Chapitre 28

10 minutes de lecture

Taeliya regarda son compagnon au sol. La tête baissée, les larmes roulant sur ses joues. Il s’en voulait autant que Kaelis et elle le savait. Après autant d’années à leurs côtés, elle avait appris à les connaître.

La scène était aussi déchirante que surréaliste. N’était-ce pas la première fois que l’Oni pleurait ?

Elle posa sa main sur la tête du géant qui se raidit. Il leva son visage et lui prit la main afin de sentir contre lui la douceur de sa peau. La tiédeur de son corps qui l’appelait autant que son esprit et son cœur voulaient qu’il se lève pour la rejoindre.

Il posa sa bouche sur le dos de sa main. Son regard vairon s’éclaira enfin. Il y trouva cette lueur qu’il aimait tant. Elle était là, face à lui et en vie.

Il se leva enfin, s’installa sur le rebord du lit et elle vint se coller à lui pour qu’il la tienne contre son torse. Taeliya pleura enfin. Elle était avec les siens, presque chez elle.

Noah se recula pour prendre son visage entre ses larges paumes et, après quelques secondes à nager dans ce regard clair, il captura ses lèvres qui lui avaient aussi tellement manqué.

Sonia donna un coup de coude à Alexei et lui intima de prendre le moment en photo. Le jeune homme se fit aussi discret que possible et dégaina son téléphone pour immortaliser l’instant beaucoup trop poignant. Quelques reniflements lui firent tourner la tête. Le jeune homme pouvait voir que certains étaient en larmes. Les femmes tentaient de faire les fortes, mais la scène était si émouvante que finalement, ils craquèrent tous. 

Les démons lui donnèrent des frissons avec ce sourire figé sur le visage et le regard luisant.

— On peut enfin souffler, soupira Joe. La Princesse est de retour et le Prince des démons a retrouvé sa dulcinée.

— Prends garde cher ami, rétorqua Stein sur un ton théâtral. Ce Prince-là risque d’être encore plus insupportable maintenant qu’elle est de retour.

— Ça va, je vous dérange pas ? s’exclama le Prince en question, grondant méchamment.

— Tu vois ?

— Je prends note, je ferai attention.

Les rires fusèrent dans la chambre, mais Noah ne pouvait que lui donner raison. Maintenant qu’elle était revenue, il allait être pire que Cerbère. Il serait insupportable concernant la sécurité de sa belle. Taeliya rougit, mais s’accrocha au bras de son compagnon qui s’installa derrière elle, la laissant se reposer contre lui, dans ce cercle protecteur de ses bras.

— Kaelis, j’espère que tu m’entends, murmura-t-elle, merci.

Le corps de son compagnon vibra contre son dos, faisant office de réponse, elle sourit. Mais un visage étranger la fit se tendre.

Noah réagit immédiatement.

— C’est un journaliste que ton père a engagé, expliqua-t-il de sa voix sombre et posée.

— Un journaliste ? Papa ?

Ce dernier s’approcha et fit signe au jeune homme de venir près du lit.

— Bonjour Mademoiselle Carlington, fit ce dernier non sans rougir de timidité. Je… Je m’appelle Alexei Virgotov, je…  vo… 

Elle pouffa adorablement, envoûtant le jeune homme qui eut beaucoup de mal à ne pas rougir face à sa beauté.

— Le Boss l’a engagé pour prendre en photo le massacre afin d’en écrire un papier. Pour donner l’exemple… expliqua Kim qui sourit.

— Il était là ? lui demanda-t-elle.

— Oui, mais il ne t’a pas approché, répondit Stein. Carl t’as sorti de là avec Tristan.

— Merci, dit-elle en leur souriant. Désolée de t’avoir fait peur Tristan.

— Vous êtes réveillée, c’est tout ce dont j’ai besoin.

La jeune femme lui adressa un sourire chaleureux, faisant gémir les démons qui tentèrent autant qu’ils le pouvaient, de tempérer leur envie de la toucher. 

C’était sans compter sur son propre désir à vouloir les avoir contre elle. Taeliya leur tendit les bras d’elle-même. Chacun alla d’un nouvel échange, lui témoignant leur soulagement ainsi que la joie de la retrouver. Mais son inquiétude et curiosité vis-à-vis du jeune Alexei, perturba ce moment.

— Mon article n’est pas encore paru, il devrait sortir dans quelques minutes. dit-il. Ordre de votre père, Mademoiselle Carlington. Je suis content que vous soyez saine et sauve et enchanté de vous rencontrer.

La politesse du journaliste ravi la jeune femme qui restait, néanmoins, sur ses gardes.

— Je suis enchantée de vous rencontrer aussi. J’imagine qu’assister à… tout ça a dû vous traumatiser. Je m’en excuse. Je ne pensais pas que mon père engagerait quelqu’un pour tout prendre en photo.

— Ne vous-

— Il fallait que l’on en fasse un exemple ! gronda le concerné assis sur l’un des canapés de la chambre. Je n’allais pas laisser cette affaire sans agir.

— Je sais bien, mais tu aurais sans doute pu utiliser les aptitudes de Tristan ou de Kim pour ça.

— C’est moi qui ai ordonné à Tristan de partir avec toi. J’avais besoin de Kim sur place, avoua Noah contre son dos. Je voulais que personne ne se mette sur ton chemin pour aller à l’hôpital. Ton temps était compté et Tristan était tout indiqué pour te protéger, autant que Carl, ce sont les plus rapides.

— D’accord, d’accord… céda la jeune femme en soupirant.

— Ne vous excusez pas Mademoiselle. Personne n’a voulu faire le job hormis moi. Votre père semblait être dans une situation urgente et je viens juste d’obtenir mon diplôme.

— Et faire dans le morbide pour votre premier job ne vous a pas effrayé ? Quand bien même ce soit avec le clan le plus sanguinaire qui soit ? l’interrogea-t-elle curieuse.

— Oh si ! s’exclama-t-il, tremblant au souvenir de ce qu'avaient fait ces gens, le regard vide et sans esquisser le moindre sourire. Mais ils ont tenu parole.

— Vous protéger ? tenta-t-elle.

Surpris, il la dévisagea :

— Co… Comment vous le savez ?

— Rappelez-vous qui je suis, vous aurez la réponse. sourit-elle, faisant rire le clan.

— Oh… Effectivement.

Appréciant la douceur et la chaleur de la jeune femme, Alexei se prit à lui rendre son sourire, touché par la sollicitude de la jeune femme. Mais le démon installé derrière elle, reçut un appel sur son téléphone qui, une fois raccroché, le fit gronder violemment.

— Kim, allume la télé. Vous allez connaître votre moment de gloire Monsieur Virgotov. dit-il.

Le bras droit du démon attrapa la télécommande et l’alluma affichant les premières images de l’article d’Alexei.

« Messieurs Dames, bonjour. Nous venons de recevoir les premières informations concernant le feu de l’hôtel particulier Kingsley. Il s’avère qu’un journaliste était sur place pour prendre en photo ce carnage et nous expliquer la cause ! » s’exclama la présentatrice, accompagnée d’un collègue masculin.

Le silence se fit dans la chambre, tous avaient le regard tourné vers l’écran qui affichait des scènes dignes d’un film d’horreur de première catégorie. Les têtes sur le sol rougi par le sang, les corps épars, quelques vidéos avaient été prises et on pouvait entendre les cris d’effroi tout comme les remarques du couple vis-à-vis de Taeliya.

« C’est mon jouet ! Vous n’êtes rien sans elle Carlington ! »

« Peut-être bien, mais vous, vous n’êtes rien même avec ma fille. »

« Votre fille sera vendue ! »

« Essayez encore Kinglsey. Votre tête touchera le sol avant même que vous ayez réussi à le faire ! »

Chose promise, chose due.

La vidéo s’arrêta sur la décapitation du couple l’un en face de l’autre et sur la salle remplie de morts.

« Je… Veuillez m’excuser », fit la présentatrice soudainement mal à l’aise, probablement à cause de ce qu’Alexei avait montré, mais une dernière vidéo s’enclencha :

« J’espère, cher ami, que vous avez bien tout pris. »

« Oui Monsieur. »

« Alors le monde verra ce qu’il en coûte de s’en prendre au clan comme à ma fille. La mort la plus lente et déchirante qu’il soit. Ce soir, Kingsley est mort et tous ceux qui ont tenté de toucher ou même d’acheter ma fille, l’ont rejoint. C’est un avertissement déguisé en exemple pour tous ceux qui tenteraient leur chance à nous défier. »

Son regard était si violent que le jeune homme se recula contre le mur, la pression bestiale de l’Oni l’avait rejoint pour faire pression.

« B-Bien, euh… »

Le pauvre présentateur ne savait plus où se mettre, lui aussi victime de ces regards violents et oppressants.

« Nous n’avons pas pu entrer en contact avec le journaliste ni l’éditeur qui l’emploi pour avoir plus de détails sur l’affaire. Cependant, nous avons reçu un compte rendu détaillé de la soirée que nous vous… nous vous… Présentons. »

« La veille de la soirée, la fille de Stein Carlington, Taeliya Carington, sortait de l’université. Elle était en voiture quand elle a été percutée de plein fouet. Les deux hommes qui l’accompagnaient, l’ont sortie de la voiture alors qu’elle prenait feu mais ont été à leur tour assommé, et la jeune femme enlevée. Je n’ai pas de détails sur ce qu’il s’est passé après son enlèvement, hormis ceci : elle a été enchaînée, dans une cage à l’intérieur de laquelle avait été installé un lit. Elle a réussi à envoyer un message à son fiancé, que tout le monde connaît comme étant l’Oni, le bras droit du clan. Ce dernier, ainsi que le chef, ont pu préparer un plan de sauvetage et ont profité de la soirée de charité pour frapper fort. Cependant, quelques informations leur sont parvenues expliquant que le couple Kingsley comptait la vendre au plus offrant en tant que fille de joie. »

Taeliya se renfonça contre son compagnon, qui la maintenait contre son torse puissant et chaud.

«  Monsieur Carlington a accepté de me livrer quelques révélations sur sa fille et m’a autorisé à vous
présenter ceci… »

Entendre quelqu’un raconter son histoire, sa naissance, son enlèvement, la mort de sa mère, la vengeance de son père, les photos pédophiles, les dettes de sa « famille », leur suicide et sa vente… Puis la découverte de ses véritables origines, ses retrouvailles avec son père, tout ceci lui faisait mal. Elle ne pouvait trouver meilleur soutien que son compagnon et le regard de son père.

« Sachant cela, nous pouvons comprendre que le clan tout entiers se soit déplacé pour faire justice et détruire un réseau pédophile ainsi que de trafic d’êtres humains et de prostitution au détriment des lois. Monsieur Carlington a demandé, en arrivant, qui voulait l’accompagner pour immortaliser ce carnage. Mes compères ont décliné l’offre, mais il a su voir en moi quelque chose qui a fait que j’ai pu participer et vous livrer ceci, à sa demande. J’avoue que je ne suis pas très à l’aise avec tout ça… Mademoiselle est aujourd’hui hospitalisée et a dû subir une opération, à cause d’un traitement inhumain des plus violents que j’ai moi-même appris de la bouche des employés présents ce soir-là. Madame Kinglsey était une éternelle jalouse et femme violente qui refusait que Monsieur Carlington décline ses avances. Avoir Mademoiselle en tant que prisonnière lui avait sans doute donné beaucoup de raisons de la blesser sans se soucier des conséquences. Mademoiselle a été torturée autant physiquement que psychologiquement, elle a dû être habillée de façon… indécente. Pour le bon plaisir de ces pervers. Lavée tel un animal à froid, enfermée dans une cage et menottée… Mon compte rendu s’arrête ici. Monsieur Carlington refuse de témoigner plus que cela et je pense que c’est compréhensible. Sa fille a besoin de soin et de temps pour s’en remettre, mais son clan attend également qu’elle leur revienne. À plusieurs reprises, j’ai pu les entendre prononcer une phrase et je pense que celle-ci prendra tout son sens pour chacun qui tenterait de vouloir imiter ce couple aujourd’hui disparu : « Pour la Princesse ». »

Un long silence sur le plateau se répercuta sur chaque personne qui écoutait les informations. Donnant des frissons d’effroi à quiconque entendait ce qu’Alexei venait de dire ou ce qu’il leur avait montré par ses clichés et vidéos.

— Pour la Princesse, murmura Noah derrière Taeliya.

— Pour la Princesse, répétèrent chacun des membres, jusqu’à Stein et Alya mais également Alexei.

Seulement, Taeliya avait le visage tiré, le regard fermé, sa chaleur l’avait quitté, son sourire s’était effacé, elle semblait ne plus vivre hormis dans la douleur de son enlèvement.

— Je veux rentrer… souffla-t-elle.

— Encore quelques jours ma belle. Le temps que Joe et ses amis te rafistolent et après je te ramène à la maison, lui promit Noah.

Elle savait d’avance qu’elle ne pourrait échapper au séjour dans cet endroit qui sentait le désinfectant et la mort. Elle entendait depuis son lit, les gémissements des personnes blessées, endormies ou en fin de vie qui souhaitaient qu’on leur attribue l’ultime prière avant de quitter ce monde. Elle ne voulait pas rester, mais elle savait, d’expérience, que son père ne la laisserait pas seule. Noah et les démons seraient là, tout comme son clan. Mais une nouvelle peur s’insinua en elle : celle du retour à l’université. 

Le regard des autres sur elle, au moment où elle remettrait un pied dans le campus. Elle savait d’avance qu’elle ferait l’objet de nombreux ragots. Arriverait-elle à finir sa dernière année d’étude tranquillement ? Elle ne le savait pas… 

— Tout ira bien, entendit-elle murmurer à son oreille.

— J’ai peur.

— Je sais, mais je ne te lâcherai pas. Je serai dans ton ombre. Kaelis sera présent aussi, on te protégera.

— Quand tu parles comme ça, j’ai l’impression que tu vas entrer en moi pour me protéger depuis l’intérieur et sortir de mon ombre projetée sur le sol et les murs pour détruire tout sur mon passage… souffla-t-elle.

— C’est le cas.

Kim éteignit la télé, Taeliya sentit un long frisson lui remonter le long de la colonne, tel un serpent glacé qui cherchait à lui faire comprendre qu’à compter de cet instant, elle devrait survivre avec ses nouvelles peurs qui s’ajoutaient à celles qui n’étaient pas totalement parties.

Un nouveau défi prenait place. Saura-t-elle le relever ? Arriverait-elle à surmonter ce traumatisme et revenir à ce qu’elle était avant cette histoire ? Elle ne pouvait que compter sur elle cette fois-ci pour se donner le courage nécessaire afin d’y faire face.

Tu n’es pas seule Princesse, nous sommes là.

***

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Samarra Okayo ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0