Chapitre VIII : partie II/II.

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   Pourquoi n'avait-il rien dit dix ans plus tôt ? Pourquoi ? Le romantisme et les longues tirades amoureuses n'étaient pas franchement son fort. D'accord. Elle était têtue, très têtue, et il n'est pas dit qu'une simple phrase aurait suffi à la retenir. D'accord, c'était vrai aussi. Mais tout de même, il aurait pu parler, dire quelque chose, même n'importe quoi. Cela aurait au moins eu le mérite de soulager Élisabeth qui aurait pu, dix ans après, alors qu'elle prenait le petit déjeuner en silence avec son mari, penser à autre chose. Mais il n'avait rien dit. Et alors que Marc fixait sa femme d'un air tout aussi suspicieux que réprobateur, Élisabeth ne pouvait cesser de penser à la nuit dernière.

   Le poids du regard de Marc finit par être plus fort que celui du souvenir et força Liz à relever la tête pour lui accorder un peu d'attention. Elle aurait eu bien des choses à lui dire, mais elle ignorait par où commencer. En effet, elle n'avait aucune idée de ce que son époux savait. Lorsqu'elle était rentrée, il était à peine six heures du matin et tout était calme dans la maison. Elle avait pris une douche pour effacer les preuves, avant d'aller se rallonger aux côtés de son mari qui paraissait dormir d'un sommeil profond. La fraîcheur du drap et le confort du matelas triple épaisseurs l'avaient apaisée pour un temps, mais Marc n'avait pas tardé à s'éveiller, ramenant rapidement Liz à la réalité. Elle devait lui parler. Maintenant. Enfin, peut-être pas dès le réveil. Non, pas non plus juste après sa douche. Alors durant le petit-déjeuner ? Attendons qu'il ait bu son café. Mais Marc n'avait pas envie de finir son café ce matin-là, il avait envie d'en finir avec cette mascarade qu'était devenu son couple, et Liz ne pourrait pas échapper à la vérité plus longtemps. Il était temps.

   " Tu comptes attendre encore longtemps avant de me parler Élisabeth ?

  • Te parler ? demanda-t-elle en déglutissant bruyamment.
  • Oui, me parler. Tu es au courant qu'il faut qu'on parle non ?
  • Oui, je sais, dit-elle en soupirant.
  • Mais laisse-moi deviner, tu ne sais pas par où commencer ? c'est trop compliqué ? Mieux encore, je ne peux pas comprendre !
  • Tu as raison. Je n'ai pas été très, comment dire ? J'étais moi-même plutôt perdue et je n'ai pas su comment gérer la situation, comment gérer notre relation.
  • Lizzie, je ne veux pas que tu me protèges, je n'en ai pas besoin, lui répondit Marc en se levant pour jeter le fond de son café dans l'évier."

   Élisabeth inspira profondément. Elle devait arrêter d'être lâche. C'était elle qu'elle avait cherchée à protéger pendant tout ce temps, elle et ses souvenirs. Marc méritait mieux que cela. Et elle le savait bien plus fort qu'elle ne le serait jamais. Cette conversation devait avoir lieu, et maintenant. Plus question de se défiler. Avec détermination, Liz quitta la table pour se placer près de Marc qui s'accrochait aux rebords de l'évier comme si sa vie en dépendait. Délicatement, Élisabeth lui saisit la main et l'entraîna vers le salon. Sans un mot ni un regard, ils s’installèrent sur le canapé, n'ayant pour tout contact que leurs deux genoux qui s'étaient collés l'un à l'autre par habitude. Marc plaça ses bras sur ses genoux de façon à ce que ses mains soutiennent son menton alors qu'il gardait les yeux rivés sur le fauteuil vide qui se trouvait en face de lui. Liz quand à elle, se tenait les mains jointes et la tête baissée vers le sol.

   Le silence fut roi pendant encore de longues minutes, mais ils en avaient besoin. Elle se préparait à assumer quand lui se préparer à en encaisser. Finalement, elle décida que c'était à elle de commencer, elle lui devait bien ça.

   "Je ne t'ai pas tout dit à propos de cette histoire d'édition, elle marqua une pause, choisissant ses mots avec précaution, ce n'est pas vraiment un problème que tu ais voulu m'encourager en envoyant mes écrits. Au contraire, c'était même plutôt adorable de ta part. Mais, tu n'as pas choisi la bonne maison d’édition.

  • Pardon ? s'exclama Marc en se tournant vers elle. Tout ça parce que la maison d’édition ne te plaît pas ?
  • Non, pas du tout Marc ! Laisse-moi aller jusqu'au bout s'il te plaît, ça sera plus facile pour tout le monde. Donc, elle reprit en le regardant, cette maison d'édition est dirigée par un homme que je connais, elle hésita, que je connais très bien. Il s'appelle Thibault. Ce nom te dit peut-être quelque chose, il n'est pas rare que ma sœur m’embête avec ça. Marc hocha la tête en guise de réponse. Bien. Je suis sortie avec cet homme, il y a une dizaine d'années lorsque j'étais à l'université. Nous avons eu une relation, un peu, compliquée on va dire.
  • Compliquée ? interrogea Marc. Il était violent ?
  • Non. Disons juste que c'était une relation très forte, très fusionnelle. Le premier amour quoi. Enfin, tout ça pour te dire que c'est lui qui a reçu mon livre, et c'est donc avec lui que je travaille depuis tout ce temps. Élisabeth s'arrêta, laissant le temps à Marc de digérer toutes ces informations et ce qu'elles sous-entendaient.
  • C'est avec lui que tu étais cette nuit ? demanda-t-il en serrant les dents.
  • Je crois que ça ne sert à rien de tourner autour du pot donc, répondit Liz qui ne pensait pas en venir à ce sujet-là si tôt. Oui, j'étais avec lui cette nuit, mais tu dois savoir que...
  • Tu as couché avec ce type ?
  • Oui, mais...
  • Tu l'aimes ?
  • Marc, ce n'est pas ça.
  • Tu ne veux pas répondre ? La lèvre supérieure de Marc se mit à trembloter.
  • S'il te plaît, garde ton calme et laisse-moi finir. Si après tu veux tout casser et me mettre dehors, alors je comprendrai. Mais laisse-moi aller jusqu'au bout.
  • D'accord, mais vas droit au but Élisabeth, ma patience a des limites.
  • Revoir Thibault après toute ses années, ça m'a plutôt chamboulée et comme la situation entre nous est un peu tendue en ce moment, je ne savais plus trop où j'étais, et je crois que je ne le sais toujours pas. On a joué au chat et à la souris tous les deux, comme deux ados et puis, j'ai fini par craquer. Je suis allée le rejoindre cette nuit et voilà. Je ne sais pas quoi te dire d'autre, si ce n'est que je suis sincèrement désolée. Je ne voulais pas te faire de mal, je ne voulais pas que ça se passe comme ça mais je, j'ai pas réussi. Lâche Liz alors que les sanglots venaient de la prendre d'assaut.
  • Je ne comprends pas Lizzie, je comprends vraiment pas. J'ai tout fait pour toi, je suis là, je ne t'abandonne pas, je traverse les pires moments avec toi et ce type se pointe et c'est fini ?
  • Non, c'est pas fini. Enfin je ne crois pas. Je ne sais pas Marc, je sais plus du tout.
  • C'est à cause du bébé ? C'est pour ça ? Tu sais que les médecins ont dit qu'on pouvait y arriver et que...
  • Marc, s'il te plaît. Pas ça, pas maintenant. Je veux plus en parler. Je veux juste être honnête avec toi, te donner ce que tu mérites. Et tu as le droit de savoir et de faire tes choix en connaissance de cause.
  • Mes choix Liz ? elle frissonna. Mais si tu crois que je vais tout laisser, toute notre vie, tout ce qu'on a construit parce qu'un mec de ton passé resurgit, c'est mal me connaître ! il se leva d'un bond. Je vais me battre pour toi Élisabeth, parce que tu es ma femme, parce que je t'aime et qu'on va réussir à la construire cette famille !"

   Les larmes ruisselaient sur les jours d’Élisabeth. Elle était encore plus perdue qu'avant. Marc venait de lui dire tout ce qu'elle avait besoin d'entendre, tout ce qu'elle aurait voulu entendre dix ans plus tôt. Mais c'était Marc, et pas Thibault. Elle se mit à trembler, bouleversée par tout ce qu'elle ressentait. Elle ne contrôlait plus rien, elle ne savait plus du tout où elle allait. Alors comme une supplication, elle murmura : "Et maintenant ? "

   "Et maintenant Lizzie, déclara Marc en s'agenouillant près d'elle, maintenant, on va essayer de se calmer. Je vais prendre tout ce que tu viens de me dire et je vais aller réfléchir. Et tu vas faire de même. Ça ne veut pas dire que je pars, ça veut juste dire que nous avons tous les deux besoin de faire le point. Alors, je vais aller passer quelques jours chez mon frère et toi tu vas rester ici et réfléchir. Tu sais, Marc soupira, tout ce que j'ai toujours voulu mon cœur, c'est te rendre heureuse, et si je n'y arrive plus, si même en faisant tous les efforts du monde, me retrouver le soir en rentrant ne fait plus de toi une femme comblée, alors, je te laisserai partir. Pas parce que je ne t'aime plus, mais parce que je ne veux pas que tu restes alors que tu es malheureuse.

  • Marc, je ne sais pas, je ne sais pas quoi faire. Je ne voulais pas te faire de mal...
  • Chut, ne dis plus rien, tout va bien se passer. Je nous connais Mme Friedmann, on va trouver une solution."

   Ils échangèrent un tendre sourire, cette phrase leur rappelant à tous les deux qu'ils n'en étaient malheureusement pas à leur premier obstacle. Puis, Marc se leva, embrassa Élisabeth sur le front et monta à l'étage pour préparer ses affaires. Elle le laissa faire sans rien dire. Elle avait effectivement besoin de retrouver seule avec elle-même pour faire le point. Depuis qu'elle avait franchi la porte du bureau de Thibault, elle s'était efforcée de ne pas penser aux conséquences sur sa vie, sur ses proches, sur elle. Mais aujourd'hui, l'heure du bilan avait sonné. Elle devait choisir.

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