La guerre et les baies. partie 3

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Un matin brumeux, une baie est tombée pour la première fois. Puis une autre. Une vraie pluie qui s'accrochait aux épines à un mètre au-dessus de mes oreilles crevées d'or, quand elle ne venait pas grésiller au sol. À midi, j'en avais suffisamment : le minimum qu'on m'avait appris être "efficace". La chimie, c'est plutôt simple. Le bol est plein, on en pèse facilement le poids, on en calcule aisément la concentration. Ce ne sont que des chiffres, alors on se dit que tout va bien. Mais un bol plein, pour l'esprit, ça ne veut rien dire. Un bol plein, ça ne confie rien sur les conséquences de son contenu. Si Citrouille et Miroir étaient du genre bavards, ce n'était pas forcément le cas de tout ce qui jonchait le plafond et le ciel de ma planète. Le bol était plein mais d'une conversation fichtrement stérile.

Je me suis auto-maintenue dans l'ignorance, et c'était presque doux. J'ai regardé le bol, toute la journée. Essayé de le faire parler. Lui ai inventé des mots qu'il ne contait pas et laissé le Miroir murmurer au creux des épines sa curieuse mélodie : "Essaie. Essaie et tu verras. Essaie. Essaie... Essaie et tu mourras.". Au soir, j'ai posé le bol au bord de mes lèvres.

Au moment où la première des baies a touché ma langue, la teintant d'un bleu bizarre, un nouvel avion s'est avancé dans le ciel. Pourtant, ça faisait un moment que je désobéissais à Grand-Ma et oubliait volontairement de désennuager l'aérodrome. Un nouveau vent soufflait. Incertain, certes, mais il frissonnait comme une nouvelle ère.

À bord de la machine, je n'ai vu ni Prince ni Rose. J'aurais pu être déçue. Pourtant, le petit avion s'est arrêté sur la piste et aujourd'hui, je suis vivante. On ne m'enlèvera pas ma reconnaissance, quand bien même je porte mes ballons jaunes en balâfre et je n'arrive pas à les décrocher de mes phalanges.

Récemment, on a déposé des coquelicots dans du papier journal devant ma porte. Grand-Ma s'en occupe. Je ne les apprécie pas encore, j'y travaille.

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