Chapitre 12 : Visite guidée

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Coucou ! Voici le chapitre 12 des aventures de notre petit oiseau solitaire :3 Merci d'être toujours présents pour suivre ses aventures !

LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE

Chapitre 12 : Visite guidée

Le lendemain matin, malgré les courbatures et la douleur dans mon dos qui me lançais, je me sentais incroyablement bien. Le soleil était déjà haut dans le ciel à mon réveil et ces quelques heures de sommeil avaient été bénéfiques sur mon moral. Un morceau de pain, aussi gros qu’une brique, m’attendait sur la table de chevet avec un verre de lait. Même si je mourais de faim, je fis attention de manger lentement. J’enveloppai soigneusement le morceau restant, pour plus tard, avant de me lever.

A l’extérieur, le camp était en pleine effervescence. Des centaures promenaient des charrettes, des elfes s’en allaient vers la forêt. Chacun avait un rôle et savait comment le remplir. Ce n’était pas mon cas. Un peu perdu, je restai un moment à l’entrée de ma tente à les regarder s’agiter, vivre leur vie de tous les jours qui me paraissait si lointaine. J’avais tendance à oublier que j’avais connu ça, moi aussi, mais cela remontait à ce qui me semblait être une éternité. Déconnecté de ce réalité, je me sentais comme ces ermites qui s’éloignaient du monde pendant des années et ne parvenaient plus à s’y inclure. Depuis combien de temps n’avais-je pas pris part à la vie d’une ville ? Je ne le savais même plus. Ma vie de bandit, puis de vagabond, m’avait éloigné de tout et je m’en rendais compte maintenant.

Mon regard parcourut la foule avec inquiétude, à la recherche d’un point de repère pour me tirer de cette angoisse qui me rongeait les entrailles. Je ne tardais pas à le trouver. Devant un étal de fruits exotiques, Lorette se trouvait en pleine discussion avec le marchand. Le regard de son père me revint brièvement en mémoire, mais je ne pus le retrouver parmi tous ces visages inconnus. J’avais intérêt à faire attention à mes gestes avec la jeune femme, son géniteur paraissait être du genre protecteur. Je n’avais jamais eu de vraie figure paternelle. Même Armand, mon modèle jusqu’à présent, ne m’avait jamais montré plus d’affection que ça. Je ne comprenais pas vraiment cette volonté des hommes à tout posséder, y compris leurs enfants. Mais puisqu’il n’était pas là, je n’avais rien à craindre, pas vrai ?


Je traversai prudemment la voie bondée pour la rejoindre. Je ne mis que peu de temps à tomber sur les fesses, poussé violemment par un centaure et sa charrette. L’individu me gratifia d’une phrase dans cette langue si particulière qui était la sienne. A son visage et au ton de sa voix, je compris qu’il s’agissait d’une insulte. Je m’excusai d’un geste de main timide avant de reprendre la route. Tous les passants s’étaient tournés dans ma direction, je sentais leurs regards sur moi. Lorette m’attrapa le bras pour m’attirer vers elle et m’éloigner un peu de l’agitation ambiante.

L’odeur des fruits était exquise. Je n’en avais encore jamais vu de tels. Ils ressemblaient à des balles de cuir à la peau douce et poilue. Mon ventre gargouilla rien qu’à leur vue. De toute évidence, le petit-déjeuner n’avait pas suffit à calmer mon pauvre estomac.


“Tu as l’air d’aller mieux, me dit Lorette en souriant.”


Je tournai immédiatement la tête vers elle. Elle avait redressé ses cheveux noirs dans un chignon qui lui donnait un air plus mûr et mettait en avant ses yeux. Soudainement, je n’eus pu faim. Mes intestins venaient de se nouer de manière indescriptible. Comment cette fille réussissait-elle à me mettre dans cet état en seulement cinq mots ? Je réalisai brutalement que je la dévisageais depuis quelques secondes, la bouche ouverte et que la situation devait lui paraître gênante. Je secouai la tête. Je devais me reprendre.


“Oui, répondis-je d’une petite voix. J’avais besoin d’une bonne nuit de sommeil.

— Je sais, rit-elle. Tu as ronflé tellement fort que mon père a quitté la tente en pleine nuit pour aller dormir dehors. Mais tu es pardonné. Tu n’étais pas en bon état en arrivant hier. Père est parti chasser, il ne rentrera pas avant ce soir. Veux-tu visiter le camp ?”


Mes yeux ne quittaient pas ses lèvres si délicates des yeux. J’étais bien trop pudique pour oser m’en approcher, mais elles avaient quelque chose d’incroyablement fascinant. Elles étaient parfaites : ni trop grosses, ni trop fines, correctement proportionnées, d’un rouge pimpant comme celui des fraises des bois. Les fruits ne restaient jamais longtemps sur les buissons. Leur couleur irrésistible attirait tous les oiseaux qui les dévoraient avec passion et rapidité. Ces lèvres étaient aussi fraîches que les fraises des bois, prêtes à être mangées par le premier oiseau qui passerait. Je jalousais déjà le volatile qui aurait la chance d’y goûter.


“Adrick ?”


Je sursautai et relevai les yeux vers le reste de son visage. Mes joues se teintèrent de rouge alors que je détournais le regard. Je finis par prononcer un petit “Pourquoi pas” déformé par le manque de salive. Elle me sourit timidement avant de tendre une pièce au marchand. Il saisit les deux plus beaux fruits sur l’étal et les tendit à Lorette. Elle m’en tendit un et nous nous mîmes en route.


Méaaras était bien plus grand que ce que je croyais. Les tentes entouraient l’intégralité du lac Filmiur et se dispersaient un peu dans la forêt. Les trois quarts des personnes présentes ne séjournaient pas définitivement ici, si bien que la plupart des tentes et cabanes passaient entre les mains de différents voyageurs tous les jours. Le dernier quart, les habitants réguliers, été composé en majorité de l’espèce des centaures. Beaucoup d’entre eux vivaient encore à l’état sauvage à cette époque, mais la partie déjà apprivoisée par les elfes trouvait des avantages à vivre unie dans cette partie de la forêt. Le camp se trouvait proche de Lothariel, la grande capitale elfe, qui pouvait ainsi leur envoyer des soldats rapidement si les choses tournaient mal. Lorette m’apprit qu’en échange de leur protection, les centaures leur offrait leurs connaissances de l’astrologie et de la médecine. En quelques années, les deux peuples avaient beaucoup évolué, bien plus que n’importe quel peuple de Tyrnformen.

Parmi les centaures se trouvaient également quelques demi-élémentaires, reconnaissables facilement à la couleur particulière de leur peau. Certains me prirent pour l’un des leurs à cause de ma peau foncée. Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais réellement posé de questions sur pourquoi je n’étais pas blanc comme la majorité des gens des montagnes. Un demi-élémentaire m’expliqua ainsi que ma couleur “spéciale” pourrait venir d’une affiliation à la terre. Cependant, je n’avais encore jamais approché la magie d’une façon ou d’une autre et je doutais fort d’en être un jour capable. Si l’on en croit les vieux sages, les pouvoirs magiques sont innés. Je n’avais pas vraiment d’avis sur la question pour ma part. Puisque j’ignorais tout de mes parents, j’étais bien mal placé pour théoriser sur mes ancêtres. De plus, les demi-élémentaires renaissent après une mort prématurée, sur choix arbitraire d’une force inconnue, ou des dieux comme certains le croient. J’étais certains de n’avoir pas expérimenté la mort pour l’instant, cette théorie relevait donc de fantaisie pour moi. Au moins autant que la couleur verte qu’arbhorait la peau de cet étrange individu.

Notre visite se poursuivit dans la partie plus ancienne du camp, celle habitée quoi toute l’année. Méaaras n’avait pas de “chef” à proprement parler, mais quelques centaures et elfes importants organisaient la vie de tous les jours. Iphranir faisait partie d’entre eux, en tant que général elfe. A en juger par le respect évident que toutes les personnes que nous croisions entretenaient à l’égard de sa fille, je suspectais même qu’il s’agisse d’une des personnalités les plus importantes de ce lieu. Je ne connaissais pas grand chose de mes deux compagnons au fond, et je commençais à brûler d’envie d’en savoir plus sur eux. Cependant, trop timide, je préférais garder mes questions pour moi afin de ne pas importuner Lorette.


Elle m’emmena ensuite à l’infirmerie, pour faire examiner mes blessures. Cet endroit me fit froid dans le dos. Il s’agissait d’une petite cabane de bois sans fenêtres. Les quelques bougies illuminaient deux rangées de corps étendus sous des draps blancs. Les formes humaines poussaient une plainte de temps à autre, rare signe vital dans ce lieu vraisemblablement peu fréquenté. Le médecin qui m’examina me parut ne pas avoir dormi depuis plusieurs jours. De grandes cernes entouraient ses yeux et il tenait difficilement debout, le dos courbé. Il désinfecta mes plaies avant de me donner une poignée de feuilles bizarres à infuser tous les soirs pour tuer tout risque d’infection. Je n’avais encore jamais bu d’infusion de ma vie et Lorette le remarqua immédiatement à la décomposition de mon visage au fur et à mesure des explications du docteur. Elle me rassura en m’expliquant qu’elle m’aiderait à faire les premières.

Lorsque nous approchâmes de notre tente résidentielle, le soleil se couchait déjà. Nous avions marché toute la journée, et pourtant, je ne ressentais aucune fatigue. Je me sentais même bien. La compagnie de Lorette m’avait remonté le moral et je fus ravi d’apprendre qu’elle avait elle aussi apprécié de passer ces quelques heures en ma compagnie. Malheureusement, cette joie fut de bien courte durée. Iphranir était rentré. Installé près d’un feu de camp, il faisait rôtir des lapins. Au regard qu’il me lança, je devinai sans mal qu’il aurait préféré que je sois l’une des pauvres bêtes embrochées au dessus des flammes.


“Vous avez passé une bonne journée ? demanda t-il d’une voix d’où perçait le reproche.

— Oh oui, répondit Lorette. J’ai fait visité le camp à Adrick. Nous avons beaucoup discuté.

— Vous avez juste “discuté” ? reprit-il, sèchement.”


Lorette poussa un soupir lourd de sens. De toute évidence, ce n’était pas la première fois que son père faisait des remarques déplacées sur ses fréquentations. Pour ma part, je ne savais plus où me mettre. Je souriais de manière crispée, à moitié caché derrière elle en bon lâche que j’étais.


“Père, c’est un ami.

— Oui. Comme le dernier, et regarde dans quel état il t’as mis !”


Mon cœur se brisa en deux à cette révélation. En quelques secondes, je venais d’apprendre que je n’étais qu’un “ami” et qu’il y avait déjà eu un “dernier” petit ami. Si je l’avais pu, je me serais probablement enterré dans le sol. Ma naïveté venait encore de me jouer un drôle de tour. Etais-je à ce point débile pour avoir pensé une seconde que je l’intéressais vraiment ? Je ne la connaissais que depuis quelques jours !


“Ce n’était pas la même chose. Cette brute a tenté de m’embrasser de force. Et, à ce que je sache, tu voulais en faire mon mari.

— Lorette, ne me rejette pas la faute dessus ! C’était ta responsabilité !

— Assez ! Je ne veux pas en parler ce soir.”


Sans un mot, elle quitta la tente, les poings serrés. A découvert, je me retrouvai yeux dans les yeux avec le géniteur courroucé de ma petite amie imaginaire. Je toussais légèrement, très mal à l’aise. Je voulus parler pour m’excuser de je ne sais quoi, mais les seuls mots qui sortirent de ma bouche furent plus catastrophiques encore :


“Monsieur, je crois que vos lapins sont en train de brûler.”


Il braqua son regard sur moi. Heureusement que j’avais perdu l’habitude de me faire sur moi. S’échapper d’un nid de griffon ? Facile ! Faire face à ses responsabilités, c’était une autre affaire….

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