Chapitre 11

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 Guad dut se poser un instant pour reprendre son souffle.

 — Est-ce que tout le monde va bien ? demanda-t-il finalement.

 Le tunnel était plongé dans la pénombre, ses yeux eurent besoin d’un certain temps pour s’y accoutumer. Il repéra facilement Dux avec son cœur flamboyant qui se tenait encore près de la paroi à peine refermée.

 — Rien à signaler de mon côté maitre.

 Un mouvement près de lui fit réagir Guad. C’était Locro qui essayait de se relever, après être tombé tête la première dans le passage.

 — Pas de soucis pour moi, haleta-t-il. Ça va…

 Une dernière silhouette se dessina à côté du golem et se précipita vers eux. Kareth vérifia soigneusement que ses deux compagnons n’étaient pas blessés.

 — Vous avez eu chaud. Surtout toi Guad, heureusement que tu n’as pas été touché par ce javel…

 Elle s’arrêta en voyant la plaie de Locro et l’inspecta avec précaution.

 — Rien de grave, annonça-t-elle finalement, la coupure est nette et ne saigne quasiment pas. Ça devrait cicatriser rapidement.

 Guad tendit la main à Locro et l’aida à se relever.

 — J’espère qu’Ander va bien… s’inquiéta le colosse, en regardant l’épée à sa taille.

 Le silence fut sa seule réponse. Guad le souhaitait aussi, mais il n’était pas dupe. Les varnas s’étaient d’abord rendus au village avant de les poursuivre. Le paysan n’avait sans doute pas pu en réchapper.

 — Que la Gueule entende nos voix et protège nos cœurs, chuchota Kareth.

 Locro répéta la prière les yeux fermés, la main sur la poitrine. Guad réalisa les gestes, mais ne réussit pas à formuler les mots qui allaient avec. Pourquoi la Gueule, dans toute sa miséricorde, permettait que de tels monstres existent ?

 — Nous devrions nous mettre en route, finit par dire Locro, j’aimerais autant qu’on ne reste pas trop longtemps près du passage.

 — Personne ne pourra le pénétrer, dit Dux en réponse, pas même ces créatures.

 — Sait-on jamais.




 Ils accueillirent le bivouac du soir avec plaisir. Ils étaient tous fatigués et espéraient pouvoir s’allonger un instant pour respirer. Dux partit récupérer quelques cosses ainsi que le nécessaire pour préparer un feu. Ils burent et mangèrent sans retenue, dans un silence complet. Ils se posèrent ensuite devant le brasier qui crépitait, diffusant une lumière qui semblait protectrice en ce lieu sombre. La chaleur qui s’en dégageait était apaisante.

 Guad était assis, la tête enfouie dans les bras. En regardant les flammes danser, il revoyait le combat à la caravane. L’adrénaline s’était emparée de lui à ce moment-là, mais maintenant il ne pouvait constater qu’avec horreur ce qu’il s’était passé. Il perçut par moment le visage de Maruti, avec le hurlement de sa mère qui résonnait au fond de son esprit. Il se mit à trembler.

 — Je vous ai déjà parlé de cette nuit, il y a dix ans, où un troll avait attaqué nos moutons ? demanda soudainement Locro.

 — Pas d’histoires ce soir s’il te plait, gronda Kareth. Je ne suis pas d’humeur.

 — Justement, raison de plus. Nous ne sommes pas au bout de notre périple, alors il faut garder la tête haute. Si on perd le moral, on n’y arrivera jamais.

 Kareth ne répondit pas. Guad, qui était jusqu’alors toujours plongé dans ses pensées, se tourna vers son ami.

 — Les trolls n’existent que dans les livres.

 Locro bomba le torse comme s’il venait d’être insulté.

 — Ho ho. Que tu dis ! Ce sont des monstres de plus de trois mètres de haut et des bras aussi gros qu’un tronc d’arbre ! Tu crois qu’ils n’existent pas, car le seul qui ait été vu, je m’en suis occupé. Et à mains nues en plus !

 Le jeune homme savait que Locro inventait. Et pourtant, l’idée que son ami ait pu se débarrasser d’un tel monstre le fit sourire. C’était ridicule. Kareth se mit à pouffer de rire discrètement de son côté.

 — Qu’est-ce qu’un troll ? demanda leur guide d’une voix plate.

 Ainsi, Locro conta son histoire qui se trouva être plus épique encore que d’habitude. Il décrivit avec minutie son adversaire, allant même jusqu’à préciser l’haleine aux relents de pieds qu’il avait sentie lorsqu’il avait failli se faire croquer. Personne n’émit d’objections, seul Dux se permit de poser des questions pour mieux comprendre le récit. Le golem était un très bon public pour Locro.




 Depuis leur fuite de la bulle Dusmas, Guad et Locro s’étaient décidés à s’entraîner à l’épée. Ils avaient eu besoin de se battre pendant que Dux se régénérerait, il était donc essentiel de se préparer au cas où cela se reproduirait.

 Les lames s’entrechoquèrent avec fracas. Guad repoussa l’assaut de son ami tant bien que mal avant de se remettre en garde. En plus d’être aussi fort qu’un bœuf, Locro était un combattant rapide et ses coups féroces. Il enchainait les frappes sans laisser son adversaire respirer jusqu’à réussir à le terrasser sous la pression. Guad dévia une oblique à sa gauche et dû aussitôt opposer sa lame de l’autre côté pour parer l’attaque suivante.

 — Vous ne devriez pas vous entraîner avec vos épées directement, lança Kareth, vous allez vous blesser.

 Mais les guerriers ne lui répondirent pas. Après s’être dégagé, Guad tenta une taille verticale en visant la tête de son partenaire. Elle fut immédiatement bloquée, comme il s’y attendait. Maintenant qu’il avait arrêté la lame de Locro, il en profita pour lâcher sa propre arme et le percuter au niveau de l’abdomen. Le colosse accusa le coup et tomba à terre, Guad sur lui. Le combat passa du ballet d’escrime à un pugilat au sol.

 Sur le coup, l’idée lui avait semblé bonne, mais Guad réalisa rapidement qu’il venait de faire une erreur stupide. Locro, bloqué sous le poids de son ami, contracta ses muscles et se dégagea d’une ruée puissante. Il sauta alors sur sa victime et, en l’espace de quelques secondes, réussit à lui faire une clef de bras pour le paralyser à terre. Guad mordait littéralement la poussière.

 — Cela fait donc six victoires et une défaite pour moi, triompha Locro en serrant un peu plus sa prise. C’est presque trop facile.

 — Tu es sûr ?

 Kareth pointa la lame qu’elle avait récupérée au sol près de la gorge de l’élu. Son visage imperturbable dans une telle situation mit mal à l’aise Locro qui déchanta rapidement de sa victoire. Il lâcha son prisonnier et leva les mains en guide de reddition. La jeune femme jeta l’arme et repartit s’asseoir.

 — Si vous devez vous battre, rien ne nous dit que ce sera en duel. Dans le cas où vous feriez face à plusieurs adversaires, vous seriez morts tous les deux à l’instant où vous avez perdu vos épées.

 Guad en profita pour se dégager d’un coup de bassin. Il se releva pour s’épousseter, mais laissa tomber rapidement en constatant l’état de ses vêtements.

 — Viens t’entraîner avec nous alors, proposa Locro après s’être remis debout, ça nous permettra de nous habituer à autre chose qu’un duel.

 — Même pas en rêves, rétorqua-t-elle, vous connaissant, je vais finir embroché. Vous feriez bienrer un peu plutôt, on repart bientôt.




 Le trajet dans ce deuxième tunnel se poursuivit pendant une semaine entière. Personne ne se plaint de cette durée, chacun ayant ainsi eu le temps de récupérer psychologiquement de ce qu’ils avaient vécu. Cela ne les avait pas empêchés d’y penser, mais ils allaient globalement mieux. Les échanges à l’épée avaient été un bon exutoire pour se défouler, les deux élus avaient bien progressé en peu de temps.

 La galerie avait changé à mesure de leur avancée. Elle était passée d’un marron boueux avec des cristaux encastrés, à des parois grisâtres où se trouvaient des champignons phosphorescents qui illuminaient le chemin. Non comestibles avait déclaré Dux. Heureusement, les cosses minérales ne manquaient pas, ce qui permit aux voyageurs d’avoir assez de vivres pour l’ensemble du trajet.

 Plus le groupe se rapprochait de sa destination, plus leur environnement ressemblait à une terre mourrante. Le golem ne sut leur donner d’explication de ce phénomène. Lorsqu’ils arrivèrent à un cul-de-sac, Guad hésita un instant à avancer plus. Il comprit qu’il n’était pas le seul à se sentir anxieux en voyant que ses amis s’étaient arrêtés. Dux, pour sa part, avait déjà posé sa main métallique sur la paroi. Il n’attendait plus qu’on lui demande d’ouvrir.

 — Bon, on ne va pas rester là dix ans non plus ! s’exclama Locro.

 Il s’avança quelques mètres en direction du golem, avant de glisser et de se ramasser par terre. Il grommela quelques mots dans sa barbe qui avait bien poussé depuis son départ, et se releva.

 — On aurait presque pu t’accorder une certaine prestance l’espace d’un instant, lâcha Guad, hilare.

 — Presque, acheva Kareth en se dirigeant à son tour vers le passage. Tu peux ouvrir Dux. Nous sommes prêts.

 — Entendu, maitresse.

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