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Une fois le portail refermé, je passai quelques secondes le regard dans le vide à fixer la paroi rocheuse devant moi.

— C'est tout bleu ! s'exclama soudain Ian.

— La mousse, dit Arthur. C'est elle qui brille comme ça.

Je me retournai pour découvrir une immense caverne illuminée d'une lueur bleutée. De l'eau ruisselait doucement sur les parois recouvertes de mousse phosphorescente. Mes deux amis ressemblaient à des fantômes dans cet environnement.

— Ça part pas ! Ma main brille aussi maintenant !

— Tu n'aurais pas dû la toucher, dit le sorcier. On ne sait rien de ce monde, tout peut être dangereux ici.

Je frissonnai. La différence de température entre la nuit d’été que nous venions de quitter et cette grotte était notable.

— Sortons d'ici avant de geler ! dis-je.

— Je veux bien mais par où ?

Trois possibilités s'offraient à nous. Le passage droit devant s'enfonçait dans les profondeurs de la terre, le deuxième semblait se finir en cul-de-sac. Il ne restait plus que celui de gauche, le seul dont la pente paraissait remonter vers la surface. Je me dirigeai dans cette direction avec hésitation. Ian attira mon attention de l'autre côté.

— Regarde, là ! Il y a une flèche.

Il y avait en effet un symbole gravé dans la roche. Je passai mes doigts dessus, la mousse commençait déjà à le recouvrir. J'essuyai ma main sur mon pantalon mais la substance bleue continua à briller au bout de mes doigts. Ça picotait un peu mais je n'y prêtai plus attention.

— Mais c'est impossible de passer par là, dit Arthur.

— Ce signe n'est pas là par hasard. Quelqu'un est déjà venu ici avant nous.

Je m'approchai pour examiner le mur. La texture lisse de la glace me rappela celle du verre. Et je pouvais traverser le verre, Jake le savait. Si mon mentor avait, comme je le supposais, tracé cette flèche, d'autres indications devaient suivre. J'attrapai mon sac et en sortis une fiole de poudre que je frottai entre mes mains frigorifiées.

La paroi n'était pas aussi épaisse que je l'avais cru, à peine quelques centimètres nous séparaient de l'autre côté. Je la franchis sans difficulté avant de revenir, tout sourire.

— Il y a une sorte de gouffre. Et des marches qui remontent le long de la roche. On va pouvoir sortir !

Une fois tous les trois de l'autre côté, nous entreprîmes la longue ascension. Ici, seule la lumière du soleil au sommet du puits éclairait nos pas. La température avait augmenté mais l'atmosphère, toujours aussi saturée d'humidité, rendait les marches déjà en mauvais état encore plus glissantes.

Je fis une pause au milieu du chemin. Mes jambes me brûlaient et le sac à dos semblait peser une tonne. Ian était lui aussi essoufflé, ce qui n'était pas le cas d'Arthur.

— Tout va bien ?

— Oui, deux minutes et on continue !

Ian s'assit et commença à lancer des petits cailloux dans le trou qui nous faisait face. Je pouvais entendre le bruit qu'ils faisaient dans l'étendue d'eau tout au fond. Nos vêtements étaient trempés et on attraperait à coup sûr un bon rhume s'il ne faisait pas plus chaud dehors. Je me relevai.

— Allez, on repart !

Je passai la main sur une seconde flèche, inutile. Il était évident qu'il fallait continuer à monter. Et puis, Arthur se figea net devant moi. Je le poussai pour pouvoir moi aussi sortir la tête du sol.

— C'est…

— Ouah ! s'exclama Ian qui nous avait rejoints.

Nous nous trouvions au sommet d'une colline recouverte d'herbe jaunie. Le soleil brillait sur un paysage désert, à perte de vue. Devant nous, la plaine semblait infinie. Elle allait rencontrer le ciel d'un bleu limpide au loin. Rien n'arrêtait le regard et j'avais du mal à estimer les distances.

Je fis un tour sur moi-même. Sur notre gauche, une masse sombre occupait toute une partie de l'horizon. Je connaissais cette forêt, elle avait peuplé mes rêves durant de nombreuses nuits. Je souris : nous étions bel et bien à Lor !

Ian s'élança en bas de la colline, avança difficilement dans l'herbe qui m'arrivait aux genoux.

— Ne t'éloigne pas ! cria Arthur.

Je suivis l'enfant plus lentement. Le sac que je portais me sciait le dos et m'empêchait de garder l’équilibre. Je me demandai ce qu'Arthur avait bien pu y glisser. Des pierres ou quoi ?

Je découvris la raison de ce poids plus tard dans l'après-midi. Nous avancions péniblement dans la plaine sèche sous un soleil brûlant. La fraîcheur de la caverne était depuis longtemps oubliée et il n'y avait aucun coin d'ombre à l'horizon. Encore moins de source d'eau.

— Heureusement que j'y ai pensé ! dit le sorcier.

Il tendit une bouteille à Ian.

— Comment as-tu su qu'il ferait aussi chaud ?

— Mon mentor. Il aimait bien spéculer sur le monde de Hopper quand je n'étais qu'un enfant. Nous avions imaginé les scénarios les plus improbables : des bêtes féroces aux magiciens puissants. C'étaient de belles aventures…

— C'est tout de suite moins drôle aujourd'hui ! Je n'ai aucune envie de mourir de soif dans ce désert.

— Ne t'inquiète pas. Si on fait attention, on aura assez d'eau le temps d'atteindre les bois. C'est la nourriture qui va ensuite poser un problème.

— Pourquoi ?

— Parce qu'on ne sait pas si on peut manger ou non ce qui pousse ici. Es-tu certaine qu'il y a une ville quelque part ?

— Hopper avait bien rencontré les habitants de Lor, dis-je. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'on ne les trouve nous aussi !

Le premier soir, les arbres ne semblaient pas s'être rapprochés. J'avais l'impression d'écarter l'herbe sèche de mon chemin depuis une éternité. Mes paumes étaient pleines de petites coupures et je ne sentais plus mes pieds.

Une fois le soleil couché, la température baissa rapidement. La nuit s'annonçait froide et ce n'était pas la petite tente que nous avions emportée qui allait nous protéger du gel. Nous entreprîmes de ramasser le plus d'herbe possible pour faire un feu. C'était le seul combustible à notre disposition et je craignais que cela n'allait pas suffire à alimenter le feu. Mais les tiges s’avérèrent encore plus pratiques que le bois : elles brûlaient lentement et dégageaient une chaleur agréable.

Je regardai le feu danser, imaginai des motifs dans les différentes couleurs des flammes. C'était hypnotisant. Je m'émerveillai de la façon dont de si simples choses de la vie pouvaient être aussi étonnantes ; comment un simple feu pouvait créer des motifs et des couleurs qui changeaient au gré du vent.

Ian regardait les flammes avec suspicion.

— Pourquoi est-ce que le feu est rose ?

— C'est certainement dû à la composition des végétaux, suggéra Arthur.

— Ça ne me plaît pas trop, dis-je. On est visibles de loin dans cette plaine.

— Tu crois qu'il y a des animaux qui vont nous attaquer ? demanda Ian.

Le sorcier sourit. Il me tendit un sac de couchage.

— Pas sous ma garde, dit-il. Allez-vous coucher, on a encore un long chemin à parcourir demain.

Une fois le petit endormi dans la tente, je ressortis dans le froid mordant. Arthur était tranquillement assis dos au feu, et montait la garde comme il l'avait promis. La lune fit son apparition, illuminant le paysage de son éclat. Je regardai le disque argenté avec curiosité. Ce n'était pas la même lune que sur Terre, j'en étais certaine. Elle brillait plus fort et je ne reconnaissais pas les motifs qui courraient à sa surface. Je fus surprise lorsque j’en vis une seconde monter au-dessus de l'horizon. Elle était plus petite et brillait d'une lumière jaunâtre.

Je m'allongeai dans la végétation, les tiges bruissaient doucement à mes oreilles. Le ciel était d'un noir d'encre, sans aucune trace de la pollution lumineuse qui avait été mon quotidien en ville. Des milliers d'étoiles scintillaient comme des diamants, trop nombreuses pour que je puisse les compter.

— Tu vas attraper froid comme ça, dit Arthur.

Il me tendit une couverture. Je m'assis et m’emmitouflai dans la laine avec un long soupir.

— Qu'y a-t-il ?

— Les étoiles, dis-je. Elles me semblent familières mais je ne reconnais aucune constellation.

Il s'assit à côté de moi et leva les yeux, scrutant lui aussi le ciel.

— C'est parce que ce sont les mêmes, finit-il par dire.

— Comment ça ?

— Tu avais bien dit que le temps ne s'écoulait pas de la même façon à Lor que sur Terre, non ?

— Oui, un an sur Terre équivaut à deux ans et demi ici. Mais je ne vois pas où ça nous mène…

— Sur des millions d'années, le décalage a dû être encore plus important, tu ne crois pas ?

Je le regardai, surprise. Je reportai ensuite mon attention sur le firmament.

— Alors, ce qu'on voit là, c'est le ciel que verraient nos descendants sur Terre ?

Je rougis d’avoir formulé mon idée de cette manière. Heureusement, l’obscurité cachait le feu de mes joues. Je continuai maladroitement.

— C'est impressionnant ! Je me sens toute petite quand je pense à ça !

— Rien qu'une étincelle dans l'Univers immense, me sourit-il.

Je baillai.

— Va dormir maintenant. Tu en as bien besoin.

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