Chapitre 3 – Par-delà l’infini

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Le soir tombait sur la grande cité et Ian, après avoir dormi une partie de l’après-midi et mis en ordre certaines de ses affaires, se dirigeait tranquillement vers le bar de Tod. Il choisit une musique plus calme, pour pouvoir canaliser son énergie. Les violons de Oogway Ascends de Hans Zimmer l’accompagnaient dans son apaisement lorsqu’une fois de plus, la voix automatique du métro aérien le tira de sa rêverie. Il se promit, en maugréant, un jour, de pouvoir la faire taire.

Ian sortit de la rame, et quitta plutôt rapidement la station pour s’engouffrer dans la masse grouillante qui commençait à animer ce quartier branché. Peu avant sa destination, il stoppa son lecteur de musique, pour profiter de la musique du Dernier Bar. Il aimait bien l’ambiance musicale et plus particulièrement les goûts hétéroclites de son meilleur ami, à tel point qu’il demandait à Tod de remplir son lecteur audio avec des musiques qu’il diffusait dans le bar. Il sourit en pensant à la musique qui allait l’accueillir. Etrangement, pas d’accord survolté de guitare électrique cette fois-ci, ce fut les accords de guitare acoustique calmes du morceau Save My Life, de Raul Midón qui l’accueillirent. La salle principale du bar était étrangement vide, seuls quelques habitués étaient présents. Le tournoi de Counter-Strike devait battre son plein, en bas, pensa Ian.

Tod l’accueillit avec un grand sourire. "Soit il est au courant, soit il m’annoncera quelque chose", pensa Ian.

"Hé Cap’tain Walker !" cria Tod en préparant une pinte de bière et un diabolo grenadine, Ian n’allant pas tarder à deviner à qui ces boissons allaient être servies.
"Les nouvelles vont vite, à ce que je vois…" répondit Ian en souriant.

Son meilleur ami passa devant le comptoir et l’étreignit à lui briser les os. Puis, il annonça : "Les gars, ce soir c’est ma tournée en faveur de mon meilleur pote qui vient d’être réhabilité !"

Les habitués du bar manifestèrent leur joie à cette annonce. Ian ne put s’empêcher de demander :

"Mais tu as deviné comment que c’était bon ?
- Tu l’as dit, les nouvelles vont vite, et puis à la vue de ton dernier message…
- T’es aussi doué pour la déduction que moi en fait !"

La musique changea pour Dare, de Gorillaz. Une musique dynamique, aux accents pop, c’était presque ce qu’il fallait pour célébrer un évènement pareil. Nos deux compères parlèrent pendant quelques dizaines de minutes de tout et de rien, puis Tod annonça qu’il projetait de prendre quelques semaines de repos. Ian, surpris, répliqua :
"Mais qui tiendra le bar en ton absence ?
- Mon frère, Thomas" répondit Tod.
Celui-ci fit un signe de tête en direction d’Ian, qui le lui rendit.

Plus la discussion avançait, plus Ian avait l’impression de remonter le temps. Voilà à présent que le jukebox numérique du bar passait Funky Town de Lipps Inc. Finalement, après quelques discussions plutôt animées, un débat inutile qui concernaient entre autres les oranges et les citrons, quelques parties survoltées de Counter-Strike, qu’Ian remporta presque haut la main à chaque fois, et quelques pintes de bières vidées du côté de Tod, Ian prit congé de son meilleur ami deux bonnes heures plus tard, celui-ci refusant une fois de plus le billet que lui tendait Ian.

Quand celui-ci fut parti, Thomas, le frère de Tod, le questionna :
"Tu ne crois pas qu’il fallait lui annoncer, non ?
- Tu sais, il le découvrira tôt ou tard. Et puis je voulais le surprendre un peu.
- Espérons que ça marche… J’aimerais qu’il soit autant surpris que tu l’as été en lisant le message de mobilisation, tiens."

En effet, pour l’instant ça marchait, puisque Ian regagnait tranquillement son appartement, sans se douter une seule seconde que son meilleur ami pouvait lui cacher quelque chose. Il écoutait tranquillement un morceau d’un groupe qu’il avait découvert en concert dans le bar de Tod, Goodbye, de Look For Drums. Ian sourit, puisque d’ici quelques jours à peine, il dira "au revoir" à la Terre… Mais il fut sorti de ses pensées aussitôt rentré chez lui, par un Derpy miaulant à tue-tête son envie de croquettes.

Ce petit chat avait été trouvé par Ian, alors qu’il rentrait du Dernier Bar, un soir, et qu’il n’était qu’un petit chaton de quelques jours, abandonné à son triste sort. Il l’avait alors recueilli. Derpy était un chat qui ne demandait presque rien, et pour qui les missions dans l’espace lui importaient peu, tant qu’il avait une litière et des croquettes à disposition. Et aussi un peu d’attention, de temps en temps.

Il prit le kit de briefing et parcourut le dossier. Il aurait droit à l’un des meilleurs vaisseaux d’exploration de la flotte terrienne, des moyens à la hauteur de la mission qu’on lui assignait, et un équipage compétent. Cette mission comptait vraiment pour le gouvernement, pensa-t’il. Puis après une soirée "télé-poubelle" devant laquelle il s’endormit, Derpy ronronnant à ses côtés, Ian n’avait hâte que d’une chose : retourner dans l’espace.

Ce qu’il fit, d’ailleurs, en rêve, cette nuit-là. Il s’imaginait aux commandes d’un vaisseau amiral, ordonnant à sa flotte de guerre de faire feu sur les ennemis, puis il prit la place d’un pilote de chasseur, visiblement solitaire, zigzaguant à travers les vaisseaux et les débris divers, pourchassant un chasseur ennemi, lequel commençait à le semer. La petite taille de son chasseur était un avantage, et non pas sa vitesse brute.

L’ennemi était suffisamment loin pour qu’il puisse commencer à tirer, et Ian, instinctivement, évita le premier tir d’une manœuvre plutôt agile ; il commençait à comprendre comment allait se défendre son adversaire. Il en déduisit alors un plan d’attaque. Au moment où son adversaire allait tirer, Ian en profiterait pour se décaler. Un gros morceau de roche était juste derrière lui, il allait probablement exploser au contact du rayon laser tiré par son ennemi. A ce moment, Ian profiterait de la diversion de l’explosion pour se fondre dans l’amas de débris, passant tranquillement de roche en roche, jusqu’à ce que son adversaire ait baissé sa garde. A ce moment-là, il frapperait… son réveil, qui le tirait difficilement de ses divagations nocturnes. Il l’attrapa, le fit voler brutalement à travers sa chambre, et se redressa sur son lit, maugréant et bougonnant d’avoir été tiré aussi violemment d’une si belle rêverie.

Derpy, quant à lui, s’était redressé et regardait son maître avec des yeux ronds. Il avait sursauté quand le réveil de son maître lui était passé à ras de son crâne. Il avait alors miaulé et feulé cet objet qu’il avait failli se prendre en pleine tête.

Derpy se frotta à son maître en ronronnant, qui commençait à s’extirper difficilement de son lit. Le jour s’était levé depuis deux heures maintenant, et un message urgent trônait sur ses notifications. Il le lut, puis sourit. Le départ était avancé. Il avait rendez-vous au spatioport pour rencontrer l’équipage cet après-midi, puis le lendemain, ils partiraient dans le grand vide spatial, à la recherche d’un nouveau foyer pour l’humanité… La lecture de ce message l’entraîna dans des divagations.

En un siècle de voyages spatiaux, l’Homme a pu rencontrer d’autres races intelligentes. Et bien que les relations soient plus ou moins cordiales, elles l’ont vraiment été que depuis quelques années. L’humanité a manqué de peu de déclencher une guerre interstellaire, et pas qu’une seule fois. De ce fait, peu d’extraterrestres étaient autorisés à séjourner sur Terre, ne serait-ce que pour une courte période, et encore moins avaient le droit d’y vivre. Si jamais aucune planète n’était viable à l’humanité, aucun peuple extérieur à la Terre ne voudrait sûrement pas héberger les humains, et, fatalement, l’humanité s’éteindrait. Ça se comprend, pensait Ian. Vu le soin que les humains apportent à la Terre, quel peuple sensé aimerait qu’on prenne autant soin de leur planète autant que nous prenons soin de la nôtre ?

C’est sur cette pensée philosophique qu’Ian reçut un appel qui le tira net de sa divagation.

Pendant ce temps, le général Meyers était en visio-conférence avec quatre personnes visiblement masquées. L’une d’elles, celle tout à droite, posa une question à Meyers :

"Vous pensez que ce… Walker, vous dites… sera la solution à tous nos problèmes ? Non pas que je doute de vous, Meyers, et des compétences de votre… protégé, mais vous savez autant que moi que cette mission est primordiale pour notre survie." argua le premier interlocuteur.

Le général, visiblement agacé par les propos de celui-ci, répliqua :

"Primordiale pour vos profits, surtout. Le capitaine Walker est l’homme qu’il nous faut. Rappelez-vous notre accord, messieurs."

"Nous ne l’avons pas oublié, général, mais juste pour vous rappeler que nous aidons le gouvernement à financer cette expédition, et que l’on souhaite vraiment avoir ce que l’on nous a promis en retour, si tant est que vous en trouviez sur place. On espère cependant que ce Walker ne compromettra pas notre plan."

Oui, il le devait, il fallait placer Ian dans ce jeu d’échecs dont une seule et unique partie était possible. Non seulement la survie de l’humanité était en jeu, mais également ses richesses… Visiblement, même dans cette course pour la pérennité de l’humanité, l’argent prédominait encore sur l’instinct de survie. Monde de merde, pensa Meyers.

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