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Les lustres de cristal scintillaient, illuminant la salle. Le dîner officiel venait de se terminer et les invités discutaient dans l’un des salons d’apparat. Le couple impérial s’entretenait avec les membres de la délégation de l’ouest. Ceux-ci représentaient les régions les moins touchées par la guerre, qui demeuraient cependant essentielles d’un point de vue stratégique. En effet, leurs terres fertiles propices à l’agriculture en faisaient la principale source de vivres du pays. Ils furent rejoints peu après par des envoyés de l’est et poursuivirent la conversation sur l’approvisionnement des armées.

« Il est essentiel que l’on établisse de nouveaux trains de ravitaillement vers les montagnes. déclara un émissaire.

- Je suis tout à fait d’accord, approuva un de ses confrères, avec la progression des forces militaires en terrain ennemi les questions de logistique deviennent encore plus importantes.

- C’est un sujet que je garde à l’esprit, assura l’Empereur, et j’ai prévu de l’évoquer le plus tôt possible au Conseil des Ministres.

- Nous avons déjà commencé à réviser le budget alloué au transport de denrées de première nécessité, ajouta l’Impératrice, et le lien est-ouest est au cœur de nos préoccupations. »

La discussion se poursuivit un moment jusqu’à ce que la souveraine, qui donnait des signes de fatigue grandissants, annonce qu’elle souhaitait se reposer. Inquiet, son mari la raccompagna jusqu’à l’entrée de la salle.

« Tu es sûre que tout va bien ? demanda-t-il alors qu’ils marchaient.

- Oui, ne t’en fais pas. » le rassura-t-elle.

À peine eût-elle prononcé ces mots qu’elle s’effondra.

« Sae ! » s’écria l’Empereur.

Elle se rattrapa de justesse à son bras. Alors qu’il l’appelait à nouveau, elle perdit tout à fait connaissance. Des murmures confus parcouraient la salle, sans qu’aucun des spectateurs n’ose s’approcher. Ce furent finalement les gardes qui accoururent pour proposer leur aide. Le chef de l’État fit un effort pour se reprendre malgré la peur qui lui étreignait le cœur.

« Je vais la porter à ses appartements, dit-il, allez chercher son médecin. »

Il se releva en serrant sa femme contre lui et quitta le salon sous le regard inquisiteur des courtisans. Tout en suivant les couloirs avec une petite escorte, il repensait à l’absence de réaction des invités. Il en éprouvait un certain ressentiment car même s’il comprenait leur hésitation à interagir directement avec leurs souverains, il trouvait absurde que ce soient les gardes qui leur aient porté assistance en premier alors que la différence sociale et protocolaire était bien plus importante entre eux. Les rôles de vassal et de suzerain s’avéraient parfois compliqués.

Il arriva aux appartements de l’Impératrice. Les hommes d’armes lui ouvrirent les portes et il se rendit à la chambre. Alors qu’il déposait Sae sur son lit plusieurs dames de compagnie accoururent.

« Votre Majesté ! commença l’une d’elle. Que s’est-il passé ?

- Elle a eu un malaise. J’ai fait prévenir son médecin. »

Le docteur arriva à ce moment-là et rejoignit l’Empereur. Après lui avoir posé quelques questions, il demanda à tout le monde de s’écarter et commença à ausculter la jeune femme. Son époux se tenait en retrait, de plus en plus inquiet à mesure que les minutes passaient. Elle ne se réveillait pas et paraissait exténuée. Alors qu’il se perdait en sombres réflexions, il fut rejoint par un valet qui transportait des documents.

« Votre Majesté, des rapports de l’Armée viennent d’arriver et requièrent votre attention immédiate. »

Le souverain le considéra, déconcerté, avant de regarder à nouveau sa femme. Il ne voulait surtout pas s’absenter maintenant alors qu’elle avait besoin de lui, cependant son devoir d’État l’exigeait. Il évalua la liasse de feuilles entre les mains du serviteur. Avec un peu de chance, il ne s’agissait que de comptes-rendus à lire et approuver. Il réprima un soupir et prit les documents.

« Je vais m’en occuper, vous pouvez repartir. »

Après un dernier regard à son épouse, il quitta la pièce. Il se rendit à pas vifs à son bureau et se mit immédiatement au travail. Il constata avec un vague soulagement que c’étaient bien des rapports sur les opérations militaires ainsi que des prévisions pour les mouvements à venir. En revanche, il avait sous-estimé leur quantité. Tout en parcourant d’un œil rapide les informations, il éprouvait des difficultés grandissantes à se concentrer. Le langage convenu de ces documents échouait à retenir son attention d’autant plus que les soucis qu’il se faisait pour sa femme le tourmentaient. Et avec cela, la fatigue accumulée depuis des mois revenait, plus forte à mesure que la nuit avançait. Les lignes commencèrent à se brouiller devant ses yeux et il s’endormit sans même s’en rendre compte.

Un temps indéterminé plus tard, un rayon de soleil le réveilla. Il s’assit et regarda autour de lui, désorienté. Sa montre posée sur la table indiquait sept heures cinq. Il se leva d’un bond. Normalement, quelqu’un aurait dû venir le trouver au moins une heure auparavant. Alors qu’il quittait son bureau les événements de la veille lui revinrent brusquement en mémoire. Il pressa le pas pour se rendre aux appartements de sa femme. Une fois arrivé il s’enquit auprès d’une dame d’honneur de la santé de Sae, celle-ci l’informa qu’elle venait de se réveiller après une bonne nuit de sommeil puis le conduisit à la chambre. La jeune femme était encore dans son lit et en chemise de nuit, entourée de dames de compagnie attentionnées. Elle les congédia quand elle vit entrer son mari et lui fit signe d’approcher. Il s’assit au bord du lit et la salua :

« Tu te sens mieux ?

- Un peu. »

Il la regarda plus attentivement. Elle avait en effet repris des couleurs mais elle arborait une expression qu’il n’arrivait pas à interpréter, comme un sourire teinté d’incertitude. Il essaya de ne pas paraître trop soucieux lui-même et lui demanda :

« Qu’a dit le médecin ? »

Elle voulut parler mais ne trouva pas les mots. Tout était légèrement confus pour elle et elle était sujette à de brusques changements d’humeur depuis sa discussion avec le médecin. Une vague d’émotions mêlées la submergea à nouveau. Elle se laissa tomber contre lui et éclata en sanglots. Surpris, il mit un temps à réagir. Il la serra dans ses bras et commença à lui caresser les cheveux.

« Sae, mais que se passe-t-il ? »

Elle ne répondit pas tout de suite, incapable de s’arrêter de pleurer. Il ne savait que faire, il ne comprenait pas toute la situation. Finalement elle réussit à prononcer quelques mots :

« Roman… Je… je vais avoir un bébé ! »

La nouvelle lui causa un merveilleux choc. Il sentit les larmes lui monter aux yeux.

« Mais c’est fantastique ! murmura-t-il.

- Oui ! » dit-elle entre deux sanglots.

Ils demeurèrent tous deux enlacés un moment, subissant le contrecoup des émotions de la veille, sans réaliser tout à fait leur bonheur. L’événement était trop soudain pour qu’ils en prennent la pleine mesure, mais ils savaient déjà que ce jour était l’un des plus beaux de leur existence.

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