Chapitre 13

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 Tout ne s’était pas vraiment passé comme prévu, mais Guad ne se sentait pas l’envie de se plaindre. Ils étaient sains et saufs, hors de portée d’une horde de monstres assoiffés de sang. Le bilan se résumait aux nombreuses entailles dans la carcasse d’acier de Dux, ce qui était somme toute raisonnable au vu de la violence des combats. Le golem se déplaçait dans un concert de grincements encore plus prononcés qu’à son habitude, mais cela ne paraissait pas le gêner.

 Le groupe de voyageurs était maintenant escorté par une dizaine de gardes armés de lances qui les regardaient d’un œil sévère. Locro avait récupéré de l’aplomb et n’eut pas besoin d’aide pour marcher. Kareth allait bien, malgré ses vêtements tachés d’un sang qui n’était — heureusement — pas le sien.

 Les élus et leur guide, entouré par les soldats, avancèrent dans cette ville dont ils ne connaissaient rien. Elle apparaissait très différente de ce que Guad avait pu voir dans sa vie. Les rues étaient entièrement pavées, si bien que pas un seul morceau de terre ne ressortait. Des bancs étaient disposés sur les côtés où des passants pouvaient s’asseoir et discuter. Mais de fines couches de poussières en trahissaient l'absence d'utilisation. Chaque maison de pierres blanches possédait au moins deux étages au minimum — Guad en repéra une qui en avait même cinq — et leurs toits construits en verre. Quelle étrange idée.

 Mais le jeune homme finit par comprendre ce qu’il trouvait bizarre avec les lieux. L’éclairage. À intervalle régulier, de minces piliers se dressaient aux bords de rue. Sur le dessus de ces structures, un réceptacle de verre en forme de globe emprisonnait une boule de lumière qui irradiait avec force. On aurait dit une lanterne, mais dont la luminosité se révélait bien plus efficace qu’une flamme.

 — Étrange cette ville, non ? chuchota Locro à Guad.

 — En effet, confirma ce dernier. Je me demande comment marchent leurs drôles de lanternes.

 La hampe d’une lance vint cueillir Guad dans les côtes. Il chuta et gémit de douleur. Il foudroya du regard le garde qui s’était amusé à le frapper.

 — Pas de bavardages, prisonnier, asséna l’homme en armure, insensible au courroux de sa victime.

 Guad se releva et se remit en route.

 Ils atteignirent une grande bâtisse, l’endroit le plus important de la ville au vu de l’architecture de celle-ci. Le palais se divisait en deux parties qui étaient, à elles seules, encore plus grosses que les maisons de cette ville. La façade du rez-de-chaussée était ornée de multiples statues représentant différents hommes et femmes dans des positions qui se voulaient royales. Les trois étages supérieurs comptaient un nombre incalculable de fenêtres et balcons. Ce véritable château pouvait accueillir des centaines de personnes aisément. Un escalier conduisait vers une monumentale porte couverte de signes gravés dans une langue inconnue.

 Le groupe s’arrêta devant les marches du palais où se trouvait une statue de cinq mètres de haut qui représentait un homme couronné barbu. Il levait une épée au bout de son bras tendu vers l’avant et un livre dans son autre main au niveau de la hanche. Le socle avait une gravure cette fois dans la langue que connaissais Guad : « SECIWLAR II, PORTEUR D’ESPOIR ».

 Les gardes posèrent un genou à terre devant la sculpture de pierre et s’exclamèrent en cœur :

 — Par la volonté du porteur d’espoir, le peuple de Cadarnle, dernier bastion de l’humanité, ne cèdera jamais. La nouvelle ère est proche.

 Le trio de voyageur se regarda, confus. Dernier bastion de l’humanité ? Voilà qui n’était pas bon signe. Ils murmurèrent quelques mots religieux à leur tour, espérant que cette fois, que la bonne fortune leur sourit.

 Les soldats en ayant terminé, le groupe se remit en route et pénétra dans le palais. Ils arrivèrent dans un long couloir où les dalles de pierres avaient laissé place à un carrelage en terre cuite qui jonglait habilement entre le noir et le blanc. Les bruits de pas résonnèrent dans l’allée illuminée par les curieuses lanternes accrochées aux murs.

 Ils avancèrent deux bonnes minutes tout droit, avant de dépasser le seuil d’une nouvelle pièce. Sur les côtés de la salle se trouvaient le même type de statut qu’ils avaient vu sur la façade du bâtiment, des nobles au vu de leurs tenues. Plusieurs personnes conversaient à voix basse entre les géants de pierre. Devant le groupe, un trône immense se dressait. L’homme assis dessus ressemblait légèrement à la statue du porteur d’espoir à l’entrée du palais, remarqua Guad. Mais il n’en était pas tout à fait sûr. Il semblait plus âgé et ne dégageait pas le même charisme.

 Un garde de l’escorte, le seul qui ornait un casque à crête verte sur la tête, s’avança. Il retira sa protection et mit un genou à terre :

 — Roi Seciwlar III. Ces voyageurs ont été trouvés devant nos portes aux prises avec les goules. Après évaluation des risques, j’ai décidé de les laisser entrer pour les sauver. Je…

 Le souverain coupa son interlocuteur en levant une main lente.

 — Notre royaume est en guerre permanente avec la mort elle-même, vous vous êtes pourtant permis de venir au secours d’étrangers ? Pourquoi capitaine ?

 Le soldat baissa la tête en signe de soumission et se mit à regarder le sol.

 — Ces trois individus sont accompagnés par une entité de métal, mon roi. Elle a réussi à créer un mur de feu pour tenir les goules en joue.

 Le vieil homme le toisa un instant en passant une main dans sa barbe grise.

 — Tu affirmes donc qu’il s’agit d’un golem ? demanda-t-il d’une voix lasse.

 — En effet, mon roi.

 Le souverain porta ensuite son regard vers le groupe de voyageur en s’attardant plus longtemps sur Dux. Il hocha la tête.

 — Seciwlar III, roi et guide de Cadarnle, vous donne l’autorisation de parler, déclara le capitaine, veuillez vous présenter !

 Kareth s’avança d’un pas.

 — Nous sommes des élus de la Gueule, dit-elle du ton protocolaire qu’elle employait en général avec le prélat. L’entité ici présente s’appelle Dux, et il s’agit en effet d’un golem. Il est le messager de la Gueule et notre guide vers la vérité.

 Les yeux du souverain brillèrent l’espace d’un instant et il se redressa légèrement sur son trône. Des murmures parcoururent les personnes présentes dans la salle.

 — Des élus de la Gueule ? s’étonna ce dernier. Mon père a connu des gens qui se sont présentés de la sorte par le passé.

 Guad ne savait pas trop quoi penser de cette précision. Il pria intérieurement pour qu’il s’agisse là d’un bon signe, mais le ton de cet homme ne le rassura pas.

 — Que venez-vous faire ici ?

 — Nous ne sommes que de passage, seigneur, répondit la jeune femme. Notre golem a besoin de se régénérer au sein de votre puits de vie. Une fois cette étape terminée, nous poursuivrons notre périple sans plus vous déranger.

 Le roi continua de trifouiller distraitement sa barbe. Bien que son attitude reflétât de l’inattention, voire de la négligence, le regard bleu de cet homme racontait le contraire : il brillait d’intelligence et de malice. Après une poignée de secondes de silence, il frappa dans ses mains.

 — Très bien, j’accepte votre requête. Gardes, conduisez-les au puits.

 Le souverain fit ensuite signe au capitaine de s’approcher, et commença à lui murmurer à l’oreille.

 L’escorte de soldats revint entourer les voyageurs, sans démarquer une différence de considération par rapport à avant. Une fois que le roi et le gradé eurent fini leur discussion, le groupe se mit en route.

 Les sous-sols n’étaient pas une zone très entretenue. Le dallage se fêlait de partout, il y régnait une humidité omniprésente accompagnée par une odeur de pourriture. Par endroits, des champignons phosphorescents avaient même réussi à pousser entre les carreaux de pierre. Un cliquetis de gouttes d’eau était le seul bruit audible. Arrivés au bout d’un long couloir, ils obliquèrent sur la gauche et se retrouvèrent devant une porte gigantesque. Les deux battants étaient sculptés d’or, avec de multiples runes gravées sur leurs sufaces. Trois soldats par volet s’attelèrent à l'ouverture.

 Ils s’engagèrent dans la pièce. Le puits de vie était là, aussi grand que celui de Fatum, couvrant ainsi la totalité de la salle. Quelques sphères accrochées aux murs illuminaient les lieux de façon correcte. Dux s’avança près de l’étendue d’eau et s’arrêta au bord.

 — Au vu de la dépense d'énergie des derniers jours et de mes blessures, mon temps de récupération risque de durer plus longtemps, dit-il en direction de ses trois compagnons.

 — Tu sais combien de temps ? demanda Kareth.

 — Impossible à déterminer, je suis désolé.

 — Tant pis, conclut Locro en haussant des épaules. Nous t’attendrons autant qu’il le faudra.

 Le golem rentra dans l’eau jusqu’à la taille et se positionna au centre du bassin. Il se transforma lentement en sphère brune, des traces de griffes toujours présente sur la surface brune.

 — Gardes ! tonna le capitaine dans leur dos. Saisissez-vous d’eux !

 Guad se retourna instinctivement, mais trop tard. Les pointes de dizaines de lances les menaçaient, ils ne pouvaient rien faire.

 — Emmenez-les aux cachots.

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