeler son réel en fonction de son besoin, inné, de paix. La paix régnait donc autour de lui, le paysage en était compatible et rebondissait, de manière cohérente avec son désir, somme toute, foncièrement viable. Viable à tous les niveaux ! Se dit-il et ce, malgré les transgressions qu’il avait fait semblant d’assumer : le visage de Tonino, celui d’Anaïs et le portrait sans visage de Cabrol, trouvaient une conclusion moralement supportable à une interrogation qu’il ne pouvait pas rendre pérenne avec sa raison… L’accès à l’imaginaire restait et demeurerait la seule échappatoire qu’il considérait comme honnête. Une pesanteur qu’il avait toujours fait en sorte de repousser à un moment propice, comme celui d’une consécration sociale qui dynamisait sa version intérieure de la vie, et qui justifiait sa conscience, en toute puissance, pour lui dire qu’il était inutile de tout maîtriser. Le lâcher-prise que cela représentait lui rappela qu’il n’était pas encore en condition d’être le capitaine de sa vie…

Naviguant, le nez au vent, il donnait à son rythme une apparence suffisamment contenue pour pouvoir parvenir à un résultat commun…en d’autres termes : faciliter sa mauvaise conscience. Il se sentait tenu par une curiosité qui ne lui appartenait pas, jamais, mais il se laissait prendre par l’édifice sirupeux de la logique esthétique.

Sa route était pour le moins tracée, il avait néanmoins l’objectif premier, qui l’avait amené là, de rejoindre le « Bois touffu », au hasard des circonstances qui s’apposaient à lui mais dont il n’était absolument pas responsable. Il laissait faire cette logique puissante et incompréhensible, porteuse de tout son bagage émotionnel, que représentait cette lande qu’il ne comprenait pas pouvoir aimer. Ce dysfonctionnement lui parut digne d’intérêt, le corps tonique et élastique de Maria vint nourrir ses fantasmes. Pour une fois, et en une seule, il acceptait d’être le jouet de son corps ! Comment une personne convenue, comme il se l’acclimatait, pouvait subir une telle jouissance dans sa totale immoralité ! La tension qui le faisait souffrir dans son entre-jambe était complice de ses valeurs, trop fragiles, donc procédurales.

Trop de temps avait passé, il ne se reconnaissait plus, seul la dynamique incongrue le reliait à la temporalité qu’il était en totale incapacité de maîtriser.

Il décida de bâcler son emploi du temps, se réfugier le plus vite possible autour d’une comparaison solide…

Le Bois touffu était anormalement vivace, aux vues de l’état géologique du lieu. Une largesse diamétrale des troncs, l’odeur intuitive des ramures de ces arbres qui n’avaient pas de raison d’exister avec autant de force, prenaient le pas sur sa cohérence scientifique. Il éprouva, avant tout le besoin de se recueillir à l’ombre de la surface protégée de ces orgueilleuses présences. Il leurs donnait vie, déjà il se sentait pris à un jeu qu’il ne pouvait pas maîtriser, mais dont il acceptait l’irrémédiable logique.

C’est bien de logique dont il était question ! Celle, ultime, qui mettait à mal son acuité à réagir… Le ressenti pierreux de « La Rapière », par son régime biblique, par l’édification de ses habitants, par l’attrait désintéressé qu’il avait conjugué auprès de sa jeune population, bref par le sentiment déraisonnable qui l’avait amené auprès de ces jeunes âmes, rendait possible toutes élucubrations intérieures.

Il se reprit cependant et tourna son regard tout autour de lui…Il essaya de concevoir ce bosquet inapproprié avec la contenance qu’il méritait. N’est-pas géologue qui veut ! L’essence dominante des trois mille mètres carrés, approximativement, qui délimitait cet îlot de verdure était représentée par le Pin Noir ou Sylvestre, le même qui se trouvait sur la petite place de La Rapière. Quelques feuillus comme le Chêne Vert qui disputait sa place au Hêtre semblaient s’acclimater parfaitement à l’apparente absence de filon aquifère. Cet espace arboré s’étendait sur une pente douce en direction du Nord. La gravité étant une réalité physique non négligeable, il se dirigea donc vers le bas du bosquet, l’ouïe en alerte, tentant de déterminer, en dépits du piaillement des oiseaux qui semblaient faire une symphonie à ce printemps bien installé à cette altitude, un son liquide, aussi faible soit-il. A mis chemin le sol devint plus moelleux, une herbe dense et une forte épaisseur de mousse confirmaient la présence d’eau. De gros rochers apparurent enfin à la lisière du petit bois. Il posa son havresac, et en quelques bonds il se hissa à leur sommet. Il distinguât alors la raison de cette luxuriance inhabituelle. Un tout petit aven faisait miroiter en son fond, l’éclat lumineux d’un réservoir alimenté par une source. D’un autre bond il se lança de l’autre côté et inspectât cette cavité, source de vie. Il tendit la main vers le fond et ramenât à sa bouche une petite quantité d’eau. Celle-ci avait le goût sécurisant des sources qui abondaient dans la vallée. Il prit le temps d’observer alentour et constata la présence de chemins rendus visibles par une fréquence d’aller et venues sans aucun doute humaines, qui provenaient des quatre points cardinaux. Puis, en précisant son regard il remarqua que le pourtour de cette source miraculeuse était ceint d’un demi-cercle fait de cailloux blancs qui venait clore ce symbolique périmètre à la jonction avec les gros rochers qui masquaient cet aven en devenir… En levant les yeux vers le Sud, en direction du Bois Touffu, il distingua des couleurs inappropriées avec ce que peut produire la nature. Des chiffons et autres morceaux de tissus bariolés étaient noués aux plus basses ramures, tels des ex-voto qui pendraient aux voutes des églises de marins. C’était, en tout cas, le rapprochement qu’il fit, plus par intuition que par déduction. Une impression de paganisme s’accorda sans délai et avec contradiction, au frontispice improvisé de l’église de La Rapière. Encore et toujours des mystères ! se dit-il intérieurement. Ce causse se concevait à ses yeux comme l’illusoire comparaison entre son aspect géologiquement désertique et celui profondément riche de la présence de rites cachés.

Une réalité biologique vint lui rendre son sens commun, il n’avait pas pensé à se pourvoir d’un quelconque repas, Maria ou bien Auguste ne s’en étaient pas préoccupés, négligence de leur part, ou bien constat que la présence d’un pensionnaire dans leur établissement était plus qu’inhabituelle ? A quoi bon se lamenter se dit-il, il était responsable de la logistique afférente à sa mission scientifique, chercher à faire supporter cette négligence à autrui était trop facile et relevait d’une immaturité certaine. De toute façon il avait rempli ses objectifs et, en plus, sa besace recelait des documents qui excitaient, au plus haut point sa curiosité passablement malmenée depuis son arrivée sur Malaterre.

Néanmoins il se disait que tout allait trop vite, les évènements s’additionnaient de manière…surnaturelle.

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