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Elle l’avait enfin retrouvé. Contrairement à ce qu’elle pensait, il ne mettait plus autant de soin à se cacher. Était-ce le signe qu’il allait bientôt passer à l’acte ? Peut-être partait-il du principe qu’agir comme un citoyen lambda risquait moins d’attirer les soupçons sur lui.

Pour l’heure, il poursuivait justement son jeu de rôle, et s’était rendu à la bibliothèque Lysianassa, l’un des quatre bâtiments de savoir de la capitale. C’était un lieu à l’atmosphère réconfortante, dont les étagères en bois sculpté invitaient à se perdre dans l’un de leurs précieux ouvrages. Un silence feutré y régnait, préservé par les épais murs de pierre.

Il avait choisi un livre d’histoire maritime avant de s’installer dans l’une des vastes salles de lecture. Elle-même avait pris place à l’autre bout avec l’un de ses romans favoris. Elle le parcourait distraitement tout en faisant mine de laisser errer son regard de temps en temps afin d’épier sa cible. Le choix de son livre l’intriguait, à sa place elle aurait pris un ouvrage relatif aux poisons ou aux armes pour être sûre d’en savoir un maximum avant de procéder à son assassinat. Quoique, cela aurait pu éveiller quelques soupçons. Il semblait passionné par sa lecture et ne la délaissa pas un seul instant pendant les deux petites heures qu’il passa ici. Tout en l’observant par intermittence, elle se fit la réflexion qu’il avait l’air très ordinaire. Elle s’était attendue à ce qu’il ait un signe distinctif ou au moins une aura indiquant que son métier et son passe-temps consistaient en l’élimination de vies humaines, mais il possédait des traits banals, des cheveux blond foncé et des yeux gris comme une grande partie de la population, et pas la moindre cicatrice ou tache de naissance apparente. Même son nom, Nemanja Ivaël, ne lui évoquait rien.

Ma chère Eriko, se dit-elle avec amusement, tu es bien naïve.

Elle retourna à son roman et eut le temps de lire un paragraphe avant que l’autre ne quitte la salle. Prudente, elle lui laissa de l’avance et ne se leva pas tout de suite. Elle reposa son livre à sa place puis descendit trois volées de marches en pierre avant de parvenir au rez-de-chaussée. Ivaël quittait le bâtiment, emportant l’ouvrage qu’il venait d’emprunter.

Tu as intérêt à l’avoir rendu avant de te faire exécuter. pensa-t-elle en le regardant s’éloigner.

Elle sortit elle aussi dans la rue ensoleillée. Après avoir repéré dans quelle direction il était parti, elle commença à le suivre à distance. Il marchait d’un pas alerte, sans paraître préoccupé ou attentif à d’éventuelles menaces. Au contraire, il était visiblement détendu comme s’il profitait de cette belle journée sans penser à quoi que ce soit d’autre. Elle pouvait presque sentir sa bonne humeur rayonner autour de lui, comme une rivière lumineuse qui s’écoulait jusqu’à elle et lui réchauffait le cœur. Cette situation la déconcertait au plus haut point tout en la faisant sourire. Après tout, elle appréciait l’inattendu, et profitait volontiers de ces quelques étincelles de joie, aussi paradoxale que soit leur source.

Leur promenade séparée les mena à travers de jolis quartiers aux maisons claires et aux charmants parcs fleuris. Ils arrivèrent à une petite rue où se trouvait une échoppe à la devanture verte. Il y entra tandis qu’elle se cherchait un endroit pour attendre à l’extérieur. Elle fit quelques pas jusqu’à un étalage de fleuriste et admira les bouquets colorés qui s’y épanouissaient.

Ivaël était entré chez un herboriste, et elle doutait que ce soit pour sa santé. Elle lui accordait volontiers le bénéfice du doute, mais connaissant la réputation de l’homme il était plus probable qu’il se fournisse pour un poison que pour une thériaque. Il ressortit quelques minutes plus tard avec un sac en tissu épais pour se remettre en chemin sans même un regard pour elle. C’était à se demander s’il était conscient qu’il pouvait être surveillé. Elle le suivit jusqu’à l’auberge où il louait une chambre et le regarda disparaître à l’intérieur sans aller elle-même plus loin. Elle murmura pensivement :

« À présent, à moi de découvrir ce qu’il compte préparer… »

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