Les braises rougeoyaient doucement. Les étoiles scintillaient au-dessus d’eux telles des diamants qu’on aurait jeté sur un velours marine. À l’est se levait la lune, éclatante de blancheur en son premier quartier. Ils avaient fait une halte dans une oasis, sur une colline au sommet de laquelle poussait curieusement un érable. Une brise nocturne allait et venait autour d’eux, jouant entre les fleurs sauvages avant de se faufiler dans les ruines en contrebas. C’était une vue étrange et apaisante, un halo blanc baignait les pierres grises envahies de végétaux et par-delà s’étendait le désert, immobile.

Les trois aventuriers se reposaient après une longue journée, ils étaient partis avant l’aube pour ne s’arrêter qu’au couchant et avaient cheminé tout le jour en silence par des chemins toujours identiques. Avec le soir était tombée une fraîcheur bienvenue, et ce n’était qu’au moment de faire étape qu’ils avaient échangé quelques mots. Leur périple s’écoulait sans troubles, plus de la moitié était déjà derrière eux, aussi commençaient-ils à réfléchir à leur stratégie. La créature qu’il allaient affronter n’était pas commune, et l’enjeu de la lutte était plus conséquent encore. L’enyolithe se trouvait être une gemme pourpre apparentée au lapis lazuli, que l’on ne trouvait que dans les profondeurs de la terre. Chargée en énergie antique, elle conférait à son détenteur une force vitale pouvant confiner à l’invincibilité. Ses propriétés variaient selon la taille et la façon dont était travaillée la pierre et les plus puissantes se distinguaient par leurs veines noires.

« Comment l’hydre sera-t-elle avantagée, selon vous ? demanda Euan.

- Difficile à prédire, répondit Egidio, mais elle pourrait avoir une plus grande force physique, ou une meilleure défense.

- À mon avis, observa Aissia, son venin sera plus efficace. »

Le chevalier réprima un frisson et surprit son regard coupable. De tous les types de blessures c’était celui qu’il redoutait le plus, tandis qu’elle recourait fréquemment à cette arme.

« Le poison, ça m’avait manqué…

- Courage, le rassura-t-elle, j’ai préparé assez d’antidotes, et puis ce n’est pas comme si on allait lui laisser le temps d’attaquer.

- Tu as raison, se reprit-il, d’autant qu’avec la faveur de la Rose de Cobalt je suis devenu plus résistant.

- Elle fonctionne aussi pour les individus ? s’étonna Egidio. Je croyais qu’elle ne formait qu’un champ défensif autour du pays.

- C’est aussi ce que je pensais, mais en tant que protecteur du royaume elle m’a accordé sa bénédiction.

- C’est aussi parce que c’est toi qui l’as rapportée, non ? ajouta l’arbalétrière. Un peu comme notre roi qui garde l’enyolithe et bénéficie de sa force.

- Oui, c’est similaire. D’ailleurs comment l’hydre a-t-elle pu la lui subtiliser ?

- Elle a pris forme humaine et s’est glissée dans la foule un jour d’audience pour l’approcher.

- Elle peut faire ça ?

- Oui, elle a du sang d’adikeia dans les veines.

- Les sorcières métamorphes, évidemment. C’est un rude combat qui se prépare. »

Les deux autres hochèrent la tête et un silence s’installa. Pendant un moment ils écoutèrent le chant du vent dans les ruines. Puis Egidio prit une petite flûte de bois clair et en tira quelques notes. Aissia reconnut la mélodie et se mit à chanter cet air traditionnel de leur pays. Sa voix agréable s’accordait à la tonalité légère de l’instrument et Euan les écouta, attentif, pour se joindre à eux au second refrain.

Au cœur de la nuit, tisons et étincelles

Scintillent sémillants sur les voies du bonheur

Reine de cristal qui là-haut étend ses ailes

Puisse la lune bénir les voyageurs