Prologue : Ma'an

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NB : On y retrouve une jeune femme rencontrée dans le chapitre 19 du T1, pour vous aider à vous rappeler !

An 500 après le Grand Désastre, 3e mois de l’été, Ma’an, Terres du Sud.

Accoudée au rebord de l’unique petite fenêtre qui donnait sur les champs entourant Ma’an, Alessa guettait. Le moulin dans lequel elle s’était installée, juste sous le toit, appartenait à sa guilde. Ils l’avaient assignée à ce poste une semaine plus tôt, quelques jours après la confrontation avec le Nordiste et l’Oriental. Comme elle avait fui la bataille, les chefs l’avaient… punie. Elle était un élément trop important pour qu’ils la chassassent tout bonnement. Alors on lui avait demandé de surveiller les allées et venues de voyageurs, pour guetter d’éventuelles proies.

Si je n’avais pas fui, je serais peut-être morte, gronda-t-elle mentalement, s’agaçant du traitement que lui imposaient ses compagnons. Plusieurs voleurs avaient péri en essayant d’arrêter les deux Élémentalistes qui avaient blessé l’un de leurs chefs. Après deux semaines de repos, Greg se remettait doucement de son amputation. Si lui, l’un des voleurs les plus doués de leur guilde, n’avait pas pu arrêter le Chasseur ennemi, Alessa se demandait comment, elle, aurait pu. Quoiqu’avec le recul, la jeune femme avait conscience de s’en être plutôt bien sortie.

Lors de l’affrontement avec le Nordiste, elle l’avait pris de court en bloquant son attaque grâce à ses bottines aux semelles couvertes de fines plaques d’acier. Une vieille astuce qui lui avait sauvé la mise à plusieurs reprises. Un enseignement qu’elle tenait de sa guilde.

Alessa serra les dents. Elle aurait pu fuir cette ville de misère ; avec les années, elle avait accumulé assez de pièces pour s’en sortir en autonomie. Néanmoins, sa loyauté envers son clan l’en empêchait. C’était Greg qui l’avait sortie du caniveau, alors qu’elle était une énième orpheline rôdant près des bordels, là où une mère inconnue l’avait mise au monde. Greg était un Chasseur exilé de ses contrées, un homme bourru, mais étonnamment bienveillant, qui sauvait chaque année des dizaines de jeunes filles. Sans lui, Alessa serait peut-être un cadavre au fond d’une ruelle, violée puis saignée à mort par l’un des poivrots pestilentiels qui pullulaient dans la cité. Ou elle serait devenue comme sa mère, un corps vidé d’esprit qui vendait ses chairs pour un toit et du pain.


Le soleil du début d’après-midi était coriace. Bien qu’abritée sous le toit du moulin et seulement vêtue d’un pantalon en toile découpé aux cuisses et d’un bandeau en tissu pour couvrir sa poitrine, Alessa ruisselait de sueur. Elle avalait de temps à autre une gorgée d’eau, mais économisait ses ressources. Elle n’avait pas le droit de quitter son poste avant la prochaine ronde, à la tombée de la nuit. C’était d’autant plus fourbe qu’un puits était installé à côté du moulin. Alessa craignait trop de nouvelles réprimandes de ses supérieurs pour quitter sa cachette et remplir ses gourdes.

C’était Nils qui devait la remplacer. Mais le connaissant, il allait sûrement faire en sorte d’être en retard. L’arrogant Sudiste la prenait de haut depuis qu’il avait rejoint la guilde. Bien qu’Alessa eût beaucoup plus d’expérience au sein du clan, Nils s’assurait toujours d’être en position de force par rapport à elle. Elle était l’une des protégées de Greg, et le Sudiste n’appréciait pas ce traitement de faveur. Sans compter qu’il aimait particulièrement lui rappeler que, contrairement à de nombreux voleurs, elle n’était pas Élémentaliste.

Un grognement de dédain lui échappa à cette pensée. Trop de sangs se mêlaient dans ses veines pour qu’elle pût faire appel à un quelconque élément. D’ailleurs, cela se voyait sur elle : sa peau dorée de Sudiste, ses cheveux châtains et souples d’Occidental, ses yeux bleu pâle de Nordiste, ses traits fins d’Oriental. Son physique ne passait pas inaperçu et seules les années d’entraînement et d’escapades dans la ville poussiéreuse lui avaient évité de finir violée et étranglée dans un recoin sombre.


Alessa manquait s’endormir sur ses bras croisés lorsqu’elle aperçut du mouvement au milieu des champs dorés qui l’entouraient sur des lieues. Intriguée, elle se redressa en plissant les yeux. Un groupe de voyageurs à cheval. Elle attendit quelques minutes, le temps qu’ils s’approchassent un peu plus, pour les dénombrer. Quatre personnes, suivies d’une monture chargée de vivres.

De potentielles proies ?

Une dizaine de minutes plus tard, le groupe s’arrêta près du moulin. C’était un piège mis en place par la guilde des années plus tôt : le puits installé juste à côté était une mine d’or pour les voyageurs qui souhaitaient se désaltérer.

Penchée à la fenêtre, Alessa les détaillait avec attention. Deux hommes et deux femmes, tous provenant de contrées différentes, à entendre leurs accents. Alors qu’une adolescente menue menait par la bride son cheval pour lui donner à boire, Alessa écarquilla les yeux. Au milieu des trois têtes brunes, des cheveux d’or avaient retenu son attention. Muni d’un bâton et d’une longue tunique, l’homme ne pouvait qu’être Oriental. Et Alessa était persuadée de le connaître.

Lorsque ses souvenirs firent la connexion, son cœur s’écrasa contre ses côtes. Il s’agissait de l’un des individus que leur guilde avait poursuivis. Elle chercha frénétiquement un deuxième visage parmi les autres voyageurs. Elle tomba dessus sans mal : c’était le deuxième homme qui constituait le groupe. Difficile à manquer avec sa tignasse brune agrémentée d’une tresse, son tatouage sombre qui ressortait de son cou comme une cicatrice et les deux sabres qui l’accompagnaient.

Alessa dut se mordre la lèvre pour s’empêcher de hurler. L’enflure qui avait amputé son mentor se trouvait sous son nez.

— Où est-ce que nous allons dormir ? s’enquit l’Oriental en tendant une poignée d’herbe tendre – rare dans les environs, surtout à cette saison – à sa monture.

Alessa continuait de les guetter depuis la petite ouverture du moulin. Nerveuse, elle fit tournoyer sa dague entre ses doigts agiles. Elle ne pouvait pas intervenir maintenant : le Chasseur était redoutable et accompagné de trois dangers potentiels.

— Nous pouvons retourner à l’auberge où nous nous sommes rencontrées, proposa la femme sudiste à l’adresse de sa compagne de route, qui était manifestement la plus jeune.

— Je ne me rappelle pas le chemin, avoua cette dernière d’une voix hésitante.

— Vous connaissez le nom de l’auberge ? demanda alors le Chasseur.

Sa voix tranchante à l’accent prononcé fit grimacer Alessa. Elle se rappelait sans mal ses traits sévères, ses prunelles d’acier, son souffle court alors qu’il envoyait ses élégants sabres dans sa direction. Alessa savait se battre – Greg l’avait souvent félicitée pour ses capacités – et ce Chasseur avait été un ennemi à sa hauteur. Une brûlante envie d’en découdre lui tiraillait le ventre. Néanmoins, elle prit son mal en patience. Dans ses pensées, sa dague s’enfonçait dans la gorge du Nordiste.


Une fois le groupe reparti, Alessa descendit agilement l’échelle instable qui menait au toit du moulin et les suivit à distance en passant par les toitures. Les voleurs de la guilde la surnommaient « le chat » en raison de ses capacités à escalader les murs et à se déplacer sur le haut des habitations. La Rasade. C’était le nom de l’auberge où ils se rendaient. La jeune Occidentale s’était rappelée le nom et la Sudiste se chargeait de les y emmener. Alessa brûlait sous le soleil, effleurait sans s’attarder les toits et les murs. Brûlait aussi de revanche. Greg avait été amputé par ce Nordiste. Elle serait sûrement punie pour avoir quitté son poste au moulin sans attendre la relève. Mais l’occasion était trop belle. L’ennemi se retrouverait seul, dans la nuit, dans une pièce fermée. Alessa devait passer à l’acte.

Le groupe prit une bonne demi-heure pour atteindre la fameuse auberge, devant zigzaguer entre les ruelles et blocs d’habitations, parfois ralenti par les montures. Toujours postée sur les toits, se mouvant à une certaine distance, Alessa les suivait avec prudence. Plusieurs fois, le Chasseur avait observé les alentours avec attention, s’assurant qu’aucun danger ne guettait. Toutefois, Alessa n’était pas une débutante : elle savait se tapir sur les toits, se cacher derrière les gouttières, se rendre aussi discrète qu’une souris. Mais elle était un chat, un prédateur. Et elle n’allait pas rester spectatrice bien longtemps.


Alessa se réfugia dans les écuries qui jouxtaient La Rasade en attendant le coucher du soleil. Installée dans un tas de foin, elle vérifiait sa lame. Son plan ne nécessitait pas d’armes plus conséquentes. Et puis, ce ne serait pas pratique de se battre à l’épée dans l’une des chambres minuscules de l’auberge. Alors elle espérait que sa première tentative fût la bonne.

Le cas contraire, elle devrait se battre – ou fuir.

Alessa prit soin d’attendre que les étoiles fussent confortablement installées dans le ciel pour agir. Une fois sur le toit des écuries, elle atteignit sans mal celui de l’auberge. Elle ne savait pas où logeaient son ennemi et ses compagnons, mais elle aurait vite fait le tour des chambres. Avisant une gouttière sur le bord du toit, elle en testa la solidité avant de se suspendre pour prendre appui sur un rebord de fenêtre. Les rideaux étaient tirés et les vitres fermées. Avec cette chaleur, n’importe quelle personne sensée ouvrirait les battants.

Chambre vide, conclut la voleuse en se déplaçant à la prochaine fenêtre. Cette fois, la vitre était ouverte et l’air encore chaud faisait onduler les vieux rideaux jaunis par le soleil. Un couple dormait paisiblement dans un lit double. Alessa les ignora et passa à la prochaine chambre.

Cette fois-ci, elle reconnut les deux femmes du groupe, qui partageaient une chambre. La Sudiste occupait le lit et l’Occidentale était roulée an boule sur un large fauteuil. Elle pouvait dire merci à sa silhouette menue. Toujours sans un bruit, mais rongée d’excitation et d’appréhension, Alessa enjamba le vide pour atteindre l’avant-dernière fenêtre du deuxième étage. Une chambre à lit simple était occupée par l’Oriental. Au comble de la frustration, Alessa s’efforça de calmer ses nerfs en pelote. Elle avait trouvé tous les autres membres du groupe ; il ne restait qu’une chambre à explorer.

Il y était forcément.


Les vitres grandes ouvertes pour laisser passer un peu d’air, le Nordiste était allongé de tout son long sur la couchette, un bras posé sur son torse dénudé et l’autre serré sur ses sabres. Silencieuse, Alessa s’accroupit sur le rebord de fenêtre et étudia la chambre. Le couchage était serré contre le mur à gauche et une table agrémentée d’une chaise et d’une coupe d’eau occupait la partie droite de la pièce. Le haut du Chasseur, jeté négligemment sur le dossier du siège, n’était qu’un haillon mal taillé. Alessa était persuadée qu’il portait des vêtements convenables lors de leur affrontement, des jours plus tôt. S’était-il fait dépouiller ? En se penchant en avant, Alessa chercha les preuves d’un quelconque affrontement. Néanmoins, elle ne dénombra aucune blessure ni contusion.

Avec un pas souple et léger, elle glissa dans la chambre. Seuls les bruits de la ville endormie et de leurs respirations étaient audibles. Alessa se forçait à rester calme malgré ses muscles tendus et son cœur furieux. Son coup devait être précis, mortel. Si le Chasseur se réveillait, c’était fichu.

La voleuse s’approcha avec précaution. La respiration profonde du Nordiste soulevait légèrement sa poitrine. D’un coup d’œil, Alessa avisa les deux katanas qui reposaient le long de son flanc. Elle en tirerait sûrement une bonne somme d’argent. Ramenant son regard vers le visage de sa cible, Alessa se figea. Ses yeux étaient grand ouverts et ses lèvres souriaient doucement.

Sans plus réfléchir, Alessa tendit le bras vers la gorge du jeune homme. Vif, le Nordiste détourna son bras, agrippa le second et l’attira vers lui. Déséquilibrée, la voleuse gronda et s’empêtra entre les jambes du Chasseur. Elle parvint à libérer son bras et plaqua sans hésiter la lame contre la gorge de sa cible. Sans aller plus loin. Un contact gelé contre son propre cou l’en empêchait.

— Comme tu as fui la première fois que l’on s’est affrontés, je suppose que tu n’es pas prête à m’abattre au prix de ta vie, souffla-t-il d’un ton narquois en poussant sa lame de glace contre la glotte de la voleuse.

— Tu étais réveillé.

— Je garde toujours un œil ouvert.

Alessa fronça le nez : quelle arrogance ! Si ce qu’il affirmait était vrai, Ava, le meilleur tire-sou de leur clan, n’aurait jamais réussi à lui prendre ses sabres. C’était ce vol qui avait mené au combat entre les deux Chasseurs. Et à la mutilation de leur chef.

— Tu n’es qu’un stupide Chasseur imbu de lui-même, gronda-t-elle à voix basse en se penchant vers lui dans une silencieuse provocation.

— Et toi une pitoyable assassine.

La pique manqua faire perdre le contrôle à Alessa. Elle se mordit violemment la lèvre pour ne pas se jeter sur lui et le fusilla du regard en silence. Soudain, il éloigna sa dague de glace de quelques centimètres.

— Écoute, voleuse, je ne te veux aucun mal. Si tu repars et promets de me laisser tranquille, nous pouvons en rester là.

— Et puis quoi encore ? cracha-t-elle en le forçant à reculer la tête avec sa lame.

Il grimaça un rictus contrit.

— J’ai laissé derrière moi un certain nombre de cadavres au cours des dernières semaines. (Il lui adressa un regard presque préoccupé.) Je ne voudrais pas que tu en fasses partie.

— Oh, je ne vaux pas assez pour toi ? Je ne suis pas assez forte ?

— Non, bien au contraire, rétorqua le Nordiste d’un ton plus sec. Tu es une adversaire coriace. Je me rappelle ta tactique avec les bottes renforcées de métal… Une bonne astuce.

Alessa ne laissa rien paraitre de la satisfaction guerrière qui l’envahissait. Elle avait beau détester le Chasseur pour ce qu’il avait fait, elle lui reconnaissait un talent indéniable au combat. Alors être complimentée par ce même Chasseur sur ses techniques…

— Les lois de mon clan voudraient que je te tue.

— Mais tu tiens trop à la vie pour ça, la nargua le Nordiste avec un sourire narquois.

— Qui te dit que je pourrais pas te battre ?

Un éclat amusé étincela dans les prunelles d’un gris-bleuté du jeune homme.

— Imaginons que tu me battes. Ce qui n’arriverait pas, je tiens à préciser. Bref, imaginons que tu me battes, murmura-t-il d’une voix mielleuse je suis sûr que tu seras ravie d’apprendre que mes trois compagnons – tous Élémentalistes – te tomberont dessus.

La gorge de la jeune femme se contracta. C’était la raison pour laquelle son plan était constitué d’une seule attaque : une fois égorgé, le Chasseur n’aurait pas pu appeler à l’aide et elle serait partie avant même que les autres voyageurs prirent conscience de la mort de leur compagnon.

Mais, à présent, c’était fichu.


Dans une ambiance tendue et électrique, ils se dévisageaient en chiens de faïence. Alessa savait que c’était à elle de décider. S’enfuir, comme elle l’avait fait une quinzaine de jours plus tôt, pour avoir la vie sauve, ou sauver l’honneur de Greg et risquer de périr ?

Elle pinça les lèvres. Sa loyauté s’opposait à son désir de liberté. Et, à la façon dont le Chasseur la dévisageait avec amusement, il se doutait de son dilemme.

— Alors, qu’est-ce que tu décides ? lança-t-il au bout de quelques secondes de silence.

Crispée, Alessa fouilla son regard à la recherche d’une lueur mauvaise. Elle avait peur qu’il se lançât à sa poursuite si jamais elle s’enfuyait. Elle n’était pas orgueilleuse au point de se croire capable de le vaincre.

— Tu me donnes ta parole d’honneur, de guerrier du Nord, que tu me planteras pas un couteau dans le dos une fois que je serais partie ?

Ses yeux s’écarquillèrent de surprise. Il ne devait pas s’attendre à ce qu’elle évoquât des principes nordistes. Alors qu’il s’était montré placide jusqu’ici, un sourire mordant déchira son visage et ses prunelles se mirent à luire dans l’obscurité. Alessa avait de nouveau affaire au loup sauvage qu’elle avait affronté au péril de sa vie.

— Je te le jure, affirma-t-il aussitôt en agrippant le manche de son sabre court.

Inquiète, Alessa recula, mais il se contenta d’incliner légèrement le menton, la garde de son arme entre les doigts. Elle avait vu Greg le faire : c’était le salut nordiste, témoignage sincère d’honneur et de respect. Si jamais il venait à l’attaquer après avoir effectué ce geste, il serait considéré comme un paria, un homme sans âme guerrière.

Alors qu’Alessa se redressait, plus sereine, mais toujours méfiante, le Chasseur s’avança au bord de son lit. La jeune femme plissa les yeux en resserrant sa prise autour du manche de sa dague.

— Néanmoins, voleuse, je tiens à te prévenir, reprit le Chasseur dans un murmure presque conspirateur. La prochaine fois que je te croise, je te provoque en duel à mort.

Le cœur d’Alessa accéléra brusquement. Il n’avait pas lâché cette affirmation à la légère ; elle le voyait dans son regard implacable, dans le pli sérieux de ses lèvres. Elle s’efforça de masquer la panique qui s’engouffrait entre ses tripes.

— D’accord. (Elle toisa sans savoir quoi faire le visage du Chasseur, qui répondit par un sourire désinvolte.) À la prochaine fois, alors.

— Entraîne-toi, voleuse, car tu fais pas le poids actuellement.

Alessa rougit de honte, mais serra les dents pour ne pas l’insulter. La vérité était particulièrement blessante, dans sa bouche. Furieuse de sa faiblesse, elle fit demi-tour et commença à grimper sur la fenêtre.

— Ton nom ? lança alors le Chasseur en bondissant de son couchage.

— Alessa, révéla-t-elle après quelques secondes d’hésitation.

Tandis que le Nordiste ouvrait la bouche pour lui apprendre sa propre identité, une voix féminine s’éleva derrière la porte :

— Al ? Tu es avec quelqu’un ?

À peine le Chasseur s’était-il tourné qu’Alessa bondissait. Elle enjamba avec agilité l’espace menant à la dernière fenêtre du deuxième étage de l’auberge et agrippa la gouttière. Souple et rapide, elle escalada le mur jusqu’au toit et prit enfin le temps de souffler.

Elle entendait des bribes de conversation provenant de la chambre du Chasseur. Curieuse, elle s’en approcha et s’accroupit au bord du toit.

— Je t’ai entendu parler avec quelqu’un, déclara la voix qui l’avait fait fuir.

— Quelqu’un dans la rue, répondit le Nordiste d’un ton tranquille. Il faisait du boucan, alors je lui ai demandé d’aller voir ailleurs.

— Ah bon ? Notre fenêtre est ouverte, mais je n’ai rien entendu.

— Alice, tu sais comme moi que tu as le sommeil lourd.

Un instant de silence. « Alice » devait être en train d’encaisser la remarque.

— Tu ne retournes pas te coucher ? reprit le Chasseur d’une voix étonnée.

— Je n’arrive pas à dormir.

— T’aurais pas dû laisser Soraya accaparer le lit.

Soraya ? Alessa plissa les yeux. C’était un prénom sudiste répandu, mais…

— C’est une Impératrice, s’offusqua Alice d’un air indigné.

Alessa, qui cueillit la nouvelle en ouvrant grand les yeux et la bouche, prêta tout juste attention au reste de la discussion.

— Et toi une Reine, soupira le Nordiste. Alice, va dormir. Si tu veux, je te laisse mon lit.

— N-Non, pas la peine !

— Demain, nous devons repartir. Une longue route t’attend jusqu’à Vasilias.

— Je sais, souffla Alice d’un ton à peine audible.

Il y eut un silence dans la chambre. Alessa se demanda si la compagne de route du Chasseur avait fini par céder. Néanmoins, alors qu’elle s’apprêtait à s’en aller, la voix reprit :

— J’aimerais beaucoup rencontrer Vanä et Mars. Ils t’ont quand même sauvé la vie.

Même perchée à deux mètres au-dessus de la chambre, Alessa entendit le lourd soupir du Nordiste.

— Vanä va repartir pour Enetari avec Wil. Ils sont pressés, l’Épine attend leur retour impatiemment.

De nouveau surprise par ses propos, Alessa haussa les sourcils. Le Chasseur semblait entouré de hautes figures : une impératrice, une reine, deux Sages… Que faisaient-ils dans une auberge de misère au milieu de la ville la plus mal famée d’Oneiris ?

— Je ferai vite, lui assura Alice d’un ton las.

— Bon, d’accord, finit par céder le Chasseur avec un nouveau soupir. Ce que tu es obstinée. Nous nous levons avec le soleil, demain. Wil a reçu un message de Vanä grâce aux oiseaux : ils nous attendent à la sortie est de la ville.

— D’accord. (Quelques secondes de silence.) Merci, Achalmy.

Un sourire étira légèrement les lèvres d’Alessa. Elle avait enfin le nom de son futur adversaire.

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