Chapitre X : Partie 2/2.

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  Elisabeth referma brusquement le journal qu’elle tenait en mains. C’en était déjà trop. Elle n’avait pas le droit de prendre du bon temps avec ses souvenirs pendant que son mariage prenait l’eau. Il fallait qu’elle avance et qu’elle trouve des réponses. Et pour l’instant, les réponses qu’elles sentaient poindre en elles n’allaient pas plaire à sa grande sœur. Elle sauta quelques années et fit un bond dans le passé en ressortant les photos qui se cachaient sous les nombreux journaux.  

  D’une main tremblante, elle contempla longuement chaque photographie. Scruta les sourires. Les poses. Les regards. Les amis. Disparus. Perdus de vue. Thibault. Partout. Sur toutes les photos. Elle. Plus jeune. Plus belle. Plus souriante. Au début tout du moins. Petit à petit, sa sœur disparut des photos. Certains amis se firent plus rares, d’autres apparurent et Elisabeth devint Liz. Elle visualisait la transformation comme s’il eut été s’agit d’une autre. Les sourires sonnaient faux. Les poses et les attitudes devenaient des boucliers. Qui était cette fille ? Pourquoi avait-elle l’air si mal en point ?  

  Le paquet de photo s’éparpilla au fond du carton alors que le vin toucha le fond du verre. Des souvenirs assaillaient Elisabeth par dizaines. Des cris. Des pleurs. Des reproches. Le feu de la passion et l’hésitation des premières conversations avaient complètement disparus pour ne laisser place qu’à de la tristesse.  

  Le verre de vin au bord des lèvres. Elisabeth sombrait dans un passé qu’elle avait vainement tenté d’oublier. Elle pourrait fuir encore une fois. Refermer ce carton, vider ce verre et le rejoindre. Se jeter sur lui, retrouver cette étudiante amoureuse. Mais c’était trop facile, et si elle avait appris quelque chose ces dernières années, c’était bien que la vie n’était jamais si facile.

06/12/2007.

Ca fait bien longtemps que je n’ai pas écrit ici. Ce n’est pas grave. Voilà ce que disait la page d’avant. En fait si c’est grave. Rien ne va plus. Je suis si mal quand je suis avec lui et si mal quand il n’est pas là. Ca fait trois jours qu’il est parti sans rien dire. Je suis si inquiète. La dernière dispute était douloureuse. Ca arrive de plus en plus souvent. J’ai l’impression qu’il ne comprend rien à ce que je lui dis. Il retourne toujours tout contre moi. Est-ce que j’en fais trop ? Je devrait peut-être me détendre et attendre. Après tout, les partiels me rendent particulièrement irritable. Aller, on va dire ça. Oublie et avance Liz !23/05/2008.Cette fois c’est trop. Je peux supporter beaucoup de choses et je crois en avoir supportées beaucoup, mais là, je ne joue plus. C’est trop dur. Faire semblant devant les autres que c’est normal. Que notre relation est comme ça, pimentée et drôle. C’est pas vrai, c’est pas comme ça. Je veux qu’il me prenne dans ses bras et qu’il me dise je t’aime, qu’il soit le Thibault que j’ai aimé au début, celui qui me faisait réviser, qui me prenait la main et qui m’encourageait dans tous mes projets. Je ne veux que ça. Les fêtes, le sexe et les voyages improvisés sur les semaines de cours, c’était marrant au début. Je ne veux plus de ça. Je ne veux plus jamais entendre quelqu’un m’appeler Liz. Je suis Elisabeth. Merde. Je crois que c’est fini.

  Les derniers mots heurtèrent Elisabeth de plein fouet. Le carnet glissa au sol alors qu’elle laissait échapper un juron. Elle avait l’impression de se réveiller après un terrible cauchemar. Qu’avait-elle fait ?  

  Déboussolée, elle se leva et se mit à faire les cent pas. Des milliers de questions se bousculaient dans sa tête. Sa relation avec Thibault avait-elle était si horrible qu’elle l’avait écrit, ou n’était-ce que des mots lancés à chaud sur le papier par une jeune femme triste ? Non. Laurence ne pouvait pas avoir raison. C’était impossible. Et puis quand bien même. La vie n’avait pas été plus douce avec elle parce qu’elle était avec Marc. Au contraire. C’était tellement douloureux aujourd’hui.  

  Ca lui retournait l’estomac, lui broyait le cerveau et lui faisait perdre la tête. Elle n’avait jamais connu pareil douleur. Elle avait pourtant tenter de l’enfouir, de la faire disparaître. Comme Thibault, comme tout ce qui faisait mal. En vain. Elle finissait toujours debout devant cette porte close, la main serrée sur la poignée à lui en faire pâlir les phalanges. Jamais la porte ne s’ouvrait. Et elle redescendait toujours la bouteille de vin pleine pour se jeter sur un paquet de mouchoirs. Mais aujourd’hui, la bouteille de vin avait déjà perdu de son contenant, et aujourd’hui, ce n’était pas un jour comme les autres. c’était le jour où elle c’était souvenu qu’elle était Elisabeth, et qu’elle devait affronter les choses. Alors sans un bruit, la porte s’ouvrit et laissa apparaître devant Elisabeth une jolie chambre d’enfant aux couleurs pastels. Instinctivement, son regard se posa sur les cadres qui ornaient la commode en face d’elle. Certains encore vides, d’autres posés face cachées contre le meuble. Puis elle, et Marc. Le sourire aux lèvres et la façade de la cathédrale de Munich en fond.  

  Elisabeth posa la bouteille au sol avant d’entrer dans la pièce. Elle évita soigneusement de poser ses yeux sur le berceau vide et les affaires de maternité encore prêtes et se dirigea droit sur la photo dont elle se saisit dans un sanglot. Le cadre fermement tenu entre ses deux mains, elle fixait le jeune couple heureux qui posait fièrement dans des vêtements visiblement trop portés et les visages rougis par le soleil de juillet. C’était à ce moment là qu’elle allait aimer cet homme de tout son être. Qu’elle le devait, parce qu’il était lui, et qu’elle était elle. Qu’il était ce dont elle avait besoin. Parce que Thibault ne comptait plus. Cet homme qui l’avait mise dans une voiture avec deux sac à dos, un plan et un dictionnaire d’allemand pour leurs premières vacances. Mais le temps avait passé, et le jeune couple sur la photo lui paraissait bien loin de la vie trop tranquille qu’ils menaient maintenant. Des heures de repas fixes. Des sorties programmées à la minute près. Des dîners d’amis qui ne se faisaient jamais et des week-end en famille millimétrés.  

  Laurence avait tord. Elle ne devait pas se demander pourquoi elle avait couché avec Thibault. La question était de savoir pourquoi tout devait toujours être aussi ennuyant quand elle était Lizzie ? Pourquoi ne pouvait-elle pas être elle, être Liz ?  

  C’était si facile quand elle était avec Thibault. Elle n’avait qu’à se perdre dans son regard et se laisser porter. L’autre nuit aurait pu être si belle si elle n’avait pas ressenti le besoin de revenir se coller à la peau de Marc, de sentir sa présence rassurante à ses côtés.  

  Elisabeth soupira, pensant ne plus pouvoir se sortir de cette spirale infernale quand son portable vibra dans sa poche arrière. Un nouveau message.  

  Un sourire timide prit place au milieu des larmes. Il était impressionnant jusque dans sa façon de toujours pouvoir la faire sourire. Peu importe ce qui venait de produire, elle craquait systématiquement sous ses paroles. La réponse était finalement sous ses yeux depuis le début. Comme lui. Inlassablement présent, dans son cœur, dans ses pensées. Elisabeth avait besoin de lui, là, tout de suite. Elle devait passer ses doigts dans ses cheveux et le laisser lui murmurer à l’oreille les mots dont il avait le secret.  

  Première sonnerie…

  Deuxième sonnerie…

  Troisième sonnerie…

  « J’arrive ! Inutile de démonter la sonnette Syl...Liz ?

  • Bonsoir Thibault. »

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