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La guerre avait été déclarée. Dans les cours royale et impériale, de nouvelles intrigues se tramaient. Mais ce n’était pas ce qui le préoccupait le plus : ils allaient bientôt recevoir leurs ordres de mission, et l’un d’entre eux n’était pas en état de les accomplir. Les affrontements n’étaient pas un contexte propice au rétablissement de Desya, mais la situation ne leur laissait pas le choix. Il avait beau réfléchir à ce problème depuis plusieurs jours, aucune solution ne lui apparaissait et il doutait de pouvoir en trouver une en si peu de temps. Leur métier n’était pas toujours simple.

Pour l’heure, tous les autres dormaient. Il percevait leurs consciences endormies, et les enviait un peu de trouver si facilement le sommeil. Assis à son bureau, il lisait un ouvrage relatif à l’histoire de l’Empire. La nuit était tranquille, un doux clair de lune traversait la vitre entrouverte. Alors qu’il parcourait machinalement les pages, il perçut un mouvement. Desya était réveillé. Il devina qu’il s’agissait encore une fois d’une de ses insomnies. Il n’était pas rare qu’il se réveille ainsi, tourmenté par ses souvenirs, sans parvenir à trouver un vrai repos. Avec un serrement de cœur, son frère d’armes chercha ce qu’il pouvait faire pour lui transmettre son soutien. Une idée lui traversa l’esprit et il alla s’installer à son piano. Il savait que son cadet dormait toujours la fenêtre ouverte. Après une hésitation, il commença à jouer une mélodie que tous les cinq connaissaient, un air qu’il aurait voulu oublier. Cependant il voulait transmettre son message, et ce morceau était le meilleur moyen de le faire. Quelques instants plus tard, le son d’une harpe lui répondit. Ses accords légers venaient compléter la tonalité claire du premier instrument, comme deux lignes semblables qui s’enroulaient avant de se fondre en une seule harmonie. Tous deux jouaient ensemble, piano et harpe se rejoignaient et se mêlaient dans l’air léger de la nuit. Le temps semblait suspendu, il avait cédé la place à la musique et au lien qu’elle créait. Dehors, une brise agita les branches des arbres. Il frissonna. Pourtant, il n’avait pas froid. Il ressentait… quelque chose d’indéfini et pourtant qui lui était familier. Une présence, là-bas, dans l’autre chambre, qui n’était pas là l’instant d’avant. Impossible, se dit-il, ce lieu était inaccessible par téléportation. Et pourtant, il devinait confusément qu’il y avait bien quelqu’un là-bas, mais pas une présence humaine. Pas totalement. Il devait en être certain. Il entra en contact avec l’esprit de l’autre musicien.

Desya, y a-t-il quelqu’un avec toi ? Je ressens une présence.

Aucune réponse ne vint, mais il sentit que le jeune homme hésitait. Finalement, celui-ci répondit :

Viens.

Intrigué, il se leva, referma le piano et sortit. Il traversa le couloir jusqu’à la chambre de son cadet et s’annonça avant d’entrer. Le musicien n’avait pas cessé de jouer, les yeux fermés il laissait ses mains continuer la mélodie. Il les rouvrit, s’arrêta, et sourit d’un air hésitant devant la stupeur de son aîné qui découvrait l’origine de la présence.

Nikita, déclara-t-il, ceci était probablement le secret le mieux gardé de mon existence.

À côté de Desya était assise une jeune fille d’apparence fantomatique. Elle regardait le nouvel arrivant, un doux sourire sur ses lèvres. Celui-ci était incapable de réagir. Desya commença à expliquer :

Cela fait des années que parfois, quand je joue le morceau qu’elle m’a appris, elle revient. C’est pour ça que je ne tenais pas compte de tes demandes répétées d’arrêter. Et de ta douleur. Pardonne-moi. Et si je te l’ai caché pendant tout ce temps, c’était parce que j’avais peur de ta réaction. Elle-même ne savait pas si te le révéler était une bonne idée ; tu étais tellement détruit après sa mort. Mais elle n’a jamais cessé de penser à toi.

À ce moment, l’esprit de la jeune fille se leva. Sans un bruit, elle s’avança vers Nikita et le prit dans ses bras. Il ne réagit pas, sous le choc. Elle s’écarta de lui pour le regarder avec douceur. Encore désemparé, il s’anima et une larme roula sur sa joue.

Grand frère…

La voix avait résonné imperceptiblement dans l’atmosphère, tel un soupir. Desya prit à nouveau la parole.

Les esprits sont aussi muets que moi. Mais en tant que sigao, j’ai réussi à lui redonner la faculté du langage. Cependant la plupart du temps elle s’exprime encore par sensations ou images.

« Alisa… murmura Nikita. Comment est-ce possible ? Je pensais ne plus jamais te revoir. »

Elle sourit à nouveau. Elle lui prit la main pour y déposer quelque chose, puis la referma.

Je dois partir…

Et elle disparut, s’effaçant progressivement. Nikita sortit avec peine de sa torpeur. Il baissa le regard et ouvrit la main. En son creux était déposé le collier de sa petite sœur, une simple chaîne d’argent à laquelle était accroché un pendentif représentant un flocon de neige. Il le contempla un moment, puis releva les yeux vers son camarade. Il cherchait comment exprimer tout ce qu’il ressentait, ce mélange de gratitude, de douleur et de souvenirs qui s’était déversé en lui, sans parvenir à formuler la moindre phrase.

« Merci. » dit-il finalement.

Et il s’en alla. Il retourna dans sa chambre où il s’enferma. Il se laissa lentement glisser au sol, dos à la porte. Un long soupir lui échappa et il ferma les yeux, le visage baigné par la clarté de la lune.

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