Partie 4 - Wajae - Chapitre 20

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 Un désert de sable gris se profila devant eux. Des veines luminescente s'étendaient à travers tout ce désert comme une gigantesque toile d'araignée verte, jusqu'à perte de vue. Ce mélange de couleur dans l’aridité du paysage donnait une drôle de sensation à Guad, il se sentait mal à l’aise, comme si quelque chose n’allait pas. Il se tourna vers son amie pour s’apercevoir que son attention était focalisée ailleurs. Au nord-ouest, en contrebas, de petits points lumineux, sans doute des torches se dit Guad, révélaient une présence humaine.

 — Analyse de l’environnement. Nouvelle bulle atteinte : Wajae. Nombre de voix enregistrée : 139. Puits de vie détecté.

 — Où doit-on aller, Dux ? demanda Kareth.

 — Je ressens le puits à l’ouest, répondit-il en pointant la direction en question, mais il se trouve loin.

 — Dans ce cas-là, nous ferions mieux de nous arrêter à ce village pour nous préparer. En route.

 Ils se dirigèrent vers le bourg qu’ils atteignirent en une vingtaine de minutes. Marcher dans le sable s’avéra bien plus épuisant que sur la terre ferme, surtout lorsqu’il fallait passer une butte. Un mauvais pas pouvait emmener glisser jusqu’en bas d’une pente.

 Le village en question se révéla être un ensemble de nombreuses tentes rassemblées au même endroit. Elles étaient fabriquées avec des mélanges de tissus et de peaux diverses tels des patchworks géants maintenus par des structures en bois.

 Dix mètres avant d’arriver aux premières tentes, des hommes et femmes vêtus seulement de pagnes apparurent sur les côtés pour les encercler. Ils étaient équipés d’une lance dans une main et d’un écu en bois dans l’autre. Guad estima qu’ils étaient une vingtaine, mais il avait la sensation qu'il pouvait y en avoir d'autres, cachés non loin.

 — Qui êtes-vous, étrangers ? lança la seule femme dont le visage était couvert d’un tissu. Que venez-vous faire sur ces terres ?

 — Nous ne sommes que de passage, répondit Kareth, la main au-dessus de la garde de son arme. Nous souhaitons juste des renseignements et quelques provisions pour continuer notre pèlerinage.

 — Un pèlerinage vous dites ?

 La femme tourna la tête et fixa Dux. De son voile, seul son regard de jade était visible. Guad déglutit péniblement, la dernière fois qu’ils avaient été reconnus pour leur religion, les choses ne s’étaient pas bien passées.

 — Seriez-vous donc des élus de la Gueule ? demanda-t-elle, les yeux toujours posés sur le golem. Prouve-nous ton identité dans ce cas-là, guide. Fais rugir la flamme de la Gueule qui vit dans ton cœur.

 Dux leva alors un bras au ciel et projeta un énorme jet de feu de sa paume, éclairant les alentours d’une couleur chaleureuse qui donnait un ton bien différent au désert de sable gris. Si ces gens étaient des ennemis de la Gueule, l’élu espéra que cette démonstration de puissance du golem les convaincrait au moins de ne pas s’en prendre à eux. Le flot de flammes s’arrêta, laissant son empreinte chaude dans l’air.

 Guad se positionna discrètement, prêt à dégainer pour se défendre. Mais ce fut inutile. Hommes et femmes se mirent à hurler et bondir de joie en jetant leurs armes au sol. Tous se précipitèrent sur le trio pour les noyer sous les accolades aussi sèches que tendres.

 — Je me nomme Akara, s’exclama la guerrière voilée. Bénis soient les élus et bénie soit la Gueule.

 — Bénis soient les élus, reprirent les autres combattants, bénie soit la Gueule.

 — C’est un honneur de vous avoir parmi nous, élus. Vous êtes nos invités. Veuillez me suivre, notre chef sera au comble du bonheur d’apprendre votre venue.

 Guad ne savait plus où donner de la tête. Un accueil si chaleureux lui paraissait irréel après ces deux dernières semaines. Il avait vécu l’enfer dans une cellule, vu la transformation de son ami en monstre, et avait même consenti à l’abandonner à son sort. Et ces gens les acclamaient et les prenaient dans leurs bras ? Son visage s’étira dans une grimace qu’il n’avait pas connue depuis longtemps : un sourire.

 D’un regard discret pendant qu’ils étaient entrainés vers le village, il tourna la tête vers ses compagnons. Kareth était complètement décontenancée. Son expression jongla entre béatitude et incompréhension alors qu’elle observait avec curiosité ce peuple. Dux, bon public et toujours prêt à discuter, répondait à nombre de questions que lui lançaient les guerriers.

 Le groupe arriva à l’entrée du village où une petite foule attendait, tous armés et prêt au combat. Probablement restaient-ils méfiants après avoir vu une langue de feu apparaitre dans le ciel quelques minutes auparavant.

 — Mes amis, clama Akara d’une voix forte, réjouissez-vous ! Des élus de la Gueule nous honorent de leur présence.

 Les guerriers jetèrent leurs lances au sol pour rejoindre le cortège qui ne cessait de prendre en taille à mesure que les curieux approchaient. Hommes et femmes harcelaient les voyageurs de questions à une vitesse trop importante pour pouvoir répondre à la moindre d’entre elles.

 La troupe évolua ainsi au milieu de l’allée, grossissant à mesure qu’elle avançait, jusqu’à arriver devant une tente bien plus grande que les précédentes. Si celles qu’ils avaient vues pour le moment devaient permettre à une ou deux personnes d’y dormir, celle-ci pouvait en accueillir facilement une dizaine. Elle s’étirait sur une douzaine de mètres sur le côté et sa hauteur aurait même accordé à Dux de l’espace. Contrairement aux autres, ce pavillon de toile reposait sur une structure en bois surélevée par de nombreux pieds enfoncés dans le sable.

 Akara poussa le rideau de perles de l’entrée et s’engouffra à l’intérieur. Elle revint une vingtaine de secondes plus tard et se rangea à côté du passage. La clameur se calma rapidement à mesure que les gens voyaient qu’elle était sortie, jusqu’à laisser place à un silence absolu. Guad et Kareth se regardèrent, inquiets. Le temps des complications était-il venu ?

 Une silhouette se profila dans l’encadrement. Une femme aux longs cheveux blancs qui lui descendait jusqu’aux reins s’avança hors de la tente. Elle avait une peau laiteuse et des yeux bleu clair où se dessinait un cercle rouge dans l’iris. Ils brillaient avec une telle intensité qu’ils auraient pu lancer des éclairs. Cette femme était simplement vêtue d’un pagne auquel étaient accrochés deux poignards aux gardes et lames rouges. Des symboles étaient tracés sur l’intégralité de sa peau, soulignant encore plus la quasi-nudité de ce corps pâle. Guad se sentit très gêné et tenta de contrôler son regard.

 Elle transperça de ses yeux le duo d’élu, avant de reporter son attention sur le golem qui les accompagnait.

 — Messager de la Gueule, dit-elle d’une voix bien plus douce que Guad lui aurait imaginée, ta présence nous honore. Moi, Fara, chef des Saths, je te souhaite la bienvenue parmi nous.

 La femme courba légèrement la tête dans sa direction en guise de salut, puis reprit son étude des deux voyageurs. Guad sentit un frisson lui parcourir l’échine. L’impétuosité de ce regard lui fit miroiter la force de caractère que possédait cette femme. Le fait qu’elle ait accueilli ainsi Dux était bon signe, mais le jeune homme ne put se résoudre à se considérer hors de danger. Il avait connu pareille situation dans la bulle précédente, il ne comptait pas se faire avoir deux fois d’affilée. Alors qu’il s’attendait à tout moment à ce qu’elle se saisisse de ses dagues pour leur lancer, la chef se fendit d’un simple sourire.

 — La Gueule nous accorde le privilège de votre présence, élus. Vous êtes aussi les bienvenues dans notre village. Si vous l’acceptez, notre tribu vous offrira l’hospitalité qui vous est due.

 Guad et Kareth se regardèrent, légèrement déboussolés par le discours de cette femme au charisme impressionnant.

 — Ce serait notre plaisir que d’avoir cette chance, répondit finalement Kareth d’un ton très respectueux.

 Guad se contenta de hocher simplement la tête pour confirmer les propos de son amie. Fara afficha un nouveau sourire et fit signe à Akara qui patientait à ses côtés. Elle se retourna ensuite pour se retirer dans sa tente. Le rideau s’immobilisa, la guerrière voilée s’avança.

 — Saths. Ce soir, en plus de la Shaeira, nous fêtons l’arrivée des élus de la Gueule dans notre village. Que ce moment reste gravé à jamais dans les mémoires !

 Une éruption de cri de joie d’hommes et de femmes fit écho à ses paroles. Tous partirent dans différentes directions pour commencer leurs préparatifs. Akara s’approcha de Guad et Kareth, puis les prit par la main pour les emmener avec elle.

 — Venez avec moi, élus. Je vais vous aider à vous préparer pour ce soir.

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