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Le lendemain, je fus réveillée par le soleil qui filtrait à travers la toile de la tente. Pour la première fois, aucun cauchemar n'était venu peupler mon sommeil et je me levai en pleine forme. J'avais hâte de découvrir ce que ce nouveau monde recelait comme merveilles !

Je sortis de la tente. Arthur était endormi près du foyer éteint. Je me demandai s'il avait réellement passé la nuit à surveiller le camp. Ian était quant à lui bien réveillé. Il scrutait le ciel d'une façon étrange. Je m’approchai.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Il y a des papillons ! Et ils sont immenses !

Je regardai autour de moi. Le ciel semblait désert, tout comme la plaine. Puis je vis les quatre insectes qui volaient paresseusement dans l'air frais du matin. C'étaient de magnifiques créatures aux ailes d'un noir intense. Les membranes soyeuses de plus de trois mètres d'envergure s'agitaient lentement dans la brise, avec de grands mouvements gracieux qui permettaient à leurs propriétaires de se maintenir à une vingtaine de mètres du sol.

— C'est vrai qu'ils sont beaux ! m'exclamai-je.

Ian les invita, main tendue, à se rapprocher de nous. Mais les insectes ne lui prêtèrent aucune attention et continuèrent leurs ballet sans un regard pour nous.

— Allons manger, dis-je finalement. Il faut se remettre en chemin si on veut atteindre la forêt avant demain.

— Mais j'en ai assez de marcher !

— Arrête de te plaindre ! Tu ne veux quand même pas passer ta vie dans cette plaine !

Je me penchai pour ranimer le feu et ce mouvement réveilla le sorcier.

— Bien dormi ? demanda-t-il en se frottant les yeux.

— Mieux que toi, je suppose, souris-je.

— Arthur ! Tu dois voir les papillons ! Viens !

— Quels papillons ?

— Oh, Ian a juste rencontré les premiers êtres vivants depuis notre arrivée. Tu devrais aller voir en effet ! Je vais faire du thé.

La marche reprit après le petit-déjeuner. Les sacs pesaient déjà moins lourd et l'herbe était plus basse, ce qui rendait la progression bien plus facile. Plus nous approchions de la forêt et plus les arbres prenaient de la hauteur. Leurs sommets se perdaient dans les nuages cotonneux qui avançaient dans le ciel. Les troncs gris formaient une paroi qui semblait infranchissable au premier abord mais je remarquai des passages tandis que nous approchions des géants. Le sol commença à devenir inégal, vu les racines immenses qui courraient sous nos pieds. L'ombre des arbres finit par s'étendre et cacher le soleil. La fraîcheur qui régnait à l'orée des bois était la bienvenue par ce temps étouffant.

Ian poussa soudain un cri et se précipita en avant. J'essayai de deviner ce qui excitait autant l'enfant avant de sentir un souffle puissant dans mes cheveux. Je levai la tête pour découvrir que les créatures du matin nous avaient suivis.

De près, leurs ailes sombres et brillantes étaient encore plus envoûtantes. Je rejoignis Ian qui s'était arrêté un peu plus loin, les quatre papillons tournaient dans l'air à peine quelques mètres au-dessus de nos têtes. Je plissai les yeux pour mieux les distinguer contre le ciel lumineux. Il tendit la main et je fis de même, tout sourire.

Soudain l'un des insectes piqua vers le bas avec un cri perçant. Je me jetai à terre, et entraînai l'enfant dans ma chute.

— Ils ont des dents ! s'exclama-t-il apeuré.

Je me relevai et entendis des mandibules claquer à mon oreille. Les autres monstres avaient eux aussi rejoint leur congénère !

— Courez ! cria Arthur. Sous les arbres !

Je me précipitai dans cette direction, Ian derrière moi. Les papillons firent un tonneau avant de repartir à l'attaque. Les buissons entravaient notre progression et nous ralentissaient. Mais les créatures ne nous lâchaient pas d'une semelle.

Une fois arrivés au niveau des troncs, nous nous jetâmes dans l'espace réduit que formaient les racines des arbres. Je continuai ma progression à quatre pattes, suivie de près par les deux autres. J'entendais encore les cris de nos poursuivants mais ils semblaient avoir abandonné la partie, incapables de nous suivre. Je m'extirpai de ma cachette, haletante.

— Mais que sont ces créatures ? m'exclamai-je.

Arthur et Ian me rejoignirent dans la petite clairière. Tout autour de nous, les troncs gigantesques crissaient doucement dans la pénombre. Je pouvais entendre le bruissement des feuilles quelque part loin au-dessus de nous. Je me calmai peu à peu, nous étions en sécurité. Pour le moment.

— Je crois que cet endroit n'est pas aussi amical qu'on le croyait, fit remarquer Arthur. Restons prudents.

La forêt ne ressemblait en rien à ce que je connaissais sur Terre. Les arbres géants à l'écorce grise étaient bien évidemment la différence la plus évidente. Mais il me fallut quelques minutes de marche entre leurs troncs et leurs racines pour mettre le doigt sur ce qui me perturbait le plus en ce lieu : le silence.

Il n'y avait pas la moindre trace d'un quelconque animal dans les environs. Aucun chant d'oiseau ne résonnait dans les bois et pas un insecte ne venait bourdonner autour de nous. Seuls les craquements des arbres rythmaient nos pas.

— C'est trop calme, m'inquiétai-je.

— Je l'ai remarqué aussi, répondit Arthur. Je ne crois pas que la forêt soit vide. Quelque chose doit faire fuir toute vie dans ce coin.

Nous fîmes halte vers midi dans l'espace dégagé par la chute d'un arbre. Je m'assis contre la souche à nos pieds et regardai autour de moi. Malgré le chemin parcouru, la forêt n'avait pas changé. Les troncs nous entouraient de toutes parts et semblaient s'étendre à l'infini.

Le silence omniprésent me perturbait et je n'étais pas la seule. Je remarquai le regard apeuré de Ian et Arthur paraissait lui aussi assez inquiet.

— Où est-ce qu'on va ? demanda le garçon.

— Vers le nord, répondis-je. Dans l'histoire de Hopper, c'est comme ça qu'il a fait pour trouver la ville. Alors on fait pareil.

— Mais comment tu sais où est le nord ?

— En regardant les troncs des arbres, dit Arthur. La mousse pousse toujours du côté où il fait le plus froid.

Le garçon s'approcha d'un des troncs pour le vérifier. Je soupirai avant de remettre le sac sur mes épaules et de reprendre la marche.

— Ça ne sert à rien de te presser comme ça. Nous ne serons pas sortis d'ici avant la nuit de toute façon.

Comme je ne souhaitais pas inquiéter Ian, j’évitai de répondre. Mais j'avais bien remarqué que l'état de nos provisions lassait à désirer. Nous n'avions toujours pas trouvé de source d'eau et rien de comestible ne poussait à l'ombre des arbres. Il nous fallait absolument quitter cette forêt le plus rapidement possible. Je soupirai. Lor ne ressemblait pas vraiment à mes attentes. Et dire que j’avais tant insisté pour parvenir jusqu'ici.

Je continuai à avancer distraitement, sans trébucher dans les nombreuses racines sous mes pas. Je pouvais sentir la brise sur mon visage pendant que je déambulais entre les troncs gigantesques. Je passai ma main sur l'écorce rugueuse. Une fleur d'un bleu intense attira mon regard. Une puissante sensation de déjà-vu s'empara de moi et je m'arrêtai. Je tournai la tête pour appeler Ian.

Et je vis l'air effrayé sur le visage de mes amis avant de sentir une brûlure à mon poignet.

— Aie ! Mais qu'est-ce que…

La liane avait attrapé mon bras et me tirait vers l'arbre. Deux autres tentacules fouettaient l'air autour de moi. Je paniquai et tentai de me dégager, mais en vain.

— Attends, ne bouge pas !

Arthur utilisa son couteau pour trancher net la plante qui m'avait capturée. Le morceau qui restait de détacha de ma main et les autres prolongements se rétractèrent avec des sifflements furieux.

— Ça va ?

Je regardai ma peau brûlée avant de reporter mon regard sur le visage du sorcier. Tout était flou autour de moi et je sentis ma tête tourner. Je voulus me retenir à quelque chose pour garder mon équilibre mais mes membres ne semblaient plus vouloir m'obéir.

Je tombai tête la première dans un gouffre noir.

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