Chapitre 1 - Vers de nouveaux horizons

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Le jour venait de se coucher sur la grande ville, et tandis que le ciel se parait de son bleu nuit, et que les étoiles prenaient place telles de minuscules ampoules sur un immense mur bleu sombre, les lumières du spatioport, elles, s’allumaient, repoussant l’obscurité naissante de leur blanche clarté. Ce bâtiment avait accueilli des centaines de vaisseaux, et avait vu passer quelques non-terriens et des milliers d’hommes, dont l’un d’entre eux était allongé en ce moment même sur une colline surplombant le site. Les cheveux bruns et courts, les yeux bleu clair, souriant, un baladeur dans sa main droite et un casque audio sur les oreilles, il contemplait les étoiles. Il avait eu l’occasion de faire partie d’elles. Ce bâtiment lui était plus que familier. Il avait été comme sa seconde maison, avant qu’on le flanque à la porte, il y a deux ans de cela.

Ainsi était la vie de Ian Walker, 28 ans, ancien commandant de vaisseau de l’Unité Aéro-Spatiale.

La lumière se renforça autour de lui alors que la pleine lune fit sa timide apparition. C’est ce moment que choisit Ian pour se redresser, contemplant cet astre qu’il avait déjà approché au cours d’une de ses missions. Puis il se leva et quitta le calme de ces collines pour revenir vers l’agitation de la grande ville.

Cette immense ville tentaculaire, qui englobait la région parisienne tout entière, était découpée en secteurs, puis en arrondissements, et enfin, en quartiers. Le monde a bien changé en si peu de temps, pensa Ian. Il y a encore 30 ans, les Etats Unis, L’Europe et l’Asie existaient encore. Maintenant, n’existaient plus que les Amériques Unies, regroupant les anciennes Amériques du Nord et du Sud, l’Eurasie, sorte de grand mix entre l’Europe et les pays centre-européens, et qui englobait même la Russie depuis peu, L’Afrique Nouvelle, englobant entre autres l’ancien Moyen-Orient, et l’Asie Impériale, englobant l’ancienne Asie du Sud-Est, et avec elle l’Inde, la Corée, la Chine, le Japon, mais également l’ancienne Océanie, entre autres.

Ian prit un métro aérien à grande vitesse, qui, à cette heure-ci, était peu bondé. Il se posa sur un siège, remit son casque et se laissa bercer par le rythme de la batterie et les riffs de guitare endiablés du morceau qu’il écoutait. C’était un morceau de nu metal des années 2000, Across The Nation de The Union Underground. Il s’imagina pendant un instant en plein milieu d’une bataille spatiale, guidant son vaisseau tant bien que mal dans le chaos des tirs qui fusaient de toutes parts, donnant sans cesse des ordres à son équipage, qui les suivaient sans broncher... avant d’être brusquement tiré de sa rêverie par une voix désincarnée :

"Secteur 5, Nouvelle Europe" fit la voix synthétique pré-enregistrée.

"Merci, connasse", lui répondit-il bien qu’elle ne pouvait pas l’entendre, et encore moins lui répondre.

Avant de rentrer chez lui à l’autre bout du secteur 6, il avait l’habitude de passer dans un bar. Celui-ci appartenait à son meilleur ami, et ils passaient le plus clair de leur temps à siroter une quelconque boisson sans alcool en parlant de leur passé dans l’Unité Aéro-Spatiale, où encore à se lancer des compétitions sur des jeux vidéo divers et variés.

Le Dernier Bar, tel était son nom, en référence à une vieille série radio des années 1950, qui venait de fêter ses 85 ans, qui à cette époque alimentait déjà les rêves de nombreux pionniers de l’espace. Étant tout petit, il se laissait bercer les soirs par les aventures d’Arthur Dent qui parcourait l’Espace. C’était pour ça qu’il s’était engagé dans l’Union Aéro-Spatiale, pour pouvoir, alors, réaliser son rêve de gosse.

Ian sortit de la rame pour se diriger vers la sortie, évitant les quelque mendiants qui passaient dans les couloirs du métro venant demander de l’argent, laissa un dollar dans le chapeau d’un guitariste itinérant et s’engouffra dans la rue bondée. A cette heure-ci, les nombreux night-clubs et bars nocturnes étaient pris d’assaut par des jeunes avides de rencontres, de drogues, d’alcool et de sexe, se trémoussant sur des musiques aux lignes de basses maladives. Passant entre les files d’attente, il tourna dans une rue plus calme. Seuls quelques passants, visiblement déjà éméchés, se disputaient entre eux au coin de la rue.

Ian passa la porte d’un établissement à la devanture muni d’un poulpe. La musique était bien présente et la salle peu bondée. «Du Linkin Park», pensa-t’il en regardant l’écran où était présent le lecteur de musique comme pour confirmer ses pensées. Il fut interpellé par le gérant du bar :

"Ah, salut Ian, je te sers un p’tit verre ?"

Tod Mavrine, un gars fort bien bâti pour son âge, lui fit un signe de la main. Il avait quatre ans de moins qu’Ian, mais pourtant, il le dépassait d’une tête. Ils étaient amis depuis le jardin d’enfants, et quasiment inséparables. Sauf qu’au lieu de s’engager dans une carrière militaire, à l’instar d’Ian, Tod avait préféré servir l’U.A.S en tant que réserviste, ce qui lui avait permis de pouvoir tenir ce bar dans lequel Ian et lui-même avaient englouti bon nombre de leurs économies. Un projet de plus accompli ensemble.

"Oui mon pote, un…"
"Diabolo grenadine ?" répondit Tod, du tac au tac, en souriant.

C’était le truc qui pouvait le plus énerver Ian, savoir que son ami connaissait ses goûts par cœur. Mais lui ne se privait pas pour autant d’agir de la même manière à son égard.

"Tu me connais bien gamin, trop bien", lui répondit Ian en forçant sa voix pour la rendre plus grave, une voix de patron.

Tod sourit et prépara deux verres. Ian était comme son frère pour lui, normal qu’il le connaisse par cœur. Ça l’étonnait même qu’il réagisse encore comme ça après tant d’années à avoir agi comme ça avec lui.

"Voilà mon pote", dit-il en lui tendant le verre.

Il le prit et en but une gorgée. Cet endroit était apprécié des très rares voyageurs de l’espace ayant eu le droit de séjourner temporairement sur Terre, et d’une clientèle assez hétéroclite, passant des simples geeks qui profitaient du calme d’une des trois salles du bar pour jouer entre eux, aux simples ivrognes venant boire leur dose d’alcool quotidienne.

"Toujours pas de gars qui recherchent un pilote ?" demanda Ian, tout en profitant de la saveur sucrée du sirop et de l’acidité de la limonade.

"Nope mon pote, c’est calme, lui répondit Tod, sinon je t’en aurais déjà parlé."

Ian avait servi plus de 3 ans dans l’Union Aéro-Spatiale, au grade de capitaine de vaisseau, avant d’être remercié, deux ans auparavant, pour une faute qu’il n’a jamais commise. Depuis, il passait de mission d’intérim en mission d’intérim, sans avoir quitté une fois la Terre depuis cet incident. Le regard d’Ian se perdit dans son verre, alors que les bulles qui remontaient à la surface de son diabolo lui rappelaient les milliers d’étoiles qu’il avait eu l’occasion de contempler, et même de s’en approcher.

Tod perçut cet égarement, fit le tour du comptoir et prit Ian par les épaules :

"Tu verras mon pote, ça va s’arranger, t’as pas encore épuisé tous les recours”, dit-il alors qu’il prit un tabouret pour s’asseoir à ses côtés. “T’as encore une chance…"
"Chance de quoi ?" lui répondit-il. "C’est mort, je pense pas gagner. Me faudrait un miracle pour que ça se produise…"
"Quelquefois les miracles arrivent alors qu’on y croyait plus."
"Arrête ça, Tod, quand tu parles, on dirait ma grand-mère…" répliqua Ian en finissant son verre, souriant alors qu’il repensait à tous ces moments passés, Tod et lui, en garde chez sa grand-mère.

Tout d’un coup, la chaîne affichée sur l’écran de télévision lança son édition du soir de son journal télévisé.

"Tu peux mettre plus fort s’il te plaît ?" demanda Ian à Tod, lequel attrapa tout de suite la télécommande et monta le volume.

Le présentateur en costard-cravate noir commença à parler :

"... et messieurs, bonsoir, voici les titres de notre édition du soir. Le ministre du Travail a annoncé ce soir les chiffres du chômage en légère hausse mais qui continuent cependant de grimper, 15,05% des Français saont actuellement au chômage."
"Ça change pas", commenta-t’il.
"Greenpeace a manifesté dans les rues de la capitale contre l’ouverture de la dernière centrale à utiliser l’énergie propre Greenleaf. Plusieurs bannières mettaient en cause l’extrême toxicité d’un des composants du Greenleaf."
"Tiens, encore ces péquenauds ? argua Tod."
"Le général-en-chef de l’U.A.S a inauguré hier le lancement du plus grand vaisseau de commerce terrien…"
"Ça aurait dû être terminé il y a 2 ans ce projet, si ils n’avaient pas cherché à me virer", pesta Ian.
"T’exagères là..."
"Faits divers maintenant…"

Le présentateur fut brutalement coupé par le changement de chaîne. Tod remonta le volume de l’ordinateur qui diffusait la musique, et finit à son tour son verre.

"Bon ben je vais y aller, merci quand même”, lança Ian qui laissa un billet de 5 dollars sur la table. Tod se leva de son tabouret et le rappela :
"Ian, combien de fois je t’ai dit que je ne te ferais pas payer un seul verre ici ?"

Il était légèrement vexé. Ian fit demi-tour et reprit son billet. Lui aussi était vexé, mais faisait mine de ne pas l’être. En regardant son ami, Ian se rappela les heures passés, Tod et lui, à rénover le bar.
"Allez mon pote, à la prochaine !" dit Ian.
"Essaie de venir demain soir Ian, pour le concours de Counter-Strike !" lui répondit Tod, un sourire au visage.
"Mais je serai là mon pote, je compte bien te foutre la honte de ta vie !" répliqua ce dernier, souriant.

Puis il quitta le bar non sans avoir salué son ami. Il préférait ne pas s’attarder, car dans ce quartier, dans lequel était concentré les night-clubs et autres boîtes de nuit, les choses pouvaient dégénérer à tout moment, avec les fils à papa shootés, les toxicomanes et les ivrognes, toujours en quête d’oubli, de sensations, de liberté. Il ne mit pas longtemps à s’engouffrer dans le métro. Il remit son casque, son baladeur, et se laissa transporter par la musique.

La musique avait une signification toute particulière pour lui. La musique ne servait pas seulement à faire la fête, où à se changer les idées, elle est beaucoup plus que ça. La musique est remplie d’émotions créées par son compositeur. Entité vivante, elle transporte avec elle des sentiments qu’elle transmet à son auditeur, qui est libre de les ressentir ou non. C’était son opinion personnelle. Et tandis que son morceau se finissait, la voix désincarnée prit la parole :
"Secteur 6, Pacifique", annonça la voix.
"Ferme-la", répondit sèchement Ian.
Non, décidément, il ne pouvait toujours pas blairer cette voix.

Il sortit de la rame et s’engouffra vers la sortie numéro trois, celle la plus proche de chez lui. Il avait juste à traverser et il était en face. Lorsqu’il arriva au parvis de son immeuble, et qu’il tapa le code d’entrée sur l’écran de l’interphone, il ne remarqua pas qu’une porte d’une voiture officielle de l’Union Aéro-Spatiale stationnée dix mètres à côté de l’immeuble était ouverte, laissant en sortir un homme d’apparence âgé, de forte stature, et ostensiblement décoré, ses épaulettes laissaient suggérer un grade élevé. Malgré son âge, il était visiblement en excellente condition, puisqu’il parvint à courir pour retenir la porte à une seconde de sa fermeture sans être essoufflé. Il s’engouffra à la suite d’Ian dans la cage d’escalier, sans le rattraper. Celui-ci était déjà chez lui, en train de se dévêtir, lorsqu’une sonnerie l’interrompit dans son geste. Se demandant qui pouvait venir chez lui à une heure aussi tardive, il ouvrit la porte et il fut surpris de voir qu’un homme âgé, en uniforme, paré de ses décorations, se trouvait devant sa porte.

"Capitaine de vaisseau Walker ?" demanda-t’il.
"Général-en-chef Meyers. Que me vaut l’honneur de votre visite si tardive ?" répondit Ian.

A ces mots, le général-en-chef sourit, sortant de son attaché-case un dossier marqué d’un tampon "TOP SECRET". Ian ne pipa mot, visiblement étonné.

"Nous avons une nouvelle mission pour vous." annonça le général.

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