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Aucune bataille n’avait eu lieu depuis un moment sur cette partie du front. Après les combats acharnés des premiers mois de la guerre, il trouvait cette tranquillité presque inhabituelle. En un sens, elle accordait un peu de répit aux soignants, et les soldats disposaient de plus de temps libre. Il était donc doublement gagnant. Tout en se faisant ces réflexions, il terminait de vérifier les mécanismes de son automate. Tōru lui avait recommandé de le faire régulièrement, et l’avait enjoint à lui demander des pièces de rechange en cas de besoin. Pour l’heure, il devait encore se familiariser avec tous ces engrenages. Il était loin du niveau d’expert de son ami. Pensant à lui, il esquissa un sourire, qui fut aussitôt chassé par une expression soucieuse. Sakura lui avait appris sa disparition, et Sergey, qui était au courant par l’intermédiaire de Desya, l’avait informé que le Lieutenant cherchait des informations du côté des services secrets, en vain. Il espérait de tout cœur que le mystère serait vite levé sur cet incident, et que ses craintes se révèleraient infondées.

Il laissa son automate et quitta l’infirmerie. Dehors la lumière déclinait. La nuit tombait vite, en cette saison. Il ne se rendit pas tout de suite à sa tente mais fit un détour vers l’extérieur du camp. Il s’arrêta à la limite du cantonnement et observa le paysage. Un terrain irrégulier s’étendait à perte de vue, parcouru de nombreuses rivières. Quelques taches vertes subsistaient par endroits au milieu de la couverture de neige. Un timide soleil tentait de briller dans un ciel nuageux, dont les brumes blanches rappelaient la poudreuse au sol et les voiles éphémères que son souffle créait.

« Tanaka ! »

Il se retourna. Le Lieutenant arrivait. Tandis que l’homme le rejoignait, il eut une réminiscence de leur première conversation. Une claire journée, en début de semaine, à l’Académie Impériale. L’ambiance était tout autre alors. L’officier s’arrêta face à lui et engagea la discussion :

« Avez-vous quelque chose de prévu dans l’immédiat ?

- Pas spécialement, répondit Sei, j’ai même un peu de temps libre. Puis-je vous être utile en quoi que ce soit ?

- Non, merci. Je cherchais une occasion de vous parler.

- Au sujet de mon oncle ? demanda directement le jeune soldat.

- En effet, sourit le Lieutenant, vous n’y allez pas par quatre chemins. La fortune sourit-elle toujours aux audacieux ? »

Sei hésita quant à la réaction à adopter. Son interlocuteur se souvenait lui aussi de ce jour. Cependant il ne paraissait pas lui en vouloir. Il poursuivit d’ailleurs la conversation sans s’y attarder :

« Le Général m’a laissé entendre que vous souhaitiez me dire deux mots concernant Koosei Tanaka. Je vous écoute.

- Vous jouez à me déstabiliser, n’est-ce pas ?

- C’est fort probable. »

Sei marqua un temps puis demanda :

« Premièrement, pourquoi avez-vous cherché à éliminer mon oncle ?

- Je voulais juste l’écarter du pouvoir. Je n’ai jamais eu pour but de lui faire perdre la vie, la preuve : je suis intervenu personnellement pour lui éviter la peine capitale.

- Curieux revirement.

- Je ne gâche jamais de vies. »

Le soigneur eut du mal à cacher sa stupéfaction devant tant de franchise. Ou peut-être était-ce du pur cynisme. Il reprit :

« Vous avait-il fait du tort ?

- Absolument pas. Mais en tant que chef adjoint des services secrets, il possédait une certaine influence qui aurait pu contrarier mes projets.

- Comme quoi, par exemple ?

- Les détails ne vous intéresseraient pas. Mais toujours était-il qu’il avait un peu trop tendance à jouer les justiciers, c’est un trait qui m’a l’air commun dans votre famille.

- Vous êtes donc du côté de ces gens… constata Sei avec ressentiment.

- Qui ?

- Ceux qui empoisonnent la cour, et avaient fait de l’Empereur une marionnette.

- Eh bien, disons qu’avant, j’appartenais à cette catégorie à temps partiel. » concéda le Lieutenant d’un air détaché.

Il ne paraissait pas s’offusquer de la critique, mais l’acceptait et allait jusqu’à la confirmer.

« Et maintenant ? voulut savoir le jeune homme.

- Je ne sais plus trop où j’en suis. Mais je n’abandonne pas le jeu politique pour autant. D’ailleurs, si cela peut vous contenter, sachez que celui qui a pris la place de votre oncle est lié au second ministre, dont je vais bientôt prouver la culpabilité. Il est associé au complot des royaux. Koosei pourra bientôt retrouver son poste.

- Encore faudrait-il qu’il sorte de prison.

- Ne vous en faites pas, l’Empereur et le Général ont très envie de le réhabiliter. Il suffit juste que je les aide un peu à démêler les nœuds politiques que j’avais créés, et d’ici quelques semaines tout au plus il sera libre. »

Sei le considéra avec étonnement.

« Qu’y a-t-il ? s’enquit le Lieutenant, amusé.

- Pour être honnête, je ne sais pas si je dois continuer à vous en vouloir pour votre drôle de façon d’agir ou vous remercier.

- Faites les deux. Ou agissez selon ce qui vous plaît le plus. »

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