Chapitre 11 - Louis -

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Il est presque dix-huit heures mais ma classe est beaucoup trop agitée alors le professeur nous autorise à quitter la salle plus tôt. Je passe alors à mon casier pour récupérer mon sac de sport et rejoins les portes d’entrée et avance jusqu’au parking où j’ai garé ma voiture ce matin. Je marche calmement jusqu’à la salle isolée où le parking est désert. Quand je me rappelle que j’ai garé ma voiture sur l’autre parking puisqu’il y avait de la place quand je suis arrivé ce matin, à neuf heures, je me retourne et fais le chemin inverse jusqu’à ce que j’entende des gémissements dans mon dos.

Le ciel est déjà sombre à cette saison et je ne peux rien voir, donc j’allume le flash de mon téléphone pour éclairer les alentours. De prime abord, je ne remarques rien, puis je vois une main et enfin le corps presque inerte d’Aurore étendu sur le sol. Je me précipité alors à ses côtés et quand je remarquent qu’elle est toujours consciente mais incapable de réagir à ce que je lui demande, je la porte jusqu’à ma voiture. Son visage est à nouveau gonflé et elle ne cesse de répéter qu’elle souffre, qu’elle ne veut pas, elle ne cesse de supplier pour qu’on arrête de lui faire autant de mal. Et ça me brise le cœur.

Ses supplications se sont arrêté quand je l’ai extirpé de ma voiture, comme si mon contact essuyait celui de son démon sur sa peau. Je l’ai donc porté jusqu’à l’étage, dans la salle de bain adjacente à ma chambre et ai fait couler l’eau sur son corps encore recroquevillé, que j’avais préalablement découvert de ses habits. En même temps que l’eau coulant sur sa peau se teintait de rouge, ses yeux se rallumaient un peu, la ramenant sur Terre, parmi nous. Pourtant elle ne bouge pas, ne dit rien, même quand je frictionne les mèches brunes de ses cheveux pour les délecter de ce sang coagulé.

Je la sèche et la recouvre d’un grand tee-shirt qui couvre son corps marqué par la colère d’un autre et la porte dans mon lit. J’ai envoyé un message à ses parents plus tôt pour leur dire que je – enfin Aurore – resterait chez une amie ce soir, pour travailler. Ils ont accepté et demandé à être prévenus plus tôt les prochaines fois. Et elle brise enfin le silence de la pièce quand elle articule :

  • T’es un ange gardien, en fait ?

Je souris, content qu’elle aille mieux mais lui demande quand même si tout va bien, dans le doute. Seulement sa réponse est glaçante et emprunte d’une amertume que je n’espérais pas recevoir.

  • À part que tu viens d’effacer toutes les preuves, ça va.

Tout un tas de choses me passent par la tête. Je pourrais crier, je pourrais l’envoyer se faire voir, je pourrais lui dire qu’elle mérite tout ça – quand bien même si c’est faux, je pourrais lui dire que ce n’est qu’une garce. Mais je n’en fais rien, et encaisse le coup en silence, restant là, près d’elle, fort comme un roc parce que je sais que c’est le seul moyen qu’elle a trouvé pour ne pas paraître fragile à mes yeux. Puis quand je saisis le sens de ses mots, mon sang ne fait qu’un tour. Il a encore abusé d’elle. Il a encore détruit son corps, et cette fois elle aurait pu en finir avec cette histoire, mais j’ai tout gâché en voulant l’aider.

Sa voix résonne à nouveau, pour me remercier et me faire des excuses, du moins je crois. Je m’apprête à la laisser se reposer mais elle me demande de rester, je viens donc rabattre mon bras autour d’elle tandis qu’elle agrippe mon corps de ses deux mains, certainement pour s’assurer que je ne vais pas partir. En un clin d’œil, elle trouve le sommeil et j’en fais de même quelques dizaines de minutes plus tard.

En me réveillant ce mardi, je ne pensait pas voir les choses se dérouler de cette façon. Cette nuit n’a pas été entrecoupé par les sanglots et les cauchemars comme la dernière fois, Aurore s’est montrée reconnaissante et a accepté l’aide que je lui ai apporté, nous sommes partis au lycée dans une ambiance légère, malgré son appréhension, et le trajet s’est passé dans une bonne humeur que je n’aurais pas imaginer la veille. Des chansons de divers univers ont résonné et nous les avons toutes appréciées, chantant les paroles à tues-têtes. Puis une chanson au piano a commencé et elle l’a zappé. Je lui ai lancé un regard inquisiteur qu’elle a préféré esquiver, et je n’ai pas forcé. Contrairement à ce que j’aurais pensé, elle n’a pas fui ma présence en arrivant dans l’enceinte du lycée et est même restée à mes côtés jusqu’à ce que la sonnerie agaçante retentisse. Je l’ai accompagné jusqu’à sa salle et suis partie jusqu’à la mienne aussitôt.

À la pause de ce matin, j’ai attendu que les minutes s’égrainent à côté de mon casier, parce que je savais que je pourrais y trouver Aurore. Et ça n’a pas manqué puisqu’elle arrive avec Mathilde pour récupérer des cahiers. Son amie m’adresse un sourire timide et, alors que je pensais être ignoré par elle, Aurore m’adresse un sourire maladroit et me questionne sur ma matinée. En pleine discussion, un des garçons de sa classe, Maxime il me semble, l’informe d’une réunion imminente, ou quelque chose comme ça. Elle nous salue et part aussi vite que son état lui permet, me laissant avec Mathilde.

  • Écoutes, je sais qu’on ne se connaît pas, mais Aurore compte tellement pour moi et je suis super inquiète pour elle ! Je sais que tu sais, donc dis-moi, je t’en supplie. Il se passe quoi ?

Je reste bouche-bée par cette question, sans savoir quoi répondre. Alors je décide de nier et prépare un mensonge au cas où elle ne me croirait pas, et ça arrivera.

  • Je vois pas de quoi tu parles. Il ne se passe rien. On a juste -

Mais Mathilde me coupe presque aussitôt et le regard couleur charbon qu’elle me lance ne me rassure aucunement.

  • Tu mens. T’es un mauvais menteur. Alors je vais te le redemander une seule fois : qu’est ce qui lui arrive ? C’est quoi tous ces bleus ? C’est quoi ce retour sombre d’elle-même ?
  • Bon. Je pourrais te dire que tu la connais, elle est maladroite, qu’elle ne fait pas attention mais tu es intelligente et par conséquent, tu ne me croiras pas donc je ne vais pas te sortir la seule excuse que j’avais trouvé.
  • Merci !
  • Mais je ne te dirais rien. Ce n’est pas à moi de te parler de ça. Ce sont ses affaires et si elle ne veut rien te dire, elle a ses raisons, je n’ai pas à interférer dans ses prises de décisions. J’essaye de l’aider au maximum, même si c’est compliqué.
  • Aurore est compliquée.
  • Je ne te le fait pas dire. Mais c’est ta meilleure amie, alors tu as un peu choisi ! je dis dans un rire pour détendre l’atmosphère.
  • C’est vrai, rigole-t-elle à son tour, mais je ne regrette pas ! Et toi ? Pourquoi tu t’infliges ça ?

Cette fois je ris de bon cœur en entendant le choix de ses mots.

  • Je sais pas moi-même. Je suppose qu’elle attachante malgré son caractère à la con.
  • C’est clair. Elle en a vécu des choses... sa phrase reste en suspens.
  • D’ailleurs, je me demandais, cette chanson qu’elle zappe tout le temps, lovely, pourquoi elle ne veut jamais l’écouter ?
  • Ça lui rappelle beaucoup, c’est douloureux pour elle, tu vois. Mais je ne t’en dirais pas plus, ce n’est pas à moi de te parler de ça et blablabla, tu connais la chanson, n’est ce pas ?

Elle use de mes propres paroles pour éluder ma question et ça me fait rire. Bon sang, Mathilde est une véritable bulle de bonne humeur à côté d’Aurore, qui est si sombre et cynique.

  • Comment tu peux être amie avec une fille comme Aurore ? je la questionne avec un sourire.

Mais son sourire s’efface aussitôt et le regard qu’elle me lance m’indique que j’aurais mieux fait de la fermer.

  • Ne parle pas d’elle comme ça. Tu ne connais rien de son histoire et je peux t’assurer que tu ne pourras jamais soupçonner sa force.
  • Je suis désolé, je voulais pas être méchant. C’est juste que... elle est si compliquée parfois, j’ai toujours l’impression que rien de ce que je peux faire n’est assez bien pour madame.
  • Elle est comme ça parce que sa force c’est clairement la seule chose qui lui reste, la seule chose encore intacte qui lui permette de tenir.

Je me sens tellement bête d’avoir dit ça que je ne répond pas et très vite, la sonnerie retentit, me donnant une chance de m’enfuir et d’échapper à cette situation.

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