Chapitre I : Bombardements

5 minutes de lecture

20 Janvier 2070 – 10h10 Irak, Samarra

Akram

Au journal télévisé, les politiciens avaient parlés d’un mouvement militaire sur le territoire irakien. Ils disaient que les troupes américaines et européennes se dirigeraient vers l’Irak afin de le bombarder. Comment peut-on ne pas s’inquiéter après avoir appris cela ? Notre peuple, étaient effrayés mais c’était sans compter sur cette matinée là où tout allait basculer d’une minute à l’autre. Certains pensaient que c’était des ragots, des fausses informations pour nous faire peur ou nous faire fuir. Mais ils étaient loin de toute la vérité.

Mes parents étaient partis rejoindre l’armée irakienne pour combattre et nous protégés contre les égoistes riches. Pourquoi les riches sont-ils si différent quand il s’agit de partager la nourriture ? Quand il s’agit d’aider les plus démunis ? C’était maintenant devenu chacun pour soi, pour ma famille, c’était très difficile de garder espoir.

Ma petite sœur était hospitalisée dans sa chambre car nous avions pas les moyens de payer des soins pour son cancer. Ici en Irak, les soins hospitaliers sont faibles et très cher. Laisser un des nôtres mourir était la pire chose à faire dans une vie.

Mais aujourd’hui c’était la rébellion, nous devions partir dans l’abri de jardin que nos parents avaient construits avant les premières vagues de morts sur la terre. Après avoir débranché ma petite sœur de son appareil respiratoire, je sortais de la maison avec elle et nous fîmes arrivé en pleine rue, la panique dehors était inexplicable, les gens couraient, pleuraient, criaient dans tous les sens. Des fusillades éclataient dans le centre de Samarra, des hommes armés surgissaient de partout et emmenaient les femmes et les enfants dans des camions blindés et tuaient les hommes et les personnes agées. Pourquoi ? Pourquoi faire tout ça ? Mais c’était trop tard, à peine les yeux rivés au ciel, plusieurs bombes tombaient sur notre belle ville. Il restait plus que quelques secondes pour réfléchir, si je ne laissais pas ma sœur je tomberais aussi avec elle, c’était nous deux ou juste elle, je n’avait pas le choix.

Shad

« Shad, bouge-toi, il faut courir !». Les paroles de mon père résonnent dans ma boîte crânienne comme si elles venaient de très loin. J’ai treize ans et je vais mourir. Les bombes allaient tomber d’un instant à l’autre, et il fallait se cacher. Pourquoi s’en prennent-ils à nous ? Ça a commencé il y a dix ans. Les européens et les américains – les riches-, ont décrété que le monde était surpeuplé. Douze milliards de personnes, c’était trop pour notre petite planète. Alors ils ont bombardé. Pas l’Europe, pas l’Amérique. Les pays pauvres, le Bangladesh d’abord, puis l’Ethiopie. On croyait qu’on était sauvés, ici, en Irak. Mais non. Il y a quelques mois on a entendu au-dessus de nos têtes ces bruits d’avions de guerre sans trop savoir ce que cela signifiait. On allait mourir. Ils ne sont pas allés à Samarra tout de suite, ils ont commencé par des villes plus grandes. On a eu le temps de se préparer, de construire des abris. Et aujourd’hui, ils sont là.

« Shad, réveille-toi ! Cours ! ». Mais mes jambes n’obéissent pas. Elles sont bloquées au sol, devant une petite fille pleine de sable et de poussière, maigre comme un fil de fer, et qui se traîne au sol en criant « Akram ! Viens me chercher, Akram... » Mais sa voix est si faible que moi seule peut l’entendre.

« Bon, Shad, faut y aller maintenant ». Insiste mon père.

« J’arrive papa, cours devant, je te suis ».

Il me fait un signe de tête, peu convaincu. Je m’accroupis devant la petite fille, et la prend dans mes bras. Mais au dessus de moi, les avions se rapprochent. Mon père crie au loin : « C’est trop tard, Shad, on a plus le temps de rejoindre l’abri. Couche-toi, vite ! ». J’ai peur, j’ai chaud. Je me recroqueville, et la toute petite fille est entre mes bras. Elle est si minuscule. Son souffle dans ma nuque devient de plus en plus faible. Alors, je comprends. Dans tous les cas, elle va mourir cette petite. Elle est malade, et aujourd’hui est son dernier jour. Les bombes commencent à tomber. Je ne peux rien faire d’autre que prier. Prier pour que ma mère et mon frère soient arrivés à l’abri à temps. Prier pour que mon père ne soit pas touché. Prier pour ma vie, et prier pour celle de tous les autres. Les voisins, les amis. Autour de moi, ça éclate de partout, les gens crient, les gens meurent. Mes oreilles sifflent. Je sais que c’est le jeu du hasard, les chanceux resteront. Au bout d’un temps qui m’a paru infini, les bruits s’arrêtent, et les avions repartent.

J’ai treize ans et je suis en vie.

La fillette entre mes bras ne bouge plus. Elle est partie bien loin d’ici. J’ai prié pour elle, aussi. Mais c’était déjà trop tard. Je n’ose pas relever la tête. J’entends des gens qui pleurent. Alors je jette un coup d’oeil. Je regarde à droite puis à gauche, et je n’aurais pas dû. Là, à seulement quelques mètres de moi, se trouve un bras. Un bras tout seul. J’ai envie de vomir. Puis j’entends un sanglot familier. C’est ma mère au loin. Je n’ose pas m’approcher. Mon petit frère m’aperçoit, et arrive en courant. Ses yeux noirs se plongent dans les miens. Il est en vie.

« Tu sais pourquoi elle pleure, maman ? Elle a dit qu’on ne pouvait pas s’approcher.. ».

Ce que ma mère regarde au sol, je ne veux pas le voir. Alors je me lève, je jette un regard au loin et aperçois mon père allongé dans une marre de sang et je comprends. Les larmes envahissaient son doux visage, notre mère essuyait cette dernière avant de lui donner un dernier baiser pour lui dire adieu. Il s’est éteint rongé par la peur, par la haine et la tristesse.

Mon père est mort par ma faute. Si j’avais couru plus vite, si j’avais pris le temps d’écouter ce qu’il m’avait dis, peut-être aurions-nous eu le temps de rejoindre l’abri. Si je n’avais pas au fond de moi, cette petite voix qui m’avait dit de m’arrêter, et de sauver cette petite fille. Si je n’étais pas si bête, si j’avais compris dès le début que c’était déjà trop tard.

J’ai tué mon père, et ça me hantera toute ma vie

Annotations

Vous aimez lire Anthony Cazin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0