Prologue

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Simon inspira une plus large bouffée d'air, se racla la gorge et, crispant un bref instant les doigts sur les bras de son fauteuil, se dressa face à l'assemblée. Le Club, ce soir, s'était réduit à une petite moitié de ses habitués : il fallait d'y attendre, beaucoup refusaient toujours de l'écouter...

Mais peu importait : pour ce qu’il avait à leur dire, il valait mieux un public qui lui soit d’emblée favorable… Il prit la parole :

- Bonsoir, mes amis. La lecture que je vous propose aujourd’hui déroge quelque peu à nos usages. D’abord parce qu’il ne s’agit pas d’une source antique, mais je ne vois ici que des esprits ouverts, conscients de la nécessité de laisser renaître nos lettres au bout des siècles obscurs qui sont derrière nous.

Une sourde approbation émana des rangées de sièges pliables : c’était le genre d’entrée en matière qui gagnait toujours une sympathie facile. Avant de reprendre, Simon contempla les visages engageants qui lui faisaient face : la salle de réunion était l’une des seules du secteur à jouir de cette belle lumière jaune. Il avait toujours pensé qu’elle contribuait à la sérénité que l’on y goûtait.

- Ensuite, parce que ce texte que j’aimerais vous soumettre, j’en suis moi-même l’auteur : ce sont les notes de mon Espace personnel prises tout au long de la saison passée.

Il n’avait pas terminé que la sympathie se dégradait déjà : des regards s’échangeaient, des sourcils se fronçaient… Lisan Gana leva la main :

- Mais enfin, Simon, tu sais bien que c’est en dehors de toutes nos règles ! Nous sommes ici pour la littérature, pas…

- … pas pour la politique ? Vous refusez donc à la littérature le droit de parler de politique, monsieur Gana ?

Simon baissa les yeux vers l’homme au premier rang qui venait de renvoyer à Lisan cette réponse un peu brusque : c’était Akar, le frère d’Amat, de Tahrir. Il lui fut reconnaissant d’avoir fait le déplacement. Mais il n’était pas question de le laisser transformer la réunion en meeting : l’enjeu était trop grand, il ne s’agissait plus de jouer. Il reprit :

- Nous sommes ici pour la littérature, Lisan, mais aussi pour donner à notre société le droit de produire sa propre littérature. J’ai bon espoir de vous convaincre que ce texte peut prétendre à ce titre. Et même si ce n’était pas le cas, j’espère encore que vous verrez en lui un bon témoin de notre époque, et singulièrement des récents événements…

Lisan se tut. Il l’avait calmé pour l’instant, et le reste de l’assistance semblait prêt à l’imiter. Akar lui fit un petit signe d’encouragement, et il tourna un bouton de son bracelet qu’il orienta vers le plafond : la lumière baissa à l’instant, et les premiers mots extraits de son Espace personnel surgirent dans l’air, brillants, et restèrent suspendus aux regards du public. Simon se mit à lire.

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