Partie 5 - Aksept - Chapitre 25

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 La nouvelle bulle qu’ils atteignirent fut un véritable choc pour Guad. Alors que la désolation s'était emparé crescendo des paysages visités, celui ci affichait une nature qui avait repris ses droits. Une jungle luxuriante s’étendait à perte de vue devant les voyageurs. Tout n’était que faune et flore. Des cris d’animaux inconnus jaillissaient entre les arbres de différentes espèces. Des ombres bondissaient de liane en liane, trop rapides pour être identifiées. Le vert vif de cette nature resplendissante sautait aux yeux.

 — Analyse de l’environnement, annonça Dux, stoïque. Nouvelle bulle atteinte : Aksept. Nombre de voix enregistrée : 1. Puits de vie détecté.

 — Une seule ? interpela Guad. Tu veux dire que dans cette jungle, il n’y a qu’un seul humain ?

 — Affirmatif. Il m’est impossible de faire erreur.

 — Pas sûr que ça soit bon signe. On ferait mieux d’avancer prudemment.

 En ces lieux, un point qui fascina particulièrement Guad fut la couleur. Ils progressaient dans une végétation extrêmement dense dont le vert resplendissant respirait la vie. La luminosité ambiante était très bonne, mais l’élu n’arrivait pas à en trouver l’origine. En observant bien, Guad se rendit compte que la lumière était émise par tout ce qui l’entourait, chaque être vivant représentait une petite source en elle-même. Dux devait avoir raison. Cet endroit respirait trop la nature sauvage, l’homme n’était pas passé par là pour y apposer son empreinte. Jusqu’à maintenant. Les voyageurs laissaient la leur à renfort d’épées pour se créer un chemin à travers la végétation. Cette pensée troubla Guad : ils étaient des intrus. Il avait l’impression de fouler une terre sacrée.

 — Vivement que l’on arrive au puits, dit Kareth qui ne cessait de jeter des regards autour d’elle, je n’aime pas cette bulle.

 Malgré l’intérêt que le jeune homme portait pour un tel endroit, il ne se sentait pas tout à fait à l’aise non plus. Lorsque l’on observait autour de soi, on ne voyait que l’omniprésence de la végétation, c’était étouffant. Et il y avait quelque chose d’autre.

 — Vous n’avez pas la sensation que l’on est épié ? demanda Guad.

 — Je n’ai rien remarqué, répondit le golem.

 — Maintenant que tu le dis, convint Kareth, j’ai aussi l’impression de sentir un regard peser sur mon dos… Mais ce doit être ces milliers de bestioles qui trainent autour de nous.

 L’élu se retourna, interloqué. Mais un souvenir fusa dans sa tête.

 — Oh, j’avais oublié que tu n’étais pas à l’aise avec les animaux.

 — Si, les chevaux c’est bon, grommela l’intéressée aux joues qui rougissaient. Les chèvres et les moutons aussi.

 — Ce qui est domestique quoi, commenta Guad en riant.

 — Oh, ça va, hein…

 — Nous sommes arrivés, intervint Dux qui était passé devant.

 Ils débouchèrent sur un espace un peu plus dégagé où trônait au centre un énorme rocher. Sur la partie supérieure, une embouchure ouverte laissait s’écouler une cascade étroite qui alimentait le puits de vie.

 — C’était rapide cette fois, lança le jeune homme. On est parti du passage il y a quoi, seulement trente minutes ?

 — Ne te plains pas, ça va nous retomber dessus. Dux, combien de temps prendras-tu pour récupérer ?

 — Trois jours complets.

 Le golem se jeta ensuite dans l’eau pour accomplir son processus de régénération. Trois jours ? Le voyage dans cette bulle ne durerait pas.

 Après avoir passé une bonne heure à chercher des vivres, les deux élus s’attelaient à l’examen de leur butin. Ils avaient récupéré une vingtaine de fruits différents, mais n’en connaissaient aucun. Lesquels manger ? Là était la question qu’ils se renvoyaient depuis maintenant une dizaine de minutes. Trop occupés à débattre, ils ne virent pas la silhouette qui se profila au-dessus d’eux.

 — Qui profane cette bulle ? tonna une voix puissante qui résonna dans l’air. Qui ose s’aventurer sur les terres de Leh ?

 Le duo se retourna prestement en dégainant dans le même mouvement. Sur le rocher au centre du puits de vie, une personne était perchée et les toisait. En observant plus attentivement, celui qui les surplombait n’avait d’homme que la silhouette. Ce Leh apparaissait comme coupé en deux.

 De son côté droit, le corps et le visage d’un homme âgé à la barbe grise et aux cheveux bouclés entourant un oeil de jade. L’ensemble de sa peau était recouvert de lierre, comme s’il faisait partie intégrante de son hôte.

 Mais ce qui interpela encore plus Guad fut l’autre moitié. Une absence totale de peau, de chair et de muscles. Cette seconde partie était un squelette à l’os d’une couleur aussi noire que la nuit. Un œil rouge brillait dans l’orbite gauche de cette créature.

 — Que faites-vous ici humains ? Répondez !

 Les voyageurs étaient tellement tétanisés par la vision de cet être surréel qu’ils ne purent dire un mot. L’individu leva sa main droite au gant végétal. Des racines sortirent du sol et s’enroulèrent autour des chevilles des intrus. Ces derniers tentèrent de s’en défaire à l’aide de leurs lames, mais ils n’y arrivèrent pas. Ce n’était que de petites racines, mais elles étaient beaucoup trop résistantes. L’étreinte remonta le long du corps de ses victimes, jusqu’à les immobiliser complètement.

 — Nous sommes des élus ! lança Kareth dans une peur panique. Nous sommes ici par la volonté de la Gueule !

 L’individu l’observa un instant, puis déporta son regard sur le puits de vie.

 — Je vois… Votre guide est déjà en train de récupérer de l’énergie pour la fin de votre voyage.

 La fin ? Comment pouvait-il savoir cela ? Au-delà de son apparence, cet être n’était vraiment pas n’importe qui. Guad se mit à réfléchir intensément et pesa dans sa tête ce qu’il pouvait dire. Vu sa puissance, il valait mieux bien choisir ses mots.

 Leh bondit de son perchoir et retomba devant ses captifs. Ce saut inhumain donna des frissons dans le dos de Guad.

 — Nous ne venons pas perturber ton…

 — SILENCE ! vociféra l’individu en pointant un doigt de sa main squelettique. Votre statut d’élu ne signifie rien devant moi. Je ne laisserai pas des démons pénétrer en ces lieux et cracher leur corruption sur cette terre sacrée.

 L’emprise des racines se resserra encore plus. Leh se rapprocha de Kareth et vint poser sa paume noire sur la tête immobilisée de la jeune femme.

 — Que faites-v…

 Mais elle ne réussit pas à terminer sa phrase. Sa tête tomba sur le côté et son corps se relâcha.

 — Kareth ? Kareth !

 Guad contracta le plus possible ses muscles et tenta de se défaire de l’étreinte des racines. Il força autant qu’il le pouvait, mais sans succès. L’homme se rapprocha de lui. L’élu aurait voulu crier quelque chose, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Sous ce regard couleur sang, la peur de la mort lui avait saisi les tripes. La main osseuse se posa sur son front et sa conscience se ferma.

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