23. La version maternelle

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Gaétan aida Madison à descendre du train après qu’elle lui ait passé les bagages. Ils avaient apporté quelques spécialités belges que sa mère adorait. Cela pesait lourd dans sa valise.

En soupesant à nouveau son bagage, elle se dit ;

Le poids de ma liberté, avec ces pots de sirop de Liège et la tonne de spéculoos, elle devrait être de bonne composition, après ça, à moi d’annoncer la couleur.

Gaétan lui caressa l’épaule et lui demanda,

— Tu es prête ? La gare des bus est de l’autre côté et nous n’avons que dix minutes pour attraper le bon.

— Oui, je te suis, désolée, j’étais dans les nuages !

Pour toute réponse, il déposa un doux baiser sur ses lèvres et lui indiqua la direction à prendre.

Une fois arrivé dans la ville où vivait sa mère, Gaétan sorti le plan qu’il avait imprimé d’internet afin de trouver leur chemin dans cette ville inconnue.

Madison pensa tout haut,

— Même venir nous chercher à l’arrêt du bus, elle ne sait pas faire !

Gaétan sourit et lui dit,

— On le savait Mad ! Arrête, nous allons d’abord trouver le gîte, qui doit se situer, par-là, à droite.

Il lui indiqua la direction et sourit,

— Regarde, ce n’est pas loin, je vois leur plaque d’ici ! Viens, on va se poser puis ce sera l’expédition jusque chez ta mère.

Elle lui emboîta le pas et ils prirent le temps de se reposer dans la chambre qu’ils avaient louée.

— Ils sont sympas à l’accueil ! Il est clair que si maman ne nous invite pas à dîner ce soir, nous irons faire un tour du côté de la crêperie dont ils nous ont fait la publicité !

— Rien qu’à les écouter, j’ai faim ! Tu crois que ta mère nous ferait ce coup-là ?

— je m’attends à tout avec elle…

Il l’enlaça en l’entraînant vers le lit où il se jeta.

— On a rendez-vous dans une heure et demie chez elle, c’est ça ?

— Oui.

— Viens, moi, je vais faire une petite sieste, ce voyage en TGV m’a épuisé !

— Ok, je mets le réveil, qu’on ne soit pas en retard.

Gaétan s’endormit presque instantanément. Madison, elle, se reposa, mais n’arriva pas à fermer l’œil. Son esprit était en ébullition. Elle appréhendait la réaction de sa mère.

Sur place, le jeune couple fut accueilli sans débordement. La présentation de Gaétan fut assez rapide et sommaire, Valérie ne lui posa aucune question, se contentant de se présenter, elle. Robert expliqua assez clairement qu’il avait eu une rude journée et Valérie s’affaira à ses côtés, comme si elle devait démontrer au monde entier qu’elle chouchoutait son homme.

Madison leva les yeux au ciel et tenta de garder son calme.

— Nous ne resterons pas trop tard, ne vous inquiétez pas.

— Et, que m’as-tu ramené de Belgique, ma chérie ?

— Plein de gourmandises maman, il y en a pour cinq kilos de pâtes à tartiner et de biscuits.

— Oh ! Mais tu devrais venir plus souvent ma chérie ! Je vous offre un café ? Nous dégusterons les biscuits que tu as ramenés en même temps.

Valérie s’affaira en lui parlant depuis la cuisine. Madison l’entendit lui demander, de sa voix stridente,

— Et quoi, c’était juste pour venir me présenter Gaétan que tu es venue rendre visite à ta vieille mère ?

Elle regarda Gaétan, lui sera la main et lui glissa un « j’y vais », avant de se rendre dans la cuisine.

Arrivée à côté de sa mère, elle se racla la gorge et se jeta à l’eau.

— Ben justement, j’ai quelque chose à te dire.

Sa mère se retourna, avec un air légèrement exaspéré et lui lâcha,

— Quoi ? Tu vas m’annoncer que je vais être grand-mère, que vous n’avez pas réussi à faire attention et que vous en avez mis un en route avant la fin de vos études ?

Choquée, Madison lui répondit sèchement,

— Mais, t’es vraiment à côté de la plaque maman ! Non, je ne suis pas enceinte, moi au moins, je sais faire attention à ça et je ne fais pas un gamin dans le dos à mon mec, moi !

— Allez, c’est reparti ! Qu’est-ce que tu veux encore, je te l’ai déjà dit, ton père est un connard qui m’a laissé tomber quand il a su que je t’attendais ! Tomber enceinte, ça fait partie des choses qui arrivent quand on a des rapports sexuels, il n’a pas su assumer !

Vivement, Madison lui répondit,

— Ah oui, il n’a pas assumé ? Et la maison que tu as pu acheter, qui m’appartenait à moitié et que tu as vendu en empochant toute la somme, ce n’est pas m’assumer, ça ?

Valérie resta interdite quelques instants, puis retomba sur ses pieds en lui rétorquant vivement,

— Encore une idée de ma sœur, ça, non ? Quelle emmerdeuse cette Mathilde ! Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?

— Tante Mathilde ? Elle ne m’a rien dit.

— T’es allée voir le notaire avec qui j’ai conclu la vente alors ?

— Non, j’ai pas eu besoin de faire ça, je sais que tu m’as flouée de la valeur de la moitié de la maison. Elle m’appartenait autant qu’à toi et tu le savais très bien, maman !

Valérie avait pâli. Suspicieuse, elle demanda à sa fille,

— Tu m’as l’air bien sûre de toi, comment es-tu au courant de cette affaire ?

— Donc tu admets bien que cette maison était à moi autant qu’à toi ?

— Il y avait des termes dans ce sens dans l’acte d’achat, mais le notaire a pu passer outre.

— Passer outre… Quelle belle éthique ! Dis-moi, maman, si je porte plainte contre toi et ce notaire, je pense que je pourrais récupérer ce qui me revient de droit, non ?

Valérie poussa un petit cri puis, d’une voix très vive, lui rétorqua,

— Quoi ? Tu oserais traîner ta mère devant la justice ?

— Je suis dans mon plein droit, non ?

Valérie se tut quelques instants puis éclata,

— Comment sais-tu tout cela ? C’était un arrangement secret !

— Je te laisse réfléchir maman…

Valérie comprenait, mais ne pouvait se résoudre à admettre cette évidence. En crispant son visage, elle lui balança,

— Il t’a menti, c’est un menteur et un lâche !

— Je ne suis pas d’accord avec toi, Victor m’a montré les papiers, j’ai bien reconnu ta signature, maman.

En criant, Valérie lâcha,

— C’était un arrangement entre nous deux, c’était ma contrepartie !

— Non, maman, c’était pour me permettre d’avoir un toit, moi ! C’est pour son enfant qu’il a fait ça, pas pour toi !

— Non, Madison, c’était une compensation, pour moi ! Pour moi, tu entends !

Madison respira profondément puis, calmement, répondit à sa mère,

— Non maman, comme me l’a confirmé Ségolène, c’était bien pour assurer mon avenir, pas le tien. Ta part de la maison était une compensation, tu peux le prendre comme cela, mais ma part était prévue pour que je ne me retrouve pas dans le besoin.

Elle se tut un cours instant puis, ajouta,

— Et ça, tu ne m’en as jamais parlé, maman, jamais.

Elle voyait les narines de sa mère se dilater et son teint tourner au rouge. Elle éclata et cracha à sa fille,

— C’est à cause de cette salope qu’il ne m’a pas épousé ! Sans elle, je serais tranquille à la campagne avec lui !

— C’est grâce à Ségolène que tu as eu la somme pour la maison, maman.

Valérie observa sa fille et lui demanda, sur un ton beaucoup plus sourd,

— Tu l’as vue ?

— Oui, maman, je l’ai vue, elle, Victor, leur fille Chloé. Et je verrais bientôt mes demi-frères.

En froissant les sourcils, Valérie, incrédule, lui demanda,

— Quoi ?

— Tu as bien compris maman, j’ai retrouvé mon père biologique, je l’ai vu, je suis allée dans sa famille et je me suis sentie accueillie.

Valérie se détourna et, sur un ton moqueur, lui balança,

— Mais, ne te fait aucune illusion ma pauvre petite chérie, tu es la bâtarde, rien de plus ! Tu ne feras jamais partie de cette famille !

Madison sentit le coup de poignard que lui donnait sa mère. Elle tenta de rester calme, elle s’était préparée à ce genre de réflexion de sa part. Mais, malgré tout, ça faisait mal…

Madison essuya les larmes qui avaient coulé sur ses joues puis dit à sa mère,

— Bon, je crois que Gaétan et moi, nous allons vous laisser, je voulais juste que tu sois au courant du fait que j’ai rencontré Victor.

Elle se retourna et vit Gaétan et Robert les observer au pas de la porte. Elle grimaça un sourire et dit,

— Gaétan, on va y aller. Robert, nous vous laissons, vous avez eu une rude journée, vous devez vous reposer.

Elle les dépassa, prit ses affaires et posa sa main sur la clinche de la porte d’entrée. Gaétan la rejoignit et passa le seuil de la maison.

Avant de fermer la porte, Madison dit, à l’adresse de sa mère,

— Nous resterons deux nuits dans la ville, mais nous ne reviendrons plus ici, maman.

Elle ferma la porte, au loin, sa mère était rouge de colère.

***

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