Visite à la Villa

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 Malgré l’heure tardive, Rabirius était décidé à aller rendre visite à la veuve du Bacchus des médias. Sachant qu’elle détenait l’autre collier, il pouvait faire pression sur elle afin qu’elle avoue avoir été impliquée dans le meurtre de son mari et avoir manipulé Kleopatra. La domus de ce dernier étant située dans la périphérie de Rome, l’inquisitor dût s’y rendre avec un taxi qui le déposa devant de hautes portes en bois décorées de dorures. Il s’en approcha et appuya sur le bouton qui faisait office de sonnette. L’oculus-scanner incrusté dans le mur s’activa et une voix l’interpella par interphone :  — Bonsoir, qui êtes-vous et quel est le motif de votre visite ?

 Par son accent et sa façon de prononcer les R, Rabirius devina qu’il s’agissait d’un esclave d’origine africaine et provenant plus précisément des territoires nubiens.

 — Bonsoir, Lucius Rabirius Hirus, se présenta l’inquisitor, je suis chargé de l’enquête du meurtre de votre maître Publius Domitius Varro et j’aimerai interroger sa veuve.
 — Ma maîtresse n’est pas disponible pour le moment et ne saurait vous accueillir comme il se doit, inquisitor. Revenez demain matin !  

 — Ecoutez, je me doute qu’elle doit être affectée par le deuil de son mari, mais cinq minutes me suffiront amplement pour ce que j’ai à lui demander.
 — Inutile d’insister ! Elle… elle est absente pour… pour la soirée. Revenez demain voir si elle pourra se tenir à votre disposition ou non !

 L’esclave nubien coupa net l’interphone, laissant Rabirius dubitatif. Il était curieux que le soir-même où il voulait la voir, un esclave avait tenté de le faire partir prétextant une soi-disant absence. Après avoir demandé au conducteur de taxi de l’attendre, il fit le tour de l’enceinte de la domus espérant trouver un moyen d’entrer discrètement, conscient de frôler l’illégalité.

 A l’arrière de la demeure, Rabirius découvrit une porte de service qu’il s'empressa de crocheter avec le passe-partout qu’il avait gardé depuis son service dans les cohorte urbaines. Entre-ouvrant la porte, il s’aperçut qu’elle donnait sur le jardin et que celui-ci était désert, ce qui l’incita à entrer discrètement. Ne rencontrant même pas un chien de garde, il réussit à pénétrer dans la domus en silence. Tout en marchant le plus silencieusement qu’il put, l’inquisitor parcourut des couloirs et des salles faiblement éclairés. Malgré la faible luminosité, il arrivait à se repérer et constata que les salles étaient systématiquement décorées de meubles dorés, de statues grotesques et de mosaïques aux couleurs criardes. Tout ce décorum évoquait une richesse outrancière et sans aucun raffinement, à l’image de la grossièreté de son défunt propriétaire.

 Rabirius se faufila dans la cour intérieure qu’était l’atrium et fut obligé de s’arrêter brusquement. Non loin devant lui, une porte s’ouvrit et des silhouettes s'apprêtaient à sortir. Rapidement, l’inquisitor se cacha une pièce juste à côté de lui, se retrouvant dans une réserve. Écoutant à la porte, il entendit les pas de personnes passant devant lui et ne semblant pas avoir remarqué sa présence. Quand ils furent suffisamment loin, Rabirius osa ouvrir légèrement la porte afin de voir d’un oeil discret qui passait. Il vit de dos deux silhouettes marcher dans l’atrium, celles d’une femme portant un long manteau noir, coiffée d’une broche dorée à deux cornes et d’un grand homme à la peau noire. L’inquisitor en déduisit qu’il s’agissait de Valéria Caria, qui avait abandonné ses sombres habits de veuvage et de son esclave nubien qui avait prétexté l’absence de sa maîtresse. Ils se dirigaient vers le bassin, au centre de l’atrium, où était dressée une imposante statue de Bacchus entourées de nymphes dansantes. Depuis sa cachette, Rabirius vit la veuve et son esclave commencer à marcher autour de la statue mais ne les vit pas réapparaître. Sortant prudemment de la réserve, l’inquisitor fut étonné de voir qu’ils avaient totalement disparu le laissant de nouveau seul dans la cour intérieure.

 Comprenant qu’il ne les reverrait plus dans la domus, Rabirius fut intrigué par la pièce dont Valeria Caria était sortie et se dirigea vers celle-ci. Il y entra et découvrit qu’il s’agissait de la chambre de la nouvelle maîtresse de maison avec son lit et ses armoires. Il entreprit ainsi de les fouiller espérant trouver le collier qui aurait été ensorcelé par le vieux Ahmosis. Ils ne contenaient cependant que des vêtements de haute couture et des bijoux valant une fortune, comme en portaient toutes les femmes de la classe patricienne. Déçu de ne rien trouver de probant, Rabirius laissait vagabonder son esprit un instant lorsqu’il fut interpellé, au niveau du sol en mosaïque, par des lignes creuses entourant un cercle dans lequel était représentée une femme voilée avec un croissant de lune sur le front. Cette mosaïque était d’autant plus intrigante qu’elle figurait la déesse nocturne Hécate considérée comme une puissante et dangereuse sorcière dans le monde hellénistique. Déduisant qu’il s’agissait d’un couvercle cachant une cavité creusée dans le sol, l’inquisitor souleva la plaque et y trouva vêtements et objets d'inspiration égyptienne qui l'interpellèrent. Parmi ceux-ci, il découvrit plusieurs pendentifs, bijoux et statuettes dont il déduisit que l’usage ne pouvait être destiné qu’à des pratiques rituelles. Après une fouille méticuleuse, il finit enfin par trouver un collier totalement similaire à celui que portait Kleopatra le soir du meurtre. Rabirius le retourna et découvrit les inscriptions hiéroglyphiques de couleur rouge sang dont il avait parlé avec le vieil Ahmosis. Satisfait de sa découverte, il cacha le collier dans une de ses grandes poches et remit les autres affaires dans la cachette. Il la referma ensuite avec le couvercle et s’imaginait déjà revenir le matin pour interroger la veuve et lui faire avouer sa machination en lui montrant le collier. Prêt à quitter les lieux, il fut stoppé dans son élan par l’esclave nubien qui tenait une massue à la main. Sans laisser le temps à l’inquisitor de se remettre de sa surprise, il le frappa violemment à la tête et Rabirius tomba inconscient sur le sol.

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