Chapitre V : Partie II/II.

5 minutes de lecture

   Le bruit des clés dans la serrure lui fit relever la tête. 22H venait de sonner. Enfin, elle était là. La porte s'ouvrit, leurs regards se croisèrent. Elle semblait fatiguée, triste. Elle souffla, il se leva pour l'enlacer. Elle se laissa faire sans rien dire.

   Il l'accompagna dans la cuisine et la regarda se faire réchauffer une part de lasagnes. Assis face à face, dans le silence de la nuit, il semblait réfléchir à ce qu'il pouvait dire alors qu'elle pensait à lui, à l'autre. Elle n'avait cessé d'y penser depuis qu'elle l'avait aperçu avec cette femme. Il avait hanté son esprit, lui rappelant qu'elle avait aimé être cette femme. Celle qu'il regardait comme la plus belle chose sur terre, celle qu'il voulait voir tout le temps, celle qu'il emmenait en voyage, celle qu'il désirait. Toutes ces réflexions l'avait menée jusqu'au campus. Elle avait acheté un paquet de cigarettes chez un petit épicier puis était allée s'asseoir dans l'herbe, juste devant la faculté de lettres. Elle avait enlevé ses talons hauts et son trench, puis avait allumé une cigarette grâce au briquet qu'elle gardait toujours caché au fond de son sac. La première taffe la fit tousser un peu mais son organisme reprit rapidement l'habitude, et elle fuma, encore. Deux, trois. Quatre ? Merde. Il était tard, elle puait la cigarette et elle pensait à lui. Quelle connerie ! Elisabeth soupira longuement, remis ses talons hauts et son trench, jeta le reste de son paquet dans une poubelle et reprit le chemin de sa maison. Et elle était là, assise face à son mari qui l'avait attendu, patiemment, alors qu'elle avait erré en pensant à son ancien amant.

   Le troisième soupir de Marc la tira de sa rêverie mais elle garda la tête baissée sur son assiette. Elle ne voulait pas lui faire face, pas ce soir.

   Il soupira une fois de plus. Lui avait besoin de cette conversation. Il avait besoin de parler à sa femme, de lui dire les choses. Peut-être que de cette façon, il comprendrait mieux, elle lui dirait ce qui n'allait pas. Il avala les dernières gorgées de son verre de vin pour se donner du courage et passa aux aveux :

« Tu sais Lizzie, je ne savais pas que te faire renouer avec l'écriture allait t'éloigner encore plus. »

   Elisabeth releva brusquement la tête, plantant son regard dans le sien. Elle ne comprenait pas. De quoi parlait-il ?

« Je voulais que ça nous aide à traverser cette...crise. Alors je me suis dit, pourquoi pas. Je n'avais plus rien à perdre et toi non plus après tout.

  • Je ne comprends toujours pas. Qu'est-ce que tu essaies de me dire Marc ? Comment tu aurais pu ? Tu ne savais même pas avant que je te parle de ce contrat.
  • Si, je savais. Il marqua une pause. Pendant ton séjour chez ta sœur, j'ai fait du rangement. J'ai rangé tout le garage, mais aussi le grenier.
  • Tu as fouillé ? S'exclama-t-elle.
  • Non, j'ai rangé notre maison Lizzie. Et puis j'ai trouvé ce carton à ton nom. Alors je l'ai ouvert. J'ai adoré ce que j'y ai trouvé. Tu es si douée. Dit-il d'une voix douce. »

   Il la regardait, un sourire triste sur le visage, attendant une réponse, un signe de sa part. Il n'espérait pas qu'elle lui saute au cou, mais tout de même, elle pouvait sourire, ou lui prendre la main. Les minutes lui semblaient interminables et le bruit de la trotteuse en arrière plan n'arrangeait rien. Ca le rendait fou, tout cette attente sans autre bruit que celui de la trotteuse. Lentement, il fit le premier pas, dirigeant sa main vers celle de sa femme.

   Au contact de sa peau Liz eu un mouvement de recul qui les effraya tous les deux. Elle se leva dans un geste rapide, laissant sortir un « tu n'aurai pas dû » à peine audible.

« Lizzie, attends ! Explique moi !

  • Pardon ? Demanda-t-elle en lui faisant face.
  • Je…
  • Tu quoi ? Tu ne crois pas que c'est à toi de t'expliquer ?
  • Je voulais t'aider Elisabeth. Tu allais mal et on n'y arrivait plus, alors quand j'ai trouvé ce carton, je me suis dit que c'était une chance. Et ça avait bien commencé !
  • Oh s'il te plait, Marc !
  • Si, tu étais de nouveau plus déterminée, plus souriante. Je t'assure, je pensais bien faire.
  • Tu n'avais pas le droit Marc. Pas sans m'en parler, pas comme ça, pas à l.. Elle s'arrête juste à temps, ravalant un « lui » qu'elle n'aurait pu justifier. »

   Liz se laissa tomber sur le canapé et ferma les yeux. Elle ne pouvait plus le voir. Elle se détestait d'agir ainsi avec lui, avec cet homme si doux, avec son mari. C'était lui qui l'avait sauvée. Après Thibault, tout avait été si difficile et si douloureux. Elle ne pensait pas qu'elle pourrait aimer encore, aimer sans souffrir. Et puis elle avait trouvé Marc. Dès le début, il s'était montré gentil et tendre. Et il l'était toujours, même après des années de mariage. Il était toujours si gentil, si parfait avec elle. Elle aurait tant voulu que rien ne change. Elle ne voulait pas se souvenir de Liz, du frisson, de l’adrénaline, de la passion. Mais c'était trop tard maintenant. Chaque seconde, chaque minute, chaque instant lui rappelait qu'il n'était pas lui. Et quelque part, au fond d'elle, ça lui manquait.

   Elisabeth rouvrit les yeux et les posa sur son mari. Il était assis sur le fauteuil en face d'elle, la tête dans les mains. Elle se mordit la lèvre. Elle était horrible . Elle se leva, et dans des gestes hésitants, elle s'agenouilla devant lui pour le prendre dans ses bras, collant sa tête à la sienne.

« Pardon Marc. Je… C'est compliqué.

  • Alors explique-moi. Il releva la tête pour la voir. Explique moi car je ne te reconnais plus Tu es si distante, si froide. Et ce regard triste que tu as parfois… Il marqua une pause. Ca me tue Lizzie. Je pensais vraiment que ça allait mieux. Je pensais vraiment que te remettre à l'écriture t'aiderai à évacuer tout ça. Toute cette tristesse.
  • C'est plus compliqué que ça Marc. Mais ça va aller…
  • Non, non, ça ne va pas aller. Je le sens. Ne me mens pas Elisabeth.
  • D'accord, c'est vrai. Elle retint une larme. Ca ne va pas aller, pas tout de suite. Mais bientôt. Ca prendra un peu de temps, mais ça ira, je te pardonnerai. Non, ne dis rien.
  • Me pardonner ? De quoi ? D'avoir voulu t'aider ?
  • Oui, je sais que ça peut te paraître étrange, mais c'est comme ça Marc. Alors, oui, je vais te pardonner, bientôt, je pense et tout ira mieux. Elle marqua une pause. En attendant, laissons ça derrière nous et allons nous coucher, la journée a été longue. »

   Main dans la main, ils se dirigèrent vers leur chambre sans un mot. L'escalier lui parut interminable. Elle voulait lâcher cette main qui l'avait trahie, cette main qui les avait conduit à ce soir. Elle ne comprenait pas. C'était son mari, il aurai dû savoir, il n'aurai jamais du commettre cette erreur. Thibault ne l'aurai pas faite.

   Mais il n'était pas Thibault.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lily.W ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0