Chapitre 11 : Le camp de la forêt

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Coucou :D Voici le chapitre 11 des aventures de notre cher oisillon à la découverte du grand méchant monde :3 J'espère que ce nouvel arc narratif vous plaira :D

LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE

Chapitre 11 : Le camp de la forêt

Nous crahaputions désormais dans la forêt. Iphranir me proposa gentiment de m’accompagner jusqu’à Méaaras, où je pourrais trouver de l’aide et, plus important pour moi, de quoi manger. J’avais accepté sans réfléchir : que pouvais-je bien faire d’autre de toute manière ? Sans aide, j’aurais sans aucun doute connu un destin tragique, dévoré par un animal sauvage, ou pire. Avec ma chance légendaire, j’aurais très bien pu me prendre le pied dans une racine et me briser la nuque au sol que ça n’aurait pas franchement été étonnant.

Notre destination se trouvait à deux jours de marche de là. Arc à la main, Iphranir menait notre expédition. Attentif à tous les bruits, il n’était pas rare qu’il nous pousse brutalement dans un buisson s’il pensait détecter un danger. Lorette marchait silencieusement dans ses pas. Sa silhouette fine dansait élégamment entre les branches sèches. Elle paraissait connaître chaque trou, chaque racine dans lequels nos pieds étaient susceptibles de se coincer… C’était loin d’être mon cas.

Les branches étroites m’avaient déjà arrachés plusieurs morceaux de ce qu’il me restait de vêtements et je me prenais les pieds dans toutes les racines qui avaient le malheure de croiser ma route. A n’en point douter, ce fut de ma faute si nous ne parvînmes pas à attraper de gibier ce jour-là. Ma discrétion était proche de celle d’un troll en rut. Il ne manquait plus que l’odeur nauséabonde pour m’accompagner… A bien y penser, elle m’accompagnait certainement. Je n’avais pas eu le temps de me nettoyer depuis un moment, et je n’osais pas vraiment examiner mon corps pour me rendre compte des dégâts causés par mon voyage dans les serres du griffon. Mon dos me faisait toujours mal, mais je tenais bon. Pas le temps pour les plaintes.

Lorette me lançait des regards de temps en temps, mi-moqueurs, mi-inquiets. Le rythme imposé, trop rapide, commençait sérieusement à me peser. Je marchais quelques mètres derrière eux et paniquait dès qu’ils tournaient derrière un gros arbre et que je les perdais de vue. Le jeune femme m’attendait patiemment. Je soupçonnais son père de lui en avoir confié la tâche. Iphranir ne se préoccupait pas vraiment de nous.


Au fur et à mesure du trajet, je commençai à échanger quelques mots avec la jeune elfe. Mon coeur bondissait dans ma poitrine à chaque fois qu’elle m’adressait la parole d’elle-même et je me surpris à penser que j’adorais sa compagnie. Elle avait beau me parler de sujets très étranges, tel que la couleur des feuilles et la manière dont elle s’en servait pour trouver le nord, je ne parvenais pas à la contredire. J’avais l’impression d’avoir été envoûté par une sorcière. Les philtres d’amour n’étaient que légendes urbaines, mais je ne doutais pas une seconde qu’ils puissent exister. De fil en aiguille, nous finirent par discuter de son peuple.

J’appris ainsi qu’ils vivaient ici depuis bien plus longtemps que les hommes et qu’ils vénéraient une déesse païenne appelée Dame Nature. J’admirais immédiatement cette philosophie de vie : ils n’avaient le droit de prélever à la forêt que ce dont ils avaient vraiment besoin. Les sacrifices, le ramassage des fruits, tout était calibré et planifié afin de ne pas mettre en colère la déesse. Dans les montagnes, on croyait davantage aux bienfaits de la survie. Je ne croyais pas spécialement en un ou plusieurs dieux comme les nains. Eux vénéraient la guerre, et un guerrier en particulier : Balgrüm. D’après leurs légendes, il gardait la porte d’un grand champ de batailles contre les autres dieux. Dès qu’un nain mourait, s’il avait effectué assez d’exploits guerriers pour le rendre fier, Balgrüm lui autorisait l’accès au champ de bataille. Je détestais cette histoire. Aucun homme, ou nain, ne devrait avoir à combattre dans l’au-delà. Ma nourrice avait eu son mari arraché par une guerre, et elle avait vécue malheureuse tout le reste de sa vie. Qui voudrait vivre de la guerre ?

Je dois t’étonner, cher public, mais c’est une réalité. La guerre n’est pas une question de modernité comme cherchent à nous en convaincre les monarques : c’est une histoire ancienne, bien plus ancienne que notre propre espèce, et qui ne se termine jamais. Les créatures de la terre sont des créatures de la guerre : orques, nains, humains, elfes. Quand nous sommes-nous tendus réellement la main ? Sans intérêts derrière ? Je pense qu’il s’agit d’une question dont il nous faut méditer. Serions-nous plus heureux sans la guerre ? Pourrions-nous seulement imaginer un monde sans la guerre ?


Nous nous égarons, cependant. Après une bonne nuit de sommeil, nous finîmes par gagner notre destination. Décrire Méaaras n’est pas une mince affaire. Il s’agit d’un des derniers endroits où la politique n’a pas d’emprise, encore aujourd’hui. A l’époque, ce campement perdu dans les cimes sauvages était fort peu grand. Une dizaine de tentes abritaient elfes, centaures, demi-élémentaires et toutes sortes d’autres créatures nourrie par le besoin de se retirer du monde. Il s’agissait d’un paradis, à n’en point doute. Les tentes bordaient un lac gigantesque sur lequel quelques bâtiments de bois se détachaient. Leurs silhouettes se reflétaient dans une eau claire et limpide, où des poissons bien plus gros que ce que l’on trouvait dans les lacs des montagnes nageaient paisiblement, peu inquiétés par l’activité qui les entouraient. Il s’agissait d’une des spécificités de la forêt de Querod : les animaux ne craignaient pas l’homme. De toute manière, la moitié des créatures de la forêt était capable d’en dévorer un, ce n’était donc pas franchement étonnant.

Iphranir nous guida vers des tentes reculées. Malgré leur avancée sociale, les différentes espèces gardaient toujours un écart les unes des autres. Je remarquais rapidement une certaine méfiance à mon égard dans les yeux des habitants des lieux. Mon regard curieux ne devait pas aider à les mettre à l’aise. Certains demi-élémentaires ont la peau de la même couleur que leur élément, ainsi, voir des hommes bleus ou verts était totalement inédit pour moi et je ne pouvais m’empêcher de les dévisager.

Les centaures, dont je connaissais désormais le nom, grâce à Iphranir, étaient en surnombre. J’eus un pincement au coeur pour celle que j’avais lâchement abandonné derrière moi. J’ose espérer qu’elle vit toujours dans sa prison de verdure, heureuse et cachée du monde. La robe de ces chevaux-humains était bien plus diversifiée que ce que je croyais. Ils avaient tous les attributs des chevaux classiques. J’en venais presque à me demander comment de telles créatures avaient pu voir le jour. Certainement un de ces contes horribles où un dieu se prit d’affection pour un animal au point de le prendre tout entier. Ces histoires m’avait toujours fait frissonner.

Nous nous installâmes dans une grande tente réservée aux elfes. Deux représentants de leur espèce y logeait. A en juger par les grandes embrassades qui s’effectuèrent devant moi, ils connaissaient Iphranir. Comme moi, Lorette se tenait un peu en arrière, intimidée. Puisque les retrouvailles s’éternisaient, elle me prit la main et me tira vers les couchettes du fond. Je la suivis sans broncher. Nous nous installèrent sur un lit improvisé, surélevé par du bois. Je n’avais jamais dormi que sur des paillasses, si bien que ce meuble fort luxueux me mit mal à l’aise. Pour moi, ce type de lit était réservé aux nobles, je n’avais rien à y faire. Lorette capta immédiatement le malaise.


“Il y a un problème ? demanda t-elle de sa voix fluette.

— C’est que… Je n’ai jamais dormi sur un vrai lit auparavant.”


Elle écarquilla les yeux de surprise, comme si je venais de lui dire que les papillons étaient en vérité des griffons miniatures. Pire, une certaine pitié se dégagea de son regard. Je détestais la pitié. Lorsque je voyageais avec le groupe de bandits, ils m’envoyaient souvent mandier en ville pour faire diversion pendant qu’ils volaient sur les étalages. Les regards que me lançaient les badauds me dégoutaient alors profondément : hypocrites, ils me lançaient des regards tristes avant de fuir la tête basse, sans se retourner. Cette sensation d’être un paria était la pire de toutes. J’espérais sincèrement ne plus jamais avoir à le faire de ma vie. Maintenant que j’étais jeune adulte, de toute manière, il y avait de bonnes chances que ça ne marche plus aussi bien. Il me paraissait déjà si loin le temps de l’enfance…

Son attitude me refroidit légèrement, de ce fait. Malheureusement, les elfes n’ont pas forcément la même conception des émotions que nous autres, humains. Elle ne comprit pas vraiment ce changement de comportement et chercha à se rattraper en changeant de sujet. Elle souleva délicatement ma chemise, ce qui me fit instantanément oublier tous mes problèmes. Un doux frisson remonta le long de ma colonne vertébrale alors que je me tournais vers elle, les yeux exorbités.


“Qu’est-ce que tu fais ?

— Tes blessures sont infectées, s’inquiéta t-elle. Je vais les nettoyer. Allonge-toi.”


Hypnotisé, je ne cherchai même pas à riposter et obéit. Elle posa ma tête sur ses genoux et se débarrassa du reste de mon haut. Elle sortit un petit bocal transparent de son imposant sac. Il contenait une gélatine verte étrange qui m’arracha une grimace d’appréhension. Cette chose ressemblait davantage à la soupe hideuse que me faisait avaler ma nourrice qu’à un produit pour désinfecter. Elle récupéra la crème dans ses doigt et étala la pâte sur mon dos. Elle était tiède, et me procura instantanément une sensation de bien être… Au point que je m’endormis lamentablement sur ses genoux. Après coup, je compris que c’était l’un des effets de la pommade. J’eus beau lutter, je finis par m’effondrer dans ses bras.

Lorsque j’émergeais, quelques heures plus tard, j’eus l’immense surprise de constater que Lorette se trouvait dans le même lit que moi. J’étais lové dans ses bras, et elle me tenait contre elle avec fermeté. Paniqué par ce rapprochement soudain, je relevais la tête.

Iphranir était assis sur une chaise, en face de moi. Ses yeux noisette réprobateurs étaient braqués dans ma direction. De toute évidence, je venais malgré moi de commettre une lourde erreur. Je lui offris un sourire désolé et remontait discrètement la couverture au-dessus de mon visage, honteux.

Dans quel pétrin venais-je encore de me fourrer...

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