Chapitre XI: Partie 1/1.

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  On dit souvent que le sac à main d'une femme est représentatif de sa propriétaire, et bien qu'Elisabeth détestait ce cliché sexiste, elle ne pouvait nier qu'il s'appliquait parfaitement à son cas. Désorganisé. Y voir clair relevait presque du miracle et chercher ses clés avait des allures d'introspection. Encore une fois, elle perdait un temps fou sur le pas de sa porte, se parlant à elle-même et se battant avec le contenu de son sac. Elles étaient là. Elle le savait, elle pouvait même les entendre mais impossible de mettre la main dessus. A bout de nerf, Liz battit en retraite et récupéra la clé de secours cachée sous la statue de chouette qui décorait le palier. Une minute plus tard, elle pénétrait dans la demeure où régnaient le silence et l'obscurité.

  La porte fermée, elle poussa un léger soupir de contentement en sentant la fraîcheur de la pièce parcourir son corps en sueur. D'un pas lent et détendu, elle progressa jusqu'à l'interrupteur du salon.

Le vieux lustre clignota frénétiquement à de multiples reprises avant d'éclairer complètement la pièce. Elisabeth eut un hoquet de surprise en y découvrant son mari, avachi dans le canapé, le regard fixé sur un tas de bagages qui trônaient au milieu du salon.

Liz posa son sac à terre et s'approcha doucement de Marc :

« Marc, tu…

  • C'est pour ça ? C'est pour m'annoncer que tu partais avec ce type que tu m'as demandé de venir ? Demanda-t-il d'une voix presque mécanique.
  • Non, pas du tout…
  • Et les valises alors ? Marc releva les yeux et les planta dans ceux de sa femme. Ne me mens pas Elisabteth.
  • Eh bien, il reste encore une grosse semaine de vacances avant la rentrée, alors je nous aies pris des billets pour Prague. Ca avait l'air chouette.
  • Prague ? Quand ça ? Marc se frotta le visage avec les mains. Je ne comprends rien à ce que tu me racontes.
  • On doit vivre Marc. C'est ça notre problème. On a tout arrêté. On est devenu un de ces couples dont on se moquait quand on s'est rencontré.
  • Lizzie, ne sois pas si dur. La vie ne nous a pas épargné non plus.
  • Je sais, et je crois que nous avons pris le problème à l'envers. Nous ne devons plus la subir cette vie, nous devons nous en saisir et avancer.
  • Et, Marc déglutit. Et, pour Thibault ?
  • Je suis désolée. Liz baissa la tête. J'ai été nulle, je ne me rendais pas compte que j'avais tout ce dont j'avais besoin. J'avais tout sous les yeux, juste là, sous mon nez. Quand j'ai lu ton message tout à l'heure, j'ai compris. Je sais que ça nous prendra du temps, que ça ne sera pas facile et que je te demandes beaucoup, mais je veux qu'on se donne une 2ème chance. »

  Marc bondit du canapé et enlaça Elisabeth avec passion, la collant maladroitement contre sa poitrine. La jeune femme s'abandonna totalement dans les bras de cet homme qui lui avait tant manqué. Elle respira son odeur à plein poumons, le nez niché dans son cou.

  A bout de souffle, les époux mirent fin à leur étreinte mais gardèrent les mains entrelacées et les yeux accrochés. Marc déclara d'une voix douce :

« Je ne sais pas combien de temps ça va nous prendre. Combien de temps ça va me prendre. Mais je vais te pardonner. Et je pense que ce voyage est une excellente idée. C'est un nouveau départ. On ne pourra pas changer le passé, mais on peut toujours inventer l'avenir. »

  Le visage d’Elisabeth s’éclaira et ses lèvres s’étendirent en un large sourire. C’était exactement ce qu’elle avait besoin d’entendre. Comment avait-elle pu mettre tout cela en péril ? Elle n’avait pas besoin de Thibault pour être Liz, elle pouvait être qui elle voulait. Tout était entre ses mains, et ce qu’elle tenait là valait bien plus que tout l’or du monde. Tendrement, elle se rapprocha de Marc et ferma les yeux. Son souffle devint irrégulier et un frisson parcourut son corps, lorsqu’elle sentit les mains de son époux faire pression dans son dos pour la coller contre lui. Ce fut hésitant, presque comme au premier jour. Mais lorsque Liz décolla sa bouche de celle de Marc, elle eut l’impression d’avoir vécu une véritable scène de cinéma. Il déclara dans un sourire malicieux, qu’ils devraient plutôt monter faire ses valises seul. Le départ approchait. Dans la précipitation et le stress, mais toujours avec de grands sourires, le couple prépara ses affaires et commanda un taxi pour les conduire à l’aéroport. Mais d'abord, ils devraient faire un détour. Liz avait encore une dernière affaire à régler.

  La tête contre la vitre de la voiture, Elisabeth voyait le paysage défiler sous ses yeux sans vraiment le regarder. Son visage avait retrouvé son air fermé et son esprit se rejouait les dernières vingt-quatre heures.

« Bonsoir Thibault.

  • Liz ? Et bah, pour une surprise ! Il s’écarta de la porte pour la laisser entrer. Je t’avoue que je ne pensais pas te revoir avant, il marqua une pause, en fait pas te revoir du tout. Ca te ressemble assez de disparaître comme ça.
  • Il faut qu’on parle Thibault.
  • Non, tu crois ? S’exclama-t-il d’un ton ironique.
  • Arrête, s’il te plaît. Je ne suis pas là pour me battre mais pour m’expliquer.
  • Non, impossible. Je ne te crois pas. Tu ne t’expliques jamais Liz. C’est ta spécialité. A croire que tu penses que les autres sont trop bêtes pour te comprendre. Non, attends, c’est ça ?
  • Très drôle. Vas-y, vide ton sac Thibault. Liz prit place sur le canapé, les jambes et bras croisés, attendant la prochaine attaque.
  • Quel air sérieux et détaché. Je suis impressionné. Je me laisserai presque prendre au piège, mais...non ! Parce que j’étais là l’autre nuit et je sais ce qui s’est passé. Je l’ai senti…
  • Tu as senti quoi ? Le désir ? Oui, je m’en suis rendue compte aussi. C’était pas un mauvais moment, c’est clair. Mais après ? Tu l’as senti ce qui s’est passé après ? Ou tu vas faire comme d’habitude, te focaliser sur ce qui était bien et oublier le reste ?
  • Je ne comprends pas. Il s’assit sur la table basse et posa ses mains sur les siennes. Tout était si bien. J’étais bien avec toi. Il n’y a qu’avec toi que je suis vraiment bien, tu le sais Liz.
  • Thibault, elle lui prit les mains. Toi et moi, on n’est bien le temps de s’envoyer en l’air, ca a toujours été comme ça.
  • Non, c’est faux…
  • Si. On s’amuse beaucoup, je te l’accorde. Mais après ? Après, on souffre. On se bat, on se déchire. Et on attend que l’autre craque pour se réjouir et recommencer. Ce n’est pas une relation ça.
  • Alors pourquoi ? Pourquoi tu m’as demandé de venir l’autre soir ? Thibault exerça une légère pression inconsciente sur ses mains.
  • Tu ne comprendrais pas Thibault.
  • Dis toujours. Je pourrais te surprendre. »

  Elisabeth se détacha de son emprise et quitta le sofa pour arpenter l’appartement, faisant claquer ses talons sur le parquet à intervalle régulier. La chaleur était étouffante. Le soleil avait tapé de plein fouet sur la baie vitrée toute la journée, et la pièce peinait à se rafraîchir. Pourtant, le silence, uniquement brisé par le pas de la jeune femme, trahissait une atmosphère glaciale. Il ne comprenait pas et ce suspens lui semblait inutile. Ils devaient en finir, maintenant. Peu importe la tournure que prendrait les choses. Thibault voulait savoir. Il voulait l’entendre se trouver des excuses pour ne pas lui succomber.

« Tu sais, tu peux aussi avouer que j’ai raison. La voix du jeune homme fit stopper les pas sur le parquet.

  • Que tu as raison ? C’est-à-dire ? Que tu es génial, que j’ai besoin de toi et que je dois tout laisser tomber pour me jeter dans ton lit ?
  • On peut le dire ainsi.
  • Tu es vraiment incroyable, ça c’est sûr ! Liz esquissa un sourire et leva les yeux au ciel. Bien. Je pense que je devrais y aller. Quoi que je dises, tu ne me croiras pas.
  • Liz, il se leva à son tour et se posta derrière elle, tout près, il faut qu’on arrête de rejouer cette scène. J’ai l’impression qu’on ne fait que ça depuis que je t’ai retrouvée. Je veux plus.
  • Je sais. Elle se retourna pour lui faire face. Mais tu ne peux pas me donner plus Thibault. Tu m’as déjà donné tout ce que tu pouvais, et ce n’est pas ce que je veux. Tu es revenu dans ma vie alors que j’étais au plus mal dans mon couple, et peut-être bien dans ma vie aussi. J’ai cru que tu étais la solution, qu’un retour dans le passé me ferait du bien. Mais j’ai eu tort. Enfin, non. Grâce à toi, j’ai compris ce que je voulais, j’ai compris qu’elles étaient mes erreurs, je pense même que j’ai un peu plus compris qui j’étais réellement. Je regrette d’avoir dû en passer par là, parce que j’ai blessé un homme extraordinaire, que j’aime beaucoup plus que ce que je croyais et qui sait me rendre heureuse. Alors voilà Thibault, tu as été comme un… un médicament, une sorte de thérapie, mais ça s’arrête là.
  • Foutaises Liz. Tu as besoin de moi ! Sans moi, tu n’es qu’une petite prof coincée et tu le sais ! s’écria Thibault en faisant un pas en arrière.
  • Tu vois, j’avais raison. Tu ne comprends pas. »

  Liz récupéra son sac à main posé près du canapé, posa l'ébauche de son roman sur la table basse et se dirigea vers la porte d’entrée d’un pas assuré. Mais au dernier moment, alors qu’elle avait déjà un pied dehors, elle s’arrêta net et sans même se retourner, déclara :

« Et sache Thibault, que je n’ai besoin de personne pour être celle que je veux être. »

  La voix de Marc tira Elisabeth de ses pensées. Ils étaient arrivés. Elle devait se dépêcher. Pas plus de dix minutes, sinon le chauffeur repartirait et l’avion partirait sûrement sans eux. Elle acquiesça d’un signe de tête et se mit en route, trottinant jusqu’à la grande tour du trottoir d’en face. Il y a à peine quelques heures, elle redoutait encore ce moment, mais le fait de savoir Marc en bas, à l’attendre, lui procurait les forces nécessaires. Elle devait mettre un point final à tout ce chantier avant de partir, elle se le devait. Lorsque l’ascenseur s’ouvrit enfin, le doux son de la voix de Silvia lui parvint aux oreilles depuis son bureau. Liz laissa échapper un soupire et se demanda s’il ne ferait pas mieux de faire demi-tour, mais il était déjà trop tard. Silvia venait d’être prévenue par sa secrétaire et elle l’attendait de pieds de ferme, accrochée à la poignée de la porte pour essayer de se contenir. Comme une petite fille ayant fait une bêtise, la jeune femme passa la porte en baissant la tête.

« Franchement, je ne sais pas ce qui me retient de te hurler dessus ! s’exclama l’éditrice. Tu sais qu’on est presque hors délai avec tes conneries !

  • Je sais. Je suis désolée Silvia. Mais tout est prêt. Voilà la dernière nouvelle, je l’ai modifiée. Liz se releva.
  • Tu vas où comme ça ?
  • Je m’en vais. Je prends des vacances avec mon mari. Tu as tout les papiers avec, signés et datés. Tu peux lancer le processus. Je sais que tu vas assurer.
  • Bon sang, vous me rendez folle tous les deux ! Entre toi qui prend des vacances et Môsieur qui prend un congé sabbatique, je ne suis pas sortie de l’auberge !
  • Je te fais confiance Silvia. Tu vas gérer.
  • Je ne suis pas sûre que j’arriverai un jour à comprendre. Souffla Silvia en raccompagnant son auteur jusqu’à l’ascenseur.
  • C’est une longue histoire. Tu n’auras qu’à demander à ton patron. »

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