La cité, rayonnante d’activité, paraissait animée d’un souffle d’énergie. Des gens de tous horizons s’y croisaient, de multiples corps de métier y étaient représentés, les styles architecturaux se mêlaient, et des centaines de langues et de dialectes se rencontraient. Les trois chevaliers étaient parvenus à la capitale au milieu de la matinée et en parcouraient à présent les rues à pied, suivis par Asdrubal. Durant les quelques jours qu’ils avaient passés ensemble, ils s’étaient liés d’amitié, et avaient beaucoup appris les uns des autres. Ils s’étaient raconté leurs vies, avaient parlé de leurs projets, et au cours de duels amicaux avaient échangé des techniques d’escrime. À présent qu’ils allaient devoir se séparer, ils essayaient de retarder ce moment, regrettant un peu d’avoir si vite atteint leur destination.

Ils arrivèrent à une vaste place au centre de laquelle s’élevait un édifice religieux grandiose.

« Quelle magnifique cathédrale ! admira Euan.

- C’est le fleuron de la capitale, sourit Alice, dédié à sa divinité tutélaire.

- Eleys, compléta Kuro, la Reine des Cieux.

- Impressionnant, commenta le chevalier bleu, vous avez de la chance de vivre près d’une telle merveille.

- Ce n’est pas faux, agréa la demoiselle blonde, bien que mon camarade s’y rende plus que moi.

- Peut-être ai-je plus conscience que toi de la dimension transcendante de notre rôle. la taquina-t-il. Et à propos de mission, je dois à regret vous signaler qu’il est déjà bien tard, et que nous devons aller faire notre rapport.

- C’est donc l’heure des adieux, conclut Euan, bien que la séparation ne soit pas définitive.

- Nous nous enverrons des lettres, confirma Alice, puisque nous avons échangé nos adresses.

- Et si jamais vous avez du temps, ajouta l’épéiste bleu, n’hésitez pas à me rendre visite dans mon royaume.

- Compte sur nous ! sourit la jeune fille.

- Et toi, renchérit Kuro, n’oublie pas que tu seras toujours le bienvenu à Hiérosolyma.

- J’y penserai ! »

Tous trois sourirent. Puis Alice reprit :

« Bien, il est temps de se dire au revoir.

- Bonne continuation pour vos missions. répondit Euan.

- Et bon courage pour trouver la rose. » lui souhaita Kuro.

Et ils se séparèrent. Le chevalier bleu regarda ses deux amis s’éloigner dans la foule, puis se dirigea vers la cathédrale. Il laissa son cheval près d’autres montures.

« Je reviens. » dit-il.

Il lui flatta l’encolure puis se détourna, et entra dans l’édifice. À l’intérieur régnait une agréable fraîcheur, mêlée à l’odeur des pierres anciennes. Quelques rares personnes priaient, réparties sur les bancs de bois précieux. Il remonta la nef du monumental bâtiment, et s’arrêta face à l’autel. Dessus était posée une statue blanche de taille moyenne, représentant une femme en grande robe, ayant pour tous accessoires une longue ceinture et un délicat voile sur ses cheveux lâchés. Elle se tenait debout, la tête légèrement inclinée, une expression sereine et aimante sur ses traits. Un doigt devant ses lèvres, elle paraissait inviter au silence et à la contemplation. Euan ne faisait pas partie de ses fidèles, mais il ressentit le besoin de confier sa quête à cette Dame qui semblait si bienveillante. Il mit un genou à terre et lui adressa quelques mots en pensée :

Si vous existez, ô noble déesse, daignez m’accorder votre protection et me secourir dans les épreuves que je rencontrerai.

Un fin rayon de lumière traversa à cet instant un vitrail et vint illuminer le visage de la statue. Le jeune chevalier crut la voir sourire. Puis un nuage couvrit le soleil, et l’illusion s’effaça.