Hors-champ

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       Elle avait eu besoin d'air.

  Voir quelqu'un mourir avait quelque-chose de bizarre. Surtout ici.

           Elle laissa son regard se perdre dans l'horizon. Dans ce monde, où allait l'esprit ?

       Le corps, elle le savait pertinemment. Elle en avait si souvent vu s'évaporer. Dans quelques heures, celui de sa sœur disparaîtrait comme presque tous les autres et réapparaîtrait quelque part. Probablement dans un lieu où on l'avait souvent trouvée. Même pas un endroit qu'elle aimait, non. Plutôt le coin où elle avait le plus existé.

                N'importe quoi, ce monde.

   Elle avait regardé longtemps le cadavre abandonné par les soignants résignés - ou habitués - ou indifférents. Pour ce qu'elle en savait, ils étaient tous vides, comme tous les gens de ce putain de monde.

          Elle respira un grand coup, se gorgeant du soleil. Dans les parages, la vie se poursuivait, calme, monotone, comme si de rien n'était. L'image de sa sœur, les yeux éteints, insistait malgré le beau temps. Sa grande sœur. Morte. Comme leur mère, comme leur père... Enfin, leur père, c'était une autre affaire.

  Ce qui était sûr, c'est qu'elle se retrouvait seule, désormais, et cette certitude lui foutait un sacré mal de crâne.

                 L'air frais allégeait vaguement sa peine. Mais il faudrait trouver autre chose. Quelque chose de bien plus fort. Alors, quoi faire avant de se lancer à la recherche de sa sœur ? Boire jusqu'à s'exploser la gueule ou s'envoyer en l'air avec le ou la première venue ? Les deux peut-être ?

Ou simplement errer jusqu'aux limites du monde. Ou mieux : en sortir. Rejoindre les autres.

    Le temps était un peu trop beau. Elle le supportait de moins en moins. Sa sœur était morte. Maintenant seule, elle se disait qu'il serait peut-être temps de faire quelque chose de sa vie avant sa propre fin. Eviter qu'elle ne devienne aussi insipide que celle des membres de sa famille.

                     C'était décidé, si sa sœur réapparaissait, elle finirait sa quête. Elle lui devait bien ça.

   Leur père devait être quelque-part, caché dans ce monde. Ce grand monde qui s'étalait devant elle.

— Je finirai le boulot, sœurette. J'ai plus que ça à foutre de toute façon. J'ouvrirai la porte, tu verras. Je le trouverai, le vieux. Il me crachera les codes. Paix à ton âme, sœurette.

               Flamme de briquet. Elle alluma sa cigarette, leva la tête et souffla doucement la fumée vers les rares nuages.

— Regarde. Elle, au moins, ira au ciel.

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