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Une ambiance étrange les entourait. Après avoir suivi d’interminables galeries, ils étaient parvenus à une cavité si vaste que leurs lanternes ne suffisaient pas à l’éclairer. Les ténèbres y semblaient plus épaisses, comme pour les dissuader d’avancer, et une odeur amère et entêtante régnait. Aucun son ne leur parvenait et pourtant ils sentaient comme une présence oppressante devant eux. Mal à l’aise et impatiente, Aissia lança une sphère lumineuse. Au lieu de se mettre à flotter un peu plus loin l’objet éclata sans bruit avant d’être happé par l’obscurité. Elle allait armer son arbalète quand Egidio l’arrêta d’un geste. Sur leur gauche se dessinait peu à peu une source de lumière pâle dont partit une étincelle. Celle-ci fit le tour de la caverne et alluma une trentaine de réceptacles semblables avant de disparaître dans un claquement sec. Son écho se réverbéra longtemps tandis que les aventuriers découvraient le décor. Des orbes entourés de spirales d’ombres émanait un halo glauque, leur révélant un espace plus grand qu’une salle du trône au fond duquel se trouvait un piédestal. Et dessus, tel un trophée, l’enyolithe. Sa surface rouge veinée de noir était parfaitement lisse et la nimbait d’un étrange éclat.

Avant qu’ils ne puissent s’en approcher, un sifflement de mauvais augure retentit. Une silhouette se matérialisa près du joyau, une forme humaine qui devint une femme en armure sombre. Ses longs cheveux ondulaient tels des serpents, son regard paraissait fait de ténèbres, elle était munie d’une lance à la hampe de métal dont la pointe était un croc. Elle s’avança au centre de la salle puis frappa le sol de son arme. L’air autour d’elle frissonna et elle commença à se transformer. Ses contours se troublèrent pour grandir et s’étendre, et en quelques instants ils avaient devant eux une hydre noire titanesque. Ses trois têtes aux mâchoires démesurées les fixaient, son souffle vicié envahissait l’atmosphère, chacune de ses pattes était munie de longues griffes plus acérées qu’un sabre. Sa vue avait de quoi impressionner même les plus braves mais il suffit aux voyageurs d’échanger un regard pour raffermir leur courage. La partie commençait, ils n’avaient pas le droit d’échouer. L’hydre rugit, faisant trembler la caverne. De sa tête centrale elle cracha un jet de venin vers eux. Egidio s’interposa et para de son bouclier. Quand l’attaque s’interrompit Euan s’élança et asséna une série de coups au monstre. Son épée lourde causait des dégâts moyens mais lui permettait d’évaluer la résistance de la carapace. Le reptile répliqua d’un coup de patte qu’il évita aisément. Il laissa la défense à son ami pour guetter la prochaine occasion. Par cette entrée en matière, tous deux avaient permis à Aissia de préparer ses munitions. En étudiant les hydres, elle avait découvert que celles-ci étaient vulnérables au venin d’autres espèces, comme celui des vouivres. Elle avait donc enduit ses carreaux de cette substance qui même si elle n’infligerait que des blessures superficielles affaiblirait le monstre à la longue. Protégée par les deux autres elle commença à cribler cette cible facile. Ses projectiles firent rapidement effet, elle constata avec satisfaction que l’hydre s’agitait tout en devenant moins précise. Tous trois suivirent cette stratégie un moment, Aissia infligeait des dégâts à distance par ses volées de carreaux tandis que ses équipiers assuraient le corps-à-corps, Euan par ses enchaînements vifs et Egidio bloquant avec son grand bouclier. Leur synchronisation était parfaite, leurs trois styles s’accordaient pour contrer efficacement le monstre et l’affaiblir.

« Vous pouvez ralentir le rythme, les garçons, on passe à la phase suivante !

- D’accord, sois prudente !

- Toi aussi, Euan ! »

Les deux épéistes laissèrent un peu de répit à la créature qui s’attaqua comme prévu à l’arbalétrière. Celle-ci intensifia ses tirs pour l’agacer mais resta à distance. Cherchant à l’atteindre le reptile cracha une série de jets empoisonnés. Elle se rapprocha et les dirigea, les esquivant avec agilité au dernier moment. Quand tout l’espace entre les combattants et l’hydre fut couvert de venin elle sortit trois bombes incendiaires et les envoya sur le liquide. Un mur de flammes s’éleva, une vague de chaleur se dégagea en même temps qu’une fumée âcre montait.

« Euan, maintenant ! »

Il contourna la barrière et se retrouva à côté du monstre. Pris dans les fumées, celui-ci était partiellement aveuglé. Il baissa ses trois têtes et le chevalier saisit l’occasion. D’un enchaînement précis il trancha deux des longs cous. Il allait sectionner le troisième quand une onde de choc le repoussa vers le piédestal. Il heurta le sol et son épée lui échappa des mains, sans perdre de temps il se releva et récupéra son arme mais une mauvaise surprise l’attendait. Si l’un des chefs monstrueux avait disparu, le second absorba presque tout le brasier et se mit à luire avant de se transformer. À leur désarroi, les trois guerriers se retrouvèrent face à une hydre monocéphale et à la silhouette à la lance.

« Elle peut faire ça ? s’indigna Aissia.

- Là n’est pas la question, répliqua Egidio, toi et moi on se charge du monstre.

- Aucun problème ! ajouta Euan. Je vais voir ce que vaut cette sorcière. »

Celle-ci pointa son arme vers les dernières flammes qui s’éteignirent instantanément. Alors que le reptile repartait à la charge elle se tourna lentement vers le chevalier et se mit en garde. Il eut à peine le temps de faire de même qu’elle passait à l’attaque. Le premier choc fut violent, il arrêta de justesse la pointe avec le plat de sa lame. Il la repoussa et elle enchaîna sans attendre par une série d’estocs. Il esquiva la plupart et dévia les autres, impressionné par sa vitesse. Elle ne lui laissait pas le temps de se reprendre et disposait d’une force peu commune. Il avait beau être un combattant hors pair, il était contraint de rester sur la défensive.

D’un geste, elle écarta son épée ; il se baissa de justesse pour éviter une touche au cœur et tenta un coup de taille mais elle fut plus rapide. En un saut elle se mit hors de portée de son tranchant avant de se relancer à l’assaut. Elle maniait l’hast avec une dangereuse perfection, privilégiant les offensives frontales vives avant de se retirer. Sans se décourager, il s’efforça de lire ses attaques mais alors qu’il venait de trouver une faille elle se déroba et changea de style. Elle se déplaçait pour l’attaquer de toutes parts, virevoltante et encore plus agressive. Un soupçon d’inquiétude s’instilla en lui, c’était la première fois que son armure le protégeait d’autant de coups. Tandis qu’il perdait du terrain il parvint à se rapprocher de l’enyolithe. Une idée lui traversa l’esprit. S’il parvenait à entrer en contact avec elle il pourrait utiliser sa force pour remporter le duel. Mais alors qu’il tendait la main, son adversaire le projeta en arrière. Il chuta et n’eut pas le temps de se reprendre, un éclat d’argent fusa vers son cœur. Au dernier moment une lueur bleue apparut et repoussa la lance. Stupéfait, il se remit debout et baissa les yeux. La lumière qui l’avait sauvé flottait toujours devant son cœur, elle avait pris la forme d’une rose. Sa clarté pure semblait gêner la sorcière qui recula de quelques pas.

Encouragé, le chevalier retourna au combat. Il asséna une série de coups puissants avant de moduler son rythme, tantôt plus vif qu’un éclair, tantôt faussement ralenti. La lancière ne parvenait plus à le prendre en défaut, c’était lui qui menait la danse et il comptait bien l’achever au plus vite. À mesure qu’il prenait l’avantage un halo se propageait depuis la rose le long de sa lame. Inspiré par un pressentiment il concentra son énergie sur la hampe de métal qui finit par se briser. Privée de son arme la silhouette eut un instant d’hésitation dont il se servit pour l’éliminer. Quand sa lame la transperça elle disparut et l’hydre poussa un râle assourdissant. Les deux autres combattants lui portèrent un coup décisif et elle s’effondra avant de partir en cendres.

Un profond silence se fit dans la caverne, les trois vainqueurs avaient du mal à réaliser que c’était fini. Aissia réagit la première et s’exclama :

« Mon dieu ! J’ai cru qu’on n’y arriverait jamais !

- Et pourtant, sourit Egidio, nous avons fini par triompher. »

Tous deux rejoignirent Euan près du piédestal et celui-ci les félicita :

« Votre combat était impressionnant ! Vous avez fait armes égales avec l’hydre, je suis d’autant plus convaincu qu’il vaut mieux vous avoir comme amis que comme adversaires.

- Par contre, tu as un peu traîné, le taquina Aissia, on t’a vu passer à la limite du coup de grâce !

- Je crois que je n’étais pas tout à fait à la hauteur… » reconnut-il, embarrassé.

- Mais si, la preuve, tu l’as vaincu !

- C’est grâce à la Rose de Cobalt, elle m’a protégé. »

Il baissa à nouveau les yeux mais la lumière avait disparu.

« En parlant d’artéfacts, reprit Egidio, il est plus que temps de rapporter l’enyolithe à notre roi ! »

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