Partie 2 - Dusmas - Chapitre 7

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 Petit à petit, le groupe remarqua des changements sur l’état du tunnel. Les racines et cosses minérales se firent plus rares, les parois se teintèrent d’une couleur bordeaux et se mirent à pulser légèrement à rythme régulier. Dux indiqua que cela signifiait qu’ils se rapprochaient de la première étape de leur périple. Au onzième jour, ils atteignirent finalement un cul-de-sac.

 — Tu sais ce qui nous attend, Dux ? demanda Guad.

 — Nous allons déboucher sur un autre territoire qui existe sous la tutelle de la Gueule, répondit-il. La civilisation ainsi que la nature y seront probablement différentes de celle d’où vous venez.

 — Et que doit-on y faire ? intervint Kareth. Juste le traverser pour rejoindre le prochain tunnel ?

 Le golem réfuta l’hypothèse d’un signe de la tête, puis désigna le cœur qui brillait à l’intérieur de son buste. Il reprit de sa voix monocorde :

 — Bien que je ne me nourrisse pas comme vous, j’ai aussi besoin d’énergie pour pouvoir vous guider dans ce périple. Je dois me plonger dans l’eau d’un puits de vie pour me recharger.

 — Tu es sûr qu’il y en a un là où l’on se rend ? s’enquit Guad.

 — Ne vous inquiétez pas, tous lieux bénis par la Gueule possèdent un puits de vie.

 Il s’approcha alors de la paroi rougeâtre et y posa sa main. Comme la fois précédente, elle s’ouvrit dans un bruit de sussions pour les laisser passer.

 — Bon et bien, allons-y, dit Locro avant de s’engager en tête.

 Ils débouchèrent dans une forêt de chênes et de hêtres comme jamais ils n’en avaient vu auparavant. Ils dépassaient les trente mètres de hauteur et leurs racines s’entremêlaient à leur base dans tous les sens. Guad eut le tournis rien qu’en cherchant à apercevoir la cime d’un des arbres près de lui. Il repéra cependant quelques corbeaux postés sur des branches, qui guettaient l’arrivée des voyageurs de leurs regards noirs. Ils croassèrent de concert, avant de s’enfuir dans les airs. Voilà qui n’était pas de bon augure.

 — Analyse de l’environnement. Nouvelle bulle atteinte : Dusmas

 Dux se raidit complètement et ses yeux lumineux virèrent au rouge.

 — Nombre de voix enregistrée : 374. Puits de vie détecté.

 — Qu’est-ce qu’il lui arrive là ? demanda Locro en fronçant les sourcils.

 Kareth s’était positionnée à côté de lui, un peu en retrait.

 — Je ne sais pas trop, répondit Guad. Il avait déjà réagi comme cela lorsqu’il est apparu au temple.

 Les bras croisés, il ne put s’empêcher de reculer de quelques pas. Juste au cas où. Les yeux du golem reprirent leur couleur d’or et celui-ci tourna la tête vers ses compagnons humains.

 — Par ici, indiqua leur guide. Je ressens le puits de vie à l’ouest de notre position.

 Ils s’engagèrent derrière Dux, entre ces géants de bois dont les membres tortueux s’étalaient partout autour d’eux. Des champignons phosphorescents proliféraient en tous coins, permettant ainsi de se repérer sans se prendre les pieds dans les nombreuses racines qui jonchaient le sol.

 — Cette forêt est un véritable labyrinthe, nota Kareth, il y a de quoi se perdre rapidement.

 — Ne vous inquiétez pas, nous sommes bientôt arrivés, répondit le golem en pointant la direction qu’il suivait.

 — Et du coup, on ne va pas parler de ce qu’il vient de se passer ? demanda Locro.

 — Pas sûr d’avoir envie de savoir, éluda Guad.

 — À chaque nouvelle bulle où nous nous rendrons, expliqua Dux, je détecterai automatiquement le nombre de vies humanoïdes présentes ainsi que le puits le plus proche.

 — Qu’est-ce que tu appelles des « bulles » ? interrogea Kareth.

 — Il s’agit des régions fermées que nous parcourons, maitresse. Par exemple, votre bulle d’origine se nomme Negata, celle-ci Dusmas.

 — Et sais-tu combien nous devrons en traverser ?

 — Je suis désolé, je ne connais pas cette information.

 Après avoir marché sur une centaine de mètres, la forêt s’ouvrit enfin sur un nouveau lieu. Une petite clairière remplie de fleurs d’un blanc immaculé s’étendait devant eux.

 — C’est magnifique… s’extasia Guad.

 — Le puits de vie se trouve juste là, indiqua Kareth en désignant le point d’eau au centre du champ floral.

 — Hmm, je n’ai pas très envie de piétiner les fl…

 Dux se trouvait déjà à mi-chemin de leur destination, laissant dans son sillage, un véritable massacre de plantes écrasées.

 — Trop tard, s’esclaffa Locro avant de s’engager derrière leur guide.

 Le puits de vie de cette forêt était bien différent de celui que connaissait le jeune homme. Le leur était circulaire, grand et entouré d’une bordure de pierre, tandis que celui-ci était petit et n’avait pas vraiment d’architecture. Il ressemblait plutôt à un étang basique.

 — Maitres élus, s’adressa Dux. Je vais maintenant régénérer mon énergie pour pouvoir continuer notre voyage. J’estime que cinq jours seront nécessaires. Nous pourrons ensuite partir à la recherche du prochain tunnel de la Gueule.

 — Cinq jours ? s’étonna Kareth.

 — En effet.

 Guad passa une main dans les cheveux et pencha la tête en réfléchissant.

 — Veuillez faire attention à vous, je serais dans l’incapacité de vous venir en aide tant que je serais en phase de régénération.

 — On s’en sortira, ne t’inquiète pas, affirma Locro.

 Le golem hocha la tête en sa direction.

 — Les puits de vie peuvent aussi vous permettre de récupérer votre énergie si vous buvez son eau. Je vous conseille fortement de vous en servir.

 Il pénétra ensuite dans le liquide qui lui arriva à la taille. Il s’avança vers le centre approximatif et commença à se rétracter sur lui-même, jusqu’à prendre la forme d’une boule brune. Personne n’osa parler pendant les secondes qui suivirent.

 — Une proposition ? demanda finalement Locro.

 Ses deux compagnons se tournèrent vers lui et se mirent à réfléchir.

 — Commençons par écouter le conseil de Dux et buvons au puits, dit Kareth. Il faudrait que l’on trouve quelques provisions pour les prochains jours. Comme cette forêt ne semble pas habitée par le moindre animal, donc nous allons devoir en sortir.

 — On pourrait aussi en profiter pour voir si l’on ne pourrait pas localiser le tunnel suivant, proposa Guad à son tour. Dux a dit que l’on devra partir à sa recherche de toute façon, donc autant faire d’une pierre deux coups.

 Locro tapa dans ses mains d’un air entendu.

 — Excellente idée, faisons ça ! (Il se mit à regarder autour de lui en se tenant le menton entre le pouce et l’index.) Nous devrions aller… Par là !

 Il pointa du doigt une direction avec assurance.

 — Tu as choisi au hasard ? demanda Kareth.

 — Tout à fait, répondit-il avec entrain, un grand sourire au visage.

 La jeune femme soupira et haussa des épaules.

 — Quel idiot...




 Ils eurent besoin d’une bonne demi-heure avant de sortir des bois. Ils débouchèrent sur une vaste plaine dont il ne voyait pas le bout. Le paysage se parait de tons jaunes, oranges et rouges à couper le souffle. Après cette forêt où l’obscurité dominait, ce changement était apaisant. Locro affirma repérer des maisons au loin, se justifiant d’avoir une vue perçante bien plus efficace que celle de ses compagnons. Ils partirent ainsi dans cette direction, spéculant en chemin sur le fait qu’il s’agissait ou non d’habitations.

 Alors qu’ils atteignirent une distance assez raisonnable pour s’accorder que ce qu’ils avaient aperçu était bien des maisons — ce que Locro ne manqua pas de souligner en boucle par la suite — le petit groupe découvrit de nombreux champs cultivés. Divers légumes que Guad ne reconnut pas étaient plantés dans les sillons de terres. Il remarqua cependant qu’il s’agissait là de l’œuvre d’agriculteur expert. Le terrain avait été travaillé avec bien plus de talent que tout ce qu’avait pu faire Guad de ses propres mains par le passé. Ce qui n’était pas non plus un exploit en soi lorsque l’on possédait un minimum d’expérience.

 À quelques dizaines de mètres seulement de la première habitation, une silhouette se profila dans un des champs. Remarquant l’arrivée de visiteurs, l’homme se releva et les héla. Il s’approcha d’eux en évitant soigneusement de piétiner son ouvrage. Il était petit, mais possédait des épaules larges qui témoignaient du temps qu’il avait passé à travailler la terre. L’inconnu avait des sourcils touffus qui formaient une véritable barre au-dessus de ses yeux ce qui, paradoxalement, soulignait la disparité de cheveux de sa calvitie. Il s’arrêta près de ses interlocuteurs et commença à vriller un côté de son épaisse moustache.

 — Vous ne venez pas du coin vous, lança-t-il sans préambules, le regard méfiant. Qui êtes-vous ?

 Les deux jeunes hommes se consultèrent, incertains de la réponse qu’ils devaient donner. Comment cet homme réagirait-il s’ils expliquaient d’où ils venaient ?

 — Mon nom est Kareth, se présenta l’intéressée. Le grand chauve derrière moi s’appelle Locro et le brun avec l’air ahuri c’est Guad.

 L’agriculteur rigola de bon cœur.

 — Vous êtes une marrante, mademoiselle. Même si je mettrais ma main à couper que derrière votre humour et votre joli minois, vous cachez un sacré caractère.

 — Votre main est en sécurité, souffla Locro.

 Un nouveau rire accueillit la réponse. Le fermier passa ladite main dans ce qu’il lui restait de cheveux et se présenta :

 — Je m’appelle Ander Vecaku. Je suis agriculteur dans ce petit village du nom de Krist. Enchanté !

 — Nous de même, répondirent poliment les trois élus.

 — Eh bien, qu’est-ce qui vous amène par ici ?

 — Nous cherchons à récupérer quelques provisions pour notre voyage, l’informa Kareth. Et si possible, trouver un lieu pour nous reposer le soir serait parfait.

 Ander la regarda en se grattant la tête, une expression d’incertitude imprimée sur le visage.

 — Si ce n’est que ça, vous pouvez toujours venir dormir chez moi, proposa-t-il finalement. Je possède une grange. Ce n’est pas vraiment le luxe, mais bon, faute de mieux, la paille ce n’est pas si mal.

 — On ne voudrait pas dér…

 — Oh mais, ne vous inquiétez pas mademoiselle, ma femme sera ravie de voir de nouvelles têtes. Elle adore tailler la discute !

 Sans attendre de réponse, il s’engagea directement vers le village en sifflant. Locro se mit à la hauteur de Kareth et posa une main sur son épaule.

 — Bon, on dirait que tu nous as trouvé un endroit pour dormir. (Il haussa un sourcil et eut un sourire en coin.) En revanche, je ne savais pas que tu étais de celles qui aiment passer du temps dans la paille…

 Une salve de coups s’abattit sur son dos.

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