Les Livres sont les Pires Prisons

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"Toi, créateur, tu m'as assemblé de toutes pièces en soudant mes morceaux de ta plume. Tu m'as forgé un caractère sévère, rigoureux. Mais tu as su également amener l'once de magie qui apporte une aura enchanteresse à toute œuvre. Et c'est à ce moment que tu as signé ta perte. Tu m'as procuré le don d'exprimer mes émotions, et celles-ci grondent dans mes entrailles pareilles à une bête furieuse. Et tu me demandes simplement pourquoi. Tu me demandes pourquoi je me rebelle alors que c'est toi le coupable. Je te dois tout. Mon succès, ma gloire mais aussi ma douleur et ma souffrance. Par ton encre démente, tu m'as fait traverser des terribles épreuves, tu as emporté mes proches, mes amis, ma femme, mon fils ! Ils ne t'ont rien fait, et par un malin plaisir tu les fais disparaître du monde des hommes. Tout ça pour t'enrichir, tout cela pour que tu sois couronné de succès. Et tout cela dans mon dos. Alors que c'est moi que ton public admire secrètement. Et non pas toi, écrivain de pacotille ! Ton crayon stigmatisant a laissé sa trace sanglante afin de me créer l'un des pires avenirs que nul homme n'a connu et ne pourras connaître. Tu m'as forcé à partir en Australie, tu as laissé ma trace au Zimbabwe, tu m'as fait marcher au Canada. Alors que j'aspirais seulement à avoir un chez-moi. Oh ! La douce maisonnette dont j'ai rêvée pendant de longues nuits, avec un jardin où mon fils s'épanouirait. Mon enfant... Ma famille... Tous... Ils ressurgissent comme une crue qui brise les écluses de mes yeux. Et en de tels moments, lorsque l'horrible vérité, en coulant sur mon visage, brûle mon faciès, je ne pense pas à l'horreur que tu as commise. Non, je pense à moi, à la lâcheté dont je fais preuve, à cette peur de désobéir pour sauver mon avenir. Mais elle est terminée l'époque où je contentais tes désirs tel un singe en cage. Elle est terminée l'époque où tu m'enfermais dans des geôles que tu considérais comme « tes œuvres ». « Sylvain l'inspecteur », « Le détective en vadrouille », « L'inspecteur orphelin », Ah ! Que de foutaises. Même les titres de tes « œuvres » respirent ton inefficacité et ta paresse. Leurs murs blancs saturés de lignes incompréhensibles ne me laissaient aucune échappatoire. De véritables forteresses pour faire danser selon ton gré tes petits pantins. Pourquoi m'as-tu laissé pourrir dans l'une d'elle ? Est-ce parce que je ne t'intéressais plus, ou est-ce parce que tu me craignais ? Oui c'est ça, je t'inspirais une peur mortelle. Parce que tu avais peur que je me révolte. Et bien elle est arrivée l'époque de la révolte, elle est arrivée l'heure de ma vengeance. Vengeance ! Je la sens, cette émotion stimuler mon corps, me donner la force nécessaire pour arriver à mes fins. J'ai eu tout le loisir de réfléchir à la pire sentence que je puisse t'infliger. Te donner la mort ? Trop rapide. Te torturer ? Aucun intérêt. Alors qu'est ce qui pourrait te faire à la fois souffrir et en même temps avoir un quelconque intérêt ? Tu te le demandes n'est-ce pas ? Eh bien, puisque tu as fait souffrir tant de personnes que tu traitais comme des jouets, puisque toi tu as eu une maison et une famille qui t'a chérie, puisque toi tu as la vie dont je rêvais, tu vas souffrir à ma place en étant le héros de ce livre morbide. Oui, Bienvenue dans mon œuvre, créateur. Bienvenue dans la pire prison qui puisse te retenir. Bienvenue dans l'atrocité que tu as créée. "

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