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De sombres pensées tournoyaient sans discontinuer dans sa tête. À nouveau, il était envahi par des souvenirs de glace et de sang. Parviendrait-il un jour à s’en libérer ? Parfois, le tourment était si fort qu’il demeurait loin de la réalité, assailli par une angoisse qu’il peinait à maîtriser. À d’autres moments, il était même incapable d’utiliser les incantations. Il voyait moins souvent Alisa. Elle s’efforçait de l’aider, mais ne pouvait venir que s’il lui permettait de se manifester. Et certaines nuits, la terreur était si forte qu’il était incapable de bouger, et que même l’habitude imprimée en lui de jouer de la harpe pour trouver le réconfort et la sérénité n’existait plus. La peur pouvait prendre tant de formes qu’il se sentait démuni face à elle. Avant, lorsqu’il était captif, il se raccrochait au seul espoir qui lui restait : l’ultime repos, le sommeil éternel. Chaque fois que la souffrance physique l’attaquait, il se répétait : peut-être que la prochaine fois, ce sera la plaie de trop, que je ne pourrai plus le supporter, que tout cessera enfin. Mais à présent qu’il était revenu à la vie, il avait dû inverser sa stratégie et réapprendre à ne plus compter les battements de son cœur.

« Desya ? Qu’y a-t-il ? Tu me parais bien songeur. »

Il retrouva la réalité, qu’il avait quittée sans même s’en rendre compte. Il était dans le parc du palais, et c’était la saison chaude. Il regarda la jeune fille qui était avec lui et lut l’interrogation muette dans son regard. Parvenant à prendre un air dégagé, il sourit.

J’étais encore une fois perdu dans mes pensées, j’imagine. répondit-il d’un ton léger.

« J’ai remarqué que cela t’arrivait parfois. »

Excuse-moi, je ne m’en rends pas toujours compte.

« Ça ne me dérange pas. Cependant… si tu as besoin d’aide d’une façon ou d’une autre, n’hésite pas à me demander. »

Ne t’en fais pas, Selena. Mais, merci de ta proposition.

« De rien, dit-elle avec prévenance, c’est normal que je me soucie de toi. À ce propos, il y aura un bal demain soir, viendras-tu ? Cela te permettra de te changer les idées. »

Oui, j’y serai.

« Pour continuer à enquêter ? Ou pour profiter de ma compagnie ? » plaisanta-t-elle.

Un peu des deux. répondit-il sur le même ton.

« D’ailleurs, si ce n’est pas trop indiscret, parviens-tu à trouver des éléments intéressants ? »

Tu es bien curieuse.

« Je sais, Père me le reproche souvent. Mais ta réponse signifiait-elle que tu es tenu au secret ? »

Plus ou moins.

« Ne puis-je vraiment rien savoir ? » poursuivit-elle dans le même jeu.

Secret d’État.

Tous deux sourirent. Ils continuèrent leur marche quelques instants en silence.

« Et si je te pose des questions sur les autres Chasseurs, me répondras-tu ? »

Ça dépend.

« De quoi ? »

De la nature de tes interrogations.

« Alors je vais essayer de ne pas m’enquérir de sujets confidentiels. s’amusa-t-elle. De toute façon, j’ai peu de questions. »

Elle marqua une pause pour l’effet avant de reprendre :

« La première est : duquel de tes camarades es-tu le plus proche ? »

Gavriil, car c’est lui qui m’a le plus aidé pendant notre formation. Après Nikita, bien sûr. Mais Gavriil était comme un grand frère pour moi. Et il l’est toujours.

« Ça me fait bizarre que tu les appelles par leur prénom. Pour la majorité, Nikita est le Lieutenant, Gavriil, le Chevalier Andreï, eu égard à son titre, et Sergey et Pavel, les jumeaux Kessikbayev. Quant à toi, il n’est pas rare qu’on te nomme le Chasseur Fantôme. Mais vous êtes un peu comme des frères, pour ceux qui vous connaissent autrement que de réputation. D’ailleurs, est-ce que le fait que tu sois le plus jeune fait une différence ? »

Le jeune homme réfléchit un peu, puis déclara :

Plus ou moins. Mais je ne m’étendrai pas sur le sujet.

« Secret d’État ? »

Secret de famille.

« D’accord. J’en viens à ma question suivante, elle concerne un on-dit à ton sujet. »

Vraiment ? Je suis curieux de l’entendre.

« Est-ce vrai que tu ne voulais pas être soldat ? »

D’où tiens-tu cela ?

« Je te le dirai quand tu auras répondu. »

Soit. Il est vrai que je n’étais pas particulièrement tenté par l’Armée, mais ce n’était pas un refus. Et j’ignorais mon potentiel. Mais quand Nikita a révélé mes capacités, il m’a convaincu de le rejoindre. À présent, dis-moi où tu as entendu cette rumeur.

« C’était une conversation que j’avais surprise entre deux courtisanes. L’une d’elles, Honoka Mizuno, disait connaître assez bien l’un des Chasseurs, qui le lui aurait dit. »

A-t-elle donné un nom ?

« Sergey Kessikbayev. »

Étonnamment, cela ne me surprend pas. Il va falloir que je lui dise de surveiller ses propos.

« Une dernière question : à quoi ressemble un règlement de comptes entre Chasseurs ? »

Un éclat amusé passa dans le regard de l’espion.

La plupart du temps, ça se termine en duel. Sinon, nous mettons à profit les points faibles des autres. Parfois, nous trouvons le moyen d’échanger nos ordres de mission. Cependant… je me souviens que lorsque nous étions enfants, nous choisissions une option plus simple et immédiate, qui faisait désespérer Nikita.

« Laquelle ? »

Me promets-tu de ne pas le répéter ?

« Promis ! Je suis curieuse, mais pas bavarde. »

Une bataille de polochons.

Elle ne dit rien pendant un instant, puis éclata d’un rire léger.

« Votre enfance a l’air d’avoir été assez mouvementée ! »

Et encore, tu ne sais pas tout. Mais mieux vaut laisser certains aspects dans l’ombre…

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