Ludivine

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Par où commencer ?

Peut-être par la première fois où le doute m’avait consciemment traversé l’esprit. Ce moment avait été d’autant plus décisif qu’il m’avait permis d’un coup de relire de nombreux souvenirs sous un nouveau jour.

C’était pendant la pause du midi au collège, en troisième. Cette année-là, je traînais régulièrement avec Ludivine, mon amie de l’époque, de sorte que la plupart des autres élèves pensait que nous sortions ensemble. Nous ne prenions d’ailleurs pas la peine de contredire ces ragots qui nous arrangeaient bien finalement, mais les choses étaient pourtant très claires entre nous : nous n’étions qu’amis. Et si une partie de moi aurait aimé aller plus loin, je n’avais aucun mal à entretenir et à respecter la confiance qui s’était instaurée entre nous. J’avais compris la valeur de cette relation privilégiée avec le sexe opposé que m’enviaient pas mal de copains. Du coup, nous nous racontions tout ou presque avec Ludivine.

Ce midi-là, nous étions assis par terre contre le mur, dans le couloir du sous-sol qui menait à la salle de musique, un repère habituel où les couples venaient souvent se bécoter. « Ludi » comme je l’appelais, me parlait de ce Fabrice en Terminale, qu’elle trouvait très mignon. Elle n’avait pas encore osé lui adresser la parole, mais avait imaginé un plan pour que je l’aide, vu que son frère était dans ma classe. Nous étions assis l’un à côté de l’autre et je l’écoutais parler de Fabrice.

Ce midi-là, sans en avoir conscience, je l’avais regardée intensément, droit dans les yeux, de cette « manière » qu’il m’arrivait de regarder les gens et qui me donnait parfois chaud à la tête, mais que je n’interprétais pas encore. À cette époque, je ne maîtrisais rien et je projetai « un flux » particulièrement fort. Elle continuait à me parler de Fabrice, mais il y eut comme un changement dans sa voix. Sa respiration devint plus rapide. Je ne quittais pas son regard et sentis bientôt cette chaleur au-dessus de mon front. Je perçus alors des signes d’inconfort chez elle, comme une gêne. Sa poitrine montait et descendait de plus en plus vite, comme si elle suffoquait. Je faillis lui demander si elle avait un malaise. Et puis elle s’est arrêtée de parler. Et nous nous sommes regardés comme jamais auparavant. Je sentais son souffle sur mon visage tout près du sien.

Combien de temps cela avait-il duré ?

Quelques secondes, tout au plus, mais cela avait suffi pour que je perçoive dans son inconfort une énergie, une tension sexuelle intense dont je commençais moi aussi à ressentir les effets.

C’est à cet instant que rugit la sonnerie de reprise des cours, coupant net le fil de notre excitation réciproque. Nous nous sommes alors levés d’un bond tous les deux, comme si nous avions été surpris en train de faire quelque chose de mal. Ludi fila en vitesse, prétextant que son prochain cours se trouvait de l’autre côté du lycée et qu’elle devait passer aux toilettes. Et nous nous quittâmes comme ça, tandis que les premiers élèves du cours de musique commençaient à descendre dans le couloir.

Que ce serait-il passé si la sonnerie n’avait pas retenti tout de suite ? Rien probablement, ou peut-être qu’on se serait embrassés… Ce qui est certain c’est que cette scène allait par la suite alimenter mes fantasmes d’adolescent, quand bien même il ne s’est jamais rien passé avec Ludivine. Quelques jours après, nous nous étions retrouvés comme si de rien n’était, choisissant tacitement de ne pas revenir sur cet épisode étrange. Ludivine ne réussit pas à sortir avec Fabrice qui quitta le lycée l’année suivante. Et nous nous sommes finalement perdus de vue, elle et moi.

Bien sûr, il serait assez simple d’interpréter cet indicent de manière « naturelle ». Tous les éléments semblaient réunis : cette amie me parle de ce garçon qui l’attire et ses hormones font des feux d’artifice. À ce moment, le cœur de l’ami qui cache un amoureux réprimé s’emballe et en un regard, ça devient électrique, tandis que les corps adolescents qui ne savent pas se contenir commencent à frétiller. Oui, ça se tenait.

Sauf que le doute était né. Cette idée que, d’une façon ou d’une autre, j’avais déclenché une réaction via mon regard, comme un « flux » spécial. Mais je ne sus pas tout de suite que cette réaction serait exclusivement sexuelle. J’allais le découvrir peu à peu, au cours des expériences que je menais avec mes interlocuteurs.

(à suivre... prochain chapitre : souvenirs d'enfance et premières expériences)

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