Chapitre 2

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 Guad joua de nouveau de la pioche pour tenter d’extraire une roche qu’il venait de repérer. Ses bras le lançaient comme s'ils s'apprêtaient à tomber à tout instant. Après la punition dont il avait écopé, travailler la roche était loin d'être une promenade de santé. La fin de matinée était arrivée bien trop lentement au goût de Guad et cet après-midi lui semblait tout aussi interminable. Il aurait préféré avoir un peu plus de temps pour paresser dans son lit avec sa compagne. Au lieu de ça, il avait dû se contenter d’un départ précipité au réveil et d’un passage en coup de vent avant de partir pour les carrières. Si le prélat ne supportait pas les retards, Oden, le responsable des mineurs, ne les toléraient davantage. Il avait déjà pendu par les pieds un de ses gars juste pour servir d'exemple aux autres.

 — Alors Guad, on s’est de nouveau fait attraper par le vieux ?

 Une grande claque atterrit entre ses omoplates pour accompagner l’altercation.

 — Je suis arrivé en retard à sa convocation, marmonna Guad en grimaçant. Par contre Locro, si tu pouvais apprendre à dire bonjour normalement ça serait vraiment pas mal.

 Une autre tape dans le dos accueillit sa proposition, ce qui faillit le faire chuter.

 — Tu n’en manques pas une toi ! Tu sais qu’il déteste les retardataires en plus !

 Guad se retourna vivement, prêt à bloquer le potentiel troisième coup qui partirait. Mais Locro semblait déjà passé à autre chose. Ce côté très naturel du grand gaillard était déstabilisant parfois. Mais il y avait tout de même une certaine fraicheur à côtoyer quelqu’un comme lui. Enfin, c’était le cas quand il vous avait à la bonne. De ses presque deux mètres de hauteur, sa carrure de mineur en imposait assez pour qu'on ne lui cherche pas querelle.

 Locro afficha un sourire radieux, faisant ainsi apparaitre deux fossettes. Sa bonne humeur était vraiment contagieuse et Guad ne put s’empêcher de lui rendre son sourire.

 — Alors, qu’est-ce qu’il t’a raconté de beau ? demanda le géant de sa voix de ténor.

 — Trois fois rien, répondit Guad d’une voix lasse, il m’a posé quelques questions avant de me laisser partir.

 Locro passa une main sur son crâne, ses yeux se perdant un instant dans le vide pendant qu'il réfléchissait.

 — Bizarre. J’ai croisé Kareth hier et elle m’a raconté la même chose que toi. Je me demande ce que ça veut dire.

 — Les deux fainéants là-bas, vociféra Oden au loin. Vous êtes ici pour miner la roche, pas pour bavarder ! Au boulot !

 — Pardon chef, lança Locro dans son dos en prenant sa pioche, Guad ne voulait pas s’arrêter de parler ! On s’y remet tout de suite !

 Sur ces mots, son ami se remit à l'ouvrage, un énorme sourire de satisfaction au visage.

 — Je te jure que si tu n’étais pas aussi grand que large, grommela le jeune homme, je t’aurais déjà cassé en deux.

 — Terrifiant, ricana Locro.

 Guad ne releva pas la moquerie et se remit au travail. Comme il avait hâte que cet après-midi se termine. Après une journée de travail si épuisante, une bonne nuit de sommeil lui ferait le plus grand bien.

 Sous la lumière des cristaux de la Gueule, le temps s’écoula lentement, accompagné par le bruit des pioches qui frappaient la pierre. Le jeune homme transpirait abondamment et ne pouvait retenir des grognements lorsqu’il jouait de son outil. Son esprit divaguait et, sans trop comprendre pourquoi, avait tendance à le ramener au temple.

 — Au fait, le prélat souhaite que tu viennes le voir tout à l’heure, se rappela Guad. Surement pour les mêmes raisons que Kareth et moi.

 — Avant ou après la prière collective ? répondit Locro en s’essuyant le front.

 — Il n’a pas précisé, mais je suppose avant la cérémonie, car il est très occupé en général le soir.

 — Je ferais mieux d’aller le voir directement après qu’on en ait fini pour aujourd’hui alors.

 — Ça tombe bien, dit Guad en pointant du doigt en direction de leur chef.

 — Fin de journée tout le monde ! lança-t-il assez fort pour être entendu de tous. On reprend demain matin aux premières lueurs cristallines, alors pas de retard. Que la Gueule vous protège.

 Guad et Locro posèrent leurs pioches dans la remise et repartirent vers la ville. Même de loin, la majesté du temple ressortait au-dessus des habitations. Le monument ne possédait que trois niveaux, mais un seul suffisait à dépasser n’importe quel bâtiment de la cité. De leur position, le sanctuaire ressemblait à une ruche géante avec toutes ses alcôves qui faisait le tour de chaque étage.

  Arrivé à l'entrée de la ville, Locro, un sourire aux coins des lèvres, asséna une tape à l'épaule de son ami et gagna le temple. Guad lui répondit d'un simple geste avant de se diriger vers chez lui. Il devait passer se changer avant la prière du soir, mais étrangement, il avait plutôt envie de se rendre directement à l’édifice religieux.

 Sur son chemin, les échoppes commençaient à se fermer. Hommes et femmes rentraient chez eux pour se préparer et rejoindre la prière collective. Le rituel rendait hommage à la Gueule et son amour pour le peuple, tous étaient conviés une fois par semaine.

 — Guad ? lança une voix féminine.

 Kareth Certafides, une amie de longue date, se dirigea vers lui en l’apercevant. Elle portait comme à son habitude la robe traditionnelle des disciples du temple, déjà prête pour la cérémonie.

 — Tiens Kareth, Locro m’a parlé de toi tout à l’heure.

 La jeune femme brune leva un sourcil interrogateur, ce qui souligna l’air inocent que son visage dégageait.

 — Tu as toi aussi discuté avec le prélat Duralle dans son bureau d’après ce qu’il m’a dit.

 — Toujours la langue trop pendue celui-là, rétorqua la disciple en levant son index avec autorité, il répète tout ce qui lui parvient aux oreilles. Je vais lui apprendre la prochaine fois à trop parler. Enfin bref, oui en effet. Rien d’extraordinaire, des questions sur ce que je pense de notre religion, de la Gueule et sur ma foi.

 Kareth était très pieuse. Pour Guad, l’interroger sur ses croyances n’avait pas vraiment de sens. Elle avait probablement récité mot pour mot ce que répétait jour après jour le prélat dans ses enseignements. La jeune femme, dressée sur la pointe des pieds, enfonça son doigt dans le torse de Guad.

 — Au lieu de partir dans tes pensées à te dire que ma réponse était inintéressante, dis-moi plutôt ce que toi tu as déclaré au prélat Duralle ?

 Entre Dalga et Kareth, Guad ne pouvait s’empêcher de se demander si les femmes n’étaient pas capables de lire les esprits par moment. Il savait que ce n’était pas le cas, mais cela l’interpelait tout de même. Il se racla la gorge pour cacher sa surprise.

 — Tu me connais Kareth, on en a pas mal discuté tous les quatre avec Locro et Dalga. J’ai foi en la Gueule. Simplement, j’ai du mal à ne pas penser au départ de mes parents quand j'étais enfant. C’est tout.

 La jeune femme afficha une mine boudeuse et retira son doigt du torse de Guad. Elle le jaugea du regard, comme si elle passait au peigne fin tout ce qui trottait dans la tête de son interlocuteur.

 — La Gueule est omnisciente, dit-elle, comme si elle récitait. Il est parfois difficile pour nous, simples êtres humains, de comprendre ce qu’elle veut.

 Guad ne put s'empêcher un petit rire, qui lui valut d’être foudroyé sur place par le regard de Kareth.

 — C’est mot pour mot ce que m’a dit le prélat à la fin de notre discussion.

 — Et il a raison, lui répondit son amie. Notre but ici-bas est de faire de notre mieux pour honorer la Gueule. Ce qui ne représente rien par rapport à tout ce qu’elle nous offre en échange.

 — C’est vrai, acquiesça Guad, mais c’est ainsi. Je ne pourrais jamais totalement me départir de ce sentiment qui me suit depuis mon enfance.

 Le son de la cloche de la ville interrompit la conversation pour signifier que la prière commencerait dans une heure.

 — Déjà ! s’exclama Kareth. Il faut que je me dépêche sinon je vais finir en retard. Désolé Guad, on continuera plus tard !

 — Aujourd’hui, c’est punition pot de chambre, donc tu ferais mieux de courir.

 Son amie écarquilla les yeux. Elle avait beau être une fervente croyante de l’église, ce genre de sanctions se révélait tout aussi dissuasif pour elle, que pour n'importe quel autre disciple. Elle salua Guad d’un geste de la main avant d’attraper le bas de sa robe et de foncer à toute allure vers le temple. Le jeune homme reprit sa route initiale vers chez lui.

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