Chapitre IV

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Station Byrd à chalet d'observation. Station Byrd à chalet d'observation. Norm ? Est-ce que tu me reçois ? Ça fait trois heures que tu aurais dû nous faire parvenir tes résultats... Bon Dieu ! Qu'est-ce que tu fous ? ...

  La radio grésilla, puis la voix reprit :

— Tu es tombé dans ta caverne ? ... Sans réponse de ta part d'ici une heure j'envoie deux gars. J'attends un signe de ta part. Fin de message.

  Dans l'immensité glacée, peu à peu, le vent diminua d'intensité. En dehors de son mugissement irrégulier, seul un bruit de porte qui claque retentissait de façon intermittente, bruit inhabituel dans ce lieu aussi désertique que majestueux. Une dernière bourrasque vint frapper le vantail et s'engouffra à l'intérieur du chalet. Le battant s'écrasa une ultime fois contre le chambranle puis le vent s'interrompit d'un coup, comme s'il n'avait jamais été là.

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  Près de deux heures plus tard, une sorte de ronronnement s'éleva, s'amplifiant au fil des minutes jusqu'à devenir un bruyant ronflement de moteur.

  La motoneige s'arrêta à quelques mètres du chalet et les passagers en descendirent. Voyant la porte ouverte, le conducteur courut jusqu'à l'entrée.

  Il scruta la pièce une seconde avant de faire signe à son collègue qui observait les alentours, le nez en l'air.

— Je ne vois personne, mais tout est sens dessus-dessous. Le vent qui s'est engouffré a fait voler la paperasse et pas mal de cristaux de glace à l'intérieur.

  Jack, flegmatique comme à l'accoutumée, rejoignit son ami de toujours avant de le suivre à l'intérieur.

— Regarde c'est son carnet de note, je sais qu'il y inscrivait tout : ses recherches, ses supputations, ses résultats et ses hypothèses...

  Pendant que Richard examinait le petit calepin, Dahmer se rapprocha du lit que le vent avait retourné. Il le remit sur ses pieds avant de reculer vivement.

— Dick ! Ramène-toi.

  Richard Gein abandonna le carnet sur le bureau et rejoignit Jack. À sa hauteur, il posa les yeux sur le matelas imbibé de sang avant de bredouiller :

— Nor...man ? Mort...

— Privé d'une telle quantité d'hémoglobine, qui que ce soit, il y est resté, c'est certain...

— Il faut sortir ! Si ça se trouve, le meurtrier est encore ici ! cria Richard d'une voix suraiguë que Jack ne lui connaissait pas.

— Quel meurtrier ? Il n'y a pas âme qui vive à moins de mille kilomètres excepté notre station et personne n'en est sorti en dehors de nous ! Calme-toi. Essaie de rester rationnel.

— Un ours polaire ?

— Ils n'existent pas en Antarctique... Il faut retrouver Norman ; passe par le côté gauche du chalet, je passe par le droit. On se rejoint derrière.

Chacun récupéra son fusil arnaché à la motoneige puis partit de son côté, prêt à en découdre.

  Richard avançait lentement, l'arme pointée devant lui. Même s'il n'avait jamais vraiment aimé Gacy, il espérait que ce dernier était toujours en vie. Si ce qui l'avait attaqué était un ours, – il était peut-être possible qu'il y en ait quand même un, se dit-il – du coup, Norman avait peut-être pu s'en sortir ; tout ce sang sur le lit n'était pas forcément à lui !

  Rasséréné par cette pensée positive, le petit homme au teint rubicond atteignit le coin arrière gauche du chalet. Il allait le passer lorsqu'un hurlement discordant déchira le voile du silence.

  Se retenant pour ne pas crirer à son tour, Richard se plaqua contre le mur, se faisant le plus petit possible. Ce n'était pas un pleutre mais pas non plus ce que l'on aurait pu appeler un homme courageux. Il se considérait dans la moyenne, faisant ce qu'il fallait au moment où il fallait le faire. D'habitude... Cette fois, il n'était pas sûr de vouloir faire ce qu'il avait le devoir de faire, c'est à dire, avancer. Et si l'ours, ou quoi que ça puisse être d'ailleurs, était encore là et qu'il avait égorgé Jack ?

  Gein demeura dans sa position durant plusieurs minutes et, ne percevant plus que le son de sa propre respiration, osa un coup d'œil à sa droite. Rien...

  Il inspira puis expira profondément plusieurs fois avant de se décider à sortir de sa "cachette". Si bestiole il y avait eu, bestiole il n'y avait plus. Légèrement rassuré, Richard se hasarda plus avant quand il tomba sur une forme imprécise et rougeâtre au sol. Plissant des yeux et se penchant pour voir de quoi il s'agissait, il découvrit que cette chose visqueuse et fumante ressemblait fortement à un chapelet d'intestins.

  Devant cet effroyable spectacle, Richard eut un violent hoquet et rendit son déjeuner avant de tomber à la renverse sur son postérieur adipeux. Il avait la désagréable impression de se retrouver cinq ans en arrière alors qu'il habitait encore avec son ex. Cette fille adorait les chats et ces sacripants lui laissaient régulièrement les intestins de leurs pauvres victimes, comme une offrande, sur le paillasson devant la porte d'entrée.

  Se pouvait-il qu'un félin vive dans ce genre d'endroit ? A cet instant, il s'en voulait de n'avoir jamais été très à l'écoute de ses professeurs de biologie. S'il avait tendu l'oreille, peut-être aurait-il pu se préparer à affronter la bête qui avait fait ça à Jack et sûrement à Norman !

  Le souffle court, il se traîna sur les fesses jusqu'au coin du chalet puis se signa. Bien sûr, il était triste mais, instinct de survie oblige, le plus important pour le moment était de se mettre à l'abri ; il pleurerait la disparition de son ami ainsi que celle de son collègue plus tard.

  Il attendit deux ou trois minutes pour se remettre debout et, le plus silencieusement possible, se mit à rebrousser chemin en direction de la motoneige. Il ne savait pas conduire cet engin, mais il avait vu Jack faire, ça n'avait pas l'air si compliqué.

  Richard se positionnait sur la selle quand une bourrasque de vent amena une étrange senteur à ses narines. Une odeur de cadavre mélangée à il ne savait quoi d'autre. Il allait tourner la clef dans le neiman quand une ombre grandit au-dessus de lui...

  Il n'eut même pas le temps de crier !!!

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Ad'H & JI 04/09/20

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