Une rencontre agréable

2 minutes de lecture

Quelques minutes plus tôt, elle s’était laissée tombée sur son siège avec soulagement, tout essoufflée qu’elle était d’avoir couru pour ne pas louper son train. « Encore une fois, c’était juste ! », avait-elle dit avec amusement en retirant son manteau et en s’installant face à moi. Nous avions alors partagé un instant de connivence silencieuse avant de retrouver notre bulle personnelle, dans ce carré que nous étions les seuls passagers à occuper pour le moment.

Je retournai à ma lecture, non sans ressentir une certaine joie à l’idée que cette femme d’une trentaine d’années allait partager ce trajet vers Montpellier avec moi. Elle était plutôt jolie, avec son nez légèrement retroussé et ses cheveux auburn attachés avec soin, mais c’est sa bonne humeur et surtout son regard pétillant qui avaient provoqué en moi un microséisme intime des plus agréables. Je tournais les pages de mon livre, relisant cette pièce de Tennessee Williams que je connaissais déjà, mais le train de mes pensées avait décidé de bifurquer à l’aiguillage de cette rencontre. Cela faisait bien des années qu’il n’avait pas emprunté cette voie audacieuse, mais je sus instantanément où ces réflexions microsismiques risquaient de nous mener.

Tout en lisant, je jetais quelques œillades discrètes à ma charmante voisine qui avait sorti son ordinateur portable.

Est-ce que ça marcherait encore ? me demandai-je avec curiosité, en plongeant plus avant dans mes pensées.

J’imagine que ce genre de faculté s’amenuise avec les années, comme un muscle que l’on n’utilise pas s’atrophie avec le temps, mais peut-être mon aptitude spéciale faisait-elle exception à la règle. Après tout, qui dit que Superman ne pourra plus voler sans souci à 80 ans, même sans sa cape et son slip rouge, hein ? Oui, sauf que Superman n’existe pas et que je suis encore assez loin d’avoir quatre-vingts ans. Quant à mon « super pouvoir »…

Cette idée me fit sourire et me rappelait l’époque où je ressentais le besoin de me confier à quelqu’un. Oui, mais à qui ? C’était bien là mon dilemme. J’avais exclu d’en dire quoi que ce soit à ma copine Magdalena, évidemment. Quand bien même elle ne m’aurait pas pris pour un genre d’obsédé affabulateur, elle se serait probablement sentie trahie, sans parler de la confiance qui aurait été rompue entre nous. Non, ça ne valait pas la peine, d’autant plus que je n’avais pas eu recours à mon « pouvoir » avec elle. En tout cas pas consciemment.

J’avais donc pensé à Mathias, mon meilleur ami de l’université. Lui m’aurait bien sûr écouté et peut-être cru, à condition d’apporter quelques preuves, ce qui en soi s’avérait compliqué à mettre au point. Cependant c’était moins le côté pratique qui me retenait que les conséquences de cet aveu. Je redoutais que notre amitié en pâtisse d’une manière ou d’une autre.

(A suivre... prochain chapitre : l'avis du corps médical)

Annotations

Vous aimez lire essaime ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0