Chapitre 14

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 Le trio se retrouva enfermé dans une prison miteuse du sous-sol. Un relou de pourri et d'eau croupie remontait jusqu'aux narines des détenus. De petites torches dans le couloir permettait de voir une partie de la cellule, mais le reste restait absorbé par la pénombre.

 Guad jurait entre ses dents en faisant les quatre cents pas pendant que Locro se reposait contre les barreaux. Kareth se trouvait de l’autre côté du couloir dans sa propre cellule. Les lieux étaient si mal éclairés qu’ils n’arrivaient même pas à l’apercevoir.

 — Pourquoi nous ont-ils emprisonnés ? grinça Guad en projetant un caillou d’un grand coup de pied.

 — Ils nous ont tendu un piège, répondit Kareth. On aurait dû se méfier, nous avons été idiots.

 — Si c’était un piège, pourquoi nous ont-ils permis d’emmener Dux au puits de vie ?

 Guad frappa rageusement sur les barreaux.

 — Les golems sont des êtres dangereux…

 La voix était fatiguée, lasse, mais ce n’était pas celle de Locro. Et elle venait de la cellule. Guad se retourna, sur le qui-vive, et observa autour de lui. Il n’y voyait rien avec cette foutue obscurité !

 — Ne t’inquiète pas, gamin. Je ne vais rien te faire.

 Une silhouette se découpa dans un coin.

 — Qui êtes-vous ? demanda-t-il, méfiant.

 L’élu se rapprocha de Locro, qui s’était relevé aussi. La voix désincarnée continua de s'exprimer lentement.

 — Actuellement ? Un traitre à la couronne. Avant ça ? L’ancien capitaine de la garde royale et le frère du souverain Seciwlar.

 L'homme apparut à mesure qu’il s’avança dans la lumière. Celui qui avait parlé était assez petit, une longue barbe et des yeux bleus perçants.

 — Un membre de la famille royale ?

 Le détenu passa une main dans sa barbe et se mit à réfléchir. Maintenant qu’il ne se trouvait plus dans l’ombre, Guad constata qu’il ne portait qu’un pagne qui dévoilait sa maigreur extrême.

 — Exact, et vous des élus de la Gueule je suppose.

 — Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? interrogea Locro.

 — Eh bien, vous ne me demandez pas ce qu’est un élu de la Gueule, ce qui est déjà révélateur en soi. Sinon, le fait que vous ayez parlé de golem suffit pour le comprendre. Les gens de Cadarnle ne savent pas ce que c’est, donc la déduction parait évidente.

 L’individu s’assit à même le sol et s’allongea sur le dos. Il ne se sentait visiblement pas en danger un seul instant.

 — Vous feriez mieux de vous mettre à l’aise, vous êtes ici pour un moment, dit-il en riant faussement.

 Guad ne savait pas trop comment réagir face à cet homme. Son attitude était déconcertante. Il sentit une tape sur l’épaule et tourna la tête vers Locro.

 — Ne t’inquiète pas, il ne nous fera pas de mal.

 — Même si je le voulais, vous arriveriez à me battre en me soufflant simplement dessus, dit le détenu en levant mollement un bras en l’air, avant de le laisser retomber sur le sol humide. Au fait, je m’appelle Aenan, Aenan Seciwlar.

 Locro s’avança vers leur compagnon de cellule et s’assit à côté de lui.

 — Moi, c’est Locro, et lui, c’est Guad. Si tu entends une voix féminine qui donne des ordres à tout va, c’est Kareth, de l’autre côté du couloir.

 — Tu as de la chance d’être loin… grommela la jeune femme.

Un ronflement retentit, son écho rebondissant sur les parois des murs humides et délabrés de la prison.

 — Attends, dit Guad un sourcil relevé. Il vient de s’endormir là ?

 Locro hocha la tête.

 Combien d’heures s’étaient écoulées depuis leur arrivée ici ? Guad n’en avait aucune idée. En fait, il en était même rendu à se demander si cela ne faisait pas déjà une journée entière qu’on les avait emprisonnés. Locro en avait profité pour se reposer un maximum — en considérant que dormir sur des dalles de pierres froides et humides pouvait s’apparenter à du repos.

 Leur codétenu n’était pas aussi loquace qu’ils l’auraient cru, il n’avait pas ouvert la bouche depuis ses présentations à part pour ronfler. Guad avait profité du sommeil de ce dernier pour l'observer plus en détail. Entre ces yeux et ces traits d'un homme dans sa quarantaine, la ressemblance avec le roi était frappante.

 Alors que Guad discutait avec Kareth sur la raison potentielle de leur emprisonnement, des bruits de pas se répercutèrent dans le couloir. Une lueur vive illuminait les murs à mesure qu’elle s’approcha. Un homme, vêtu d’une grande veste blanche sur une chemise bleue, arriva à hauteur des cellules. Les détenus durent plisser les yeux quelques secondes le temps de s’habituer à l’éclairage. L’arrivant de taille moyenne et plutôt maigre, avait des cheveux blonds tirés en arrière, rassemblés en queue de cheval. Sur son nez se trouvait une branche métallique surmontée de deux petits carreaux de verre fin.

 — Bonjour à vous, élus de la Gueule, dit-il d’une voix cassée, comme s’il avait trop crié. Je m’appelle Zinlar Iachawr, enchanté de faire votre connaissance.

 Il se racla la gorge bruyamment. Cet homme dégageait quelque chose de particulier, mais Guad ne put mettre le doigt dessus. De ses yeux vert émeraude, il observait les occupants du cachot avec attention.

 — Si cela ne vous dérange pas, je souhaiterais vous poser quelques questions.

 — Ne serait-ce pas nous qui devrions poser des questions ? intervint Kareth dans son dos.

 — Oh, veuillez m’excuser mademoiselle, je ne vous avais pas vu, dit-il en se retournant. Il est vrai que les raisons de votre incarcération vous sont probablement étrangères.

 — En effet, nous aimeri…

 — Mais je suis désolé, je ne suis pas ici pour cela, coupa-t-il aussitôt. Cependant, ne vous inquiétez pas, le capitaine Seciwlar saura vous en dire plus après mon départ.

 L’intéressé resta silencieux dans son coin. Il n’avait pas bougé depuis l’arrivée de l’homme en blanc et ne semblait pas décidé à ce que cela change.

 — En fait, je viens pour savoir si l’un de vous est blessé ou malade, s’enquit-il en passant son regard d’une cellule à une autre. Je suis ce que l’on appelle un médecin. C’est comme un guérisseur de chez vous, mais en plus compétent.

 Guad ne put s’empêcher de regarder Locro dont l’état s’était dégradé depuis un certain temps pour une raison qui lui était étrangère. Mais celui-ci lui fit signe de la tête de ne rien dire. Après tout, pourquoi feraient-ils confiance à cet inconnu ?

 — Nous allons bien. Enfin, mis à part ça, dit Guad en tapotant les barreaux.

 Le quarantenaire plongea ses yeux verts dans ceux de l’élu. Guad eut l’impression de se faire traverser de part en part, comme si cet homme lisait dans son esprit.

 — C’est étrange, j’aurais cru le contraire, asséna Zinlar. Eh bien, dans ce cas-là, je me permets de vous laisser.

 Il se leva et commença à partir.

 — Une dernière chose, dit-il en se retournant. Si, par un heureux hasard, vous en veniez à découvrir que l’un de vous est en mauvaise santé, n’hésitez pas à me faire appeler. Cela vaudra mieux pour tout le monde.

 Sur ces mots, le bruit de ses pas s’éloigna jusqu’à ne plus être audible. Guad se tourna vers le coin où se trouvait Aenan, et se prépara à le questionner.

 — Demain, asséna le détenu sans préambule. Je suis fatigué pour le moment, alors on en parlera demain.

 — Mais…

 — Écoute, gamin. Tu es en prison actuellement. Crois-moi, tu n’es pas à un jour près.

 Guad se laissa glisser sur le dos, vaincu. Lui aussi était las et n’avait pas envie de se battre pour obtenir des réponses. Tout ce qu’il espérait maintenant, c’était un peu de sommeil.

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