D'un coup, tout est retombé. Et je me suis enfuie, enfouie à l'ombre d'un pin. Pendant un an, Grand-Ma n'a même plus entendu parler de moi. Petit Sablé, lui aussi, évincé.

Couverte d'épines, je raturais quelques mots dans un carnet : ils étaient tous pauvres. Crasseuse de cendres, plus brouillon que ce qu'un humain est censé pouvoir devenir, j'ai bien cru prendre racine. C'était l'hiver. Et par ici, de novembre à mai, c'est un espace-temps détestable. Petite, j'avais même créé une planète à cet effet qui me ferait oublier ce que Là avait d'aride et de mort. J'aurais pu m'y réfugier, c'est vrai. Mais cette année-ci, la planète d'hiver était confinée quelque part et je n'avais même pas accès au train qui y menait par la route des neiges. Je n'avais donc que ce pin, resté fort au milieu des bombes, pour réfléchir. Y mourir un peu aussi. J'ai aimé me voir comme futur papillon rêvant de s'échapper de sa chrysalide, alors que je n'étais que larve en stagnation. Une sombre créature (même répugnante, doit-on avouer), maigre de tout - maigre d'amour, maigre de lumière, maigre d'apparence. Je rodais autour du pin, parlais à mon Miroir en espérant recueillir des compliments, ricanais seule de mon intérieur en tissu cicatriciel.

Aujourd'hui, tout s'est arrangé. Je crois. Mais je me demande souvent, en passant devant Grand-ma et Petit Sablé ce qu'il faudrait leur dire, ce qu'il conviendrait d'expliquer de cette année évaporée, de ce moi qui ne l'était plus vraiment alors même qu'il ne l'était pas plus avant. On dit "tout commence là où tout s'est arrêté". Pourtant, qu'est-ce que j'ai parcouru de chemin, dans mon cocon-sapin, avant de me relever. J'ai peur, peut-être, d'avouer que ces choses, ce n'est pas que pour les autres, pas que pour les faibles. Car qui est faible sinon tout le monde ?