Chapitre 1

10 minutes de lecture

Ça ne pouvait être qu’un terrible malentendu.

Dans la tête de la jeune fille, tout était embrouillé. Elle ? Vendue ? À qui ?
Pourquoi ?
Qu’avait bien pu faire sa famille pour qu’elle en soit arrivée à tout perdre d'un coup en plus de sa propre liberté ?

Une larme glissa le long de sa joue de porcelaine qu’elle s’empressa d’essuyer mais celle-ci fut très vite suivie par d’autres et dans un flot discontinu.

Le désespoir était maintenant la seule compagnie qui lui restait. Qu’allait-elle devenir ? Et qu’avait bien pu faire sa famille pour que des hommes en noirs ne viennent lui annoncer, sans état d’âme, qu’elle devait les suivre pour être présentée à son nouveau « Maître » ?

Dès l’instant où ils avaient sonné à sa porte, elle avait compris que quelque chose n’allait pas. Ô grand jamais elle ne se serait attendue à ça. Ils lui avaient accordé du temps pour empaqueter ses affaires et l’un d’eux eut la décence de lui emballer une photo de sa famille, ce serait le seul bibelot qu’elle serait autorisée à prendre avant de quitter sa maison maintenant dépouillée de tous ses meubles.

Elle s’était précipitée à l'étage, la peur au ventre, afin d’enfourner dans sa valise et son sac, tout ce qu'elle pouvait emporter.
Une femme l'avait suivie et s’était postée à l’entrée de sa pauvre chambre pour la surveiller au cas où elle déciderait de les fuir, mais Taeliya avait beaucoup trop peur et surtout n’avait personne chez qui se réfugier. Dans la rue ? Ils la trouveraient rapidement, la jeune fille avait une condition de santé très fragile. Autant obéir à ce qu’on lui disait au risque que le pire lui arrive aussi.

— Bon, t’as fini ? s’impatienta la femme en tapant des doigts contre ses avant-bras croisés devant elle.

— Je… Je crois que oui.

La jeune fille fit un dernier tour d’horizon, cherchant sans doute à savoir si elle avait oublié quelque chose, puis soudain s’affola.

— Oh non ! J’ai oublié quelque chose de très important !

La femme la regarda avec étonnement, la pauvre était si livide qu’elle risquait de leur claquer dans les doigts à tout moment.

— Dépêche-toi.

— C’est dans la cuisine. Je peux pas les prendre toute seule, lui confia-t-elle rouge de honte, le visage baissé vers ses chaussures.

— Vérifie d’abord que tu n’as rien oublié ici, on ira les chercher ensuite, indiqua la femme en soupirant.

Pauvre enfant, pensa-t-elle.

Elle la regarda faire un tour sur elle-même, lever les yeux au plafond puis empoigner sa valise et son sac pour sortir. La femme appela un des hommes en renfort pour porter ses affaires et ils la suivirent dans la cuisine.
Elle se précipita vers un des placards un peu trop haut et se débrouille pour grimper sur le plan de travail pour l’atteindre et en sortir une mallette de médecin où était inscrit son nom et dans lequel se trouvait son traitement et tout son passé médical.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Mon traitement médical.

— Ouvre.

Inquiète qu’on lui interdise jusqu’à se soigner, elle hésita mais dû se résoudre à l’ouvrir.
La femme prit la feuille de prescription, nota le nom du médecin et de l’hôpital, pris une photo du tout et l’envoya à quelqu’un.

Elle reçut une réponse qui lui brisa le cœur.

Pauvre enfant

— Ferme ça, ordonna-t-elle. On y va.

Timidement, Elle ferma la mallette et la garda contre son cœur avant de leur emboîter le pas. Une fois dehors, elle se tourna vers sa maison, versa sa dernière larme puis grimpa dans la berline noire qui démarra rapidement.

Sur le trajet, Taeliya gardait la tête baissée, tentant de refouler autant qu’elle le pouvait, les larmes qui menaçaient de couler de nouveau sur ses joues. Elle tentait de se convaincre d’être forte et que tout irait bien pour elle, mais l’inconnu lui faisait peur.

Ce n’est que quand elle osa demander où on la conduisait qu’on lui répondît ce qu’elle craignait :

— Tu vas travailler au Carlington Hotel.

Elle se figea en entendant le nom de cet endroit dont lui avait si souvent parlé son frère en panique. Le complexe avait une réputation de luxe mais un côté bien plus sombre, tout comme son fondateur qui se trouvait être le chef d’un des plus grands clans de mafieux du pays.

Stein Carlington. Un homme d’une quarantaine d'années, impitoyable et violent.

Elle se mit à frissonner et chercha à se raccrocher à quelque chose pour garder les pieds sur terre. Elle serra contre elle sa valise médicale comme pour se donner du courage mais à mesure qu’ils se rapprochaient de leur destination, elle espérait tout de même que les rumeurs soient fausses.

La berline s’engouffra dans une descente de parking souterrain et se gara devant un ascenseur. Ils sortirent et elle fut obligée de les suivre. On l’amena vers une grande salle où étaient réuni plusieurs filles et femmes affublées d’une tenue de femme de ménage. Elles l’épiaient de façon intrigante voir méchante, se demandant qui elle était et ce qu’elle faisait là.

Taeliya se posait aussi la question.

— Assis toi là, indiqua la femme en lui montrant une chaise. Tu ne bouges pas, le patron est en rendez-vous, il te verra quand il aura fini.

La jeune fille hocha la tête, le corps tremblant de peur, de froid et d’une crise d’angoisse sous-jacente.

Elle regarda l’heure sur l’horloge. Il était presque l’heure pour elle de prendre ses médicaments. Mais la laisserait-on prendre son traitement ? C’est tremblante qu’elle tenta de s’adresser à la femme avant que des curieuses ne s'approchent pour la détailler.

— C’est qui ? Une nouvelle ?

— C'est pas tes affaires ! gronda un des hommes affalé sur une banquette.

— C'est quoi ça ? Pourquoi tu tiens ça aussi fort ?

La femme trop curieuse tenta de lui arracher sa mallette, mais là panique et ce besoin de vivre donnèrent de la force à la jeune fille qui s’y agrippa.

— Lâchez ça s’il vous plaît ! s’écria-t-elle de sa petite voix tremblante.

— Mais c’est une souris ! pouffa la femme qui tentait toujours de lui prendre sa mallette.

— Je vous en supplie…

Soudain, le manque d’air l’affaiblit dangereusement. Sa vision se troubla, son cœur allait lâcher. Elle se mit à suer énormément et sentit que tout son corps allait basculer dans les abîmes quand soudain, un coup parti, la femme fut projetée au loin en criant.

— Hé petite ! s’exclama un des hommes qui étaient venus la chercher. Hé ! Tu m’entends ? Qu’est-ce que tu as ?!

— Ma… Ma…

— Ta quoi ? Hé les gars elle va clamser ! Faut faire quelque chose !

— pousse-toi, fit une voix grave.

— Oh Joe ! Elle est à deux doigts de lâcher !

— Je sais, Sonia m’a prévenu qu’elle avait une condition à risque. Où est sa mallette ? Elle m’a envoyé les photos.
— Quel con… La mallette ! Tiens.

L’homme récupéra l’objet en question, la posa sur la table et l’ouvrit pour que le médecin du clan puisse faire le nécessaire pour elle.

— Allonge-la sur le canapé. Il faut lui faire des injections d’urgence sinon elle est bonne pour le sapin, indiqua le dénommé Joe en préparant les doses indiquées par les feuilles du médecin qui la suivait.

Ni une ni deux, le mafieux qui l’avait séparé des femmes, la prit dans ses bras mais s’inquiéta de sa légèreté, il l’allongea sur le canapé où lui-même avait été avachi quelques instants plus tôt.

Le médecin s’approcha et commença l’intervention d’urgence.

La mafieuse arriva accompagnée d’un homme imposant à l’aura violente.

— Qu’est-ce qu’il ce passe ici ? demanda-t-elle, sourcils froncés.

— Ah Sonia, tu peux venir m’aider, l’appela le mafieux qui tentait de garder la petite allongée.

— Merde ! pesta la femme en marchant vers eux. Qu’est-ce qu’elle a ?

Son collègue lui raconta la scène et la concernée sentit sa vie prendre fin sur l’instant.

— Sonia, tu veux bien rester avec l’enfant ? Je vais m’entretenir avec celle-ci, s’exclama calmement et avec sourire, le grand patron. Eli, tu veux bien aider Madame à se relever ?

L’homme quitta le canapé et vint attraper le bras de la femme pour la tirer sans ménagement l’embarquant dans un couloir.

Taeliya se mit à suffoquer et perdit connaissance quand toutes les doses furent injectées. Joe décida de l’emporter à l’infirmerie afin qu’elle s’y repose. Sonia attrapa les affaires de la petite et le suivit.

C’est une fois dans la pièce qu’il s’affaira à la mettre sous perfusion tandis que la femme borda le lit et retapa ses coussins.

— Elle va s’en sortir ?

— Nous avons été assez rapides à réagir, elle ne devrait plus être en danger. Toutefois, je vais contacter un ami de l’hôpital international pour avoir son dossier complet.

— Pauvre petite, elle est mal tombée…

— Ce n’est pas celle dont la famille s’est suicidée à cause des dettes ?

— Si. Ils l’ont vendu au patron pour rembourser ce qu’ils lui devaient, mais il n’en tirera rien. Elle est trop faible pour survivre ici.

— Le connaissant, s’il la prise, c’est pas pour rien.

— Pauvre petite… Je sais pas ce qui lui a pris de vouloir lui arracher sa mallette.

— La jalousie ? Elle est assez ancienne, elle a peut-être vu là une occasion d’asseoir son autorité sur cette enfant et de montrer aux autres qui commande. Cependant, c’était très dangereux, mais je doute que ça lui serve de leçon. Il ne la gardera pas en vie.

Taeliya fit un rêve. Celui où sa famille et son frère étaient vivants, la suppliant de leur pardonner, d’excuser leur lâcheté et qu’elle devait faire en sorte de rembourser ce qu’ils devaient à Carlington. Mais elle avait beau tenter de comprendre, elle se retrouvait incapable de s’approcher pour les entendre ou les toucher.

« Tu dois survivre ! » lui avait crié sa mère au comble du désespoir, le canon sur la tempe.

Elle revit alors ce jour funeste où ses parents s’étaient donnés la mort devant elle et où son frère avait fui pour être retrouvé pendu dans la forêt derrière chez eux.
Les larmes coulèrent sans retenue. Elle pleura, hurlant son désespoir, ses peurs et la douleur des pertes. Elle se mit à hurler si fort, qu’elle se réveilla d’un coup, secouée par deux mains manucurées.

— Hé petite ! Réveille-toi, tu faisais un cauchemar.

Un cauchemar ? Oui elle en faisait un depuis ce fameux jour et il ne la quittait pas. Quand ses yeux s’ouvrirent, elle découvrit la mafieuse qui la tenait par les épaules.

— Tout va bien, le toubib t’as sauvé, lui dit-elle alors que Taeliya regardait partout autour d’elle, cherchant à savoir où elle se trouvait.

— Tu es à l’infirmerie, entendit-elle au loin.

Elle tourna la tête vers un homme grand, carré et portant une paire de lunettes en acier.

Il s’approcha du lit que la femme quitta pour se mettre en retrait le temps qu’il l’ausculte.

— Comment tu te sens ? Pas de vertiges ? Ni de nausées ?

Elle fit non de la tête.

— Tu as mal à la gorge ?

— Après avoir crié comme une damnée elle doit avoir les cordes cassées, fit remarquer la femme.

— Sonia, tu peux aller chercher à boire ?

— Bien sûr.

Elle quitta son champ de vision, ce qui laissa le temps au médecin de lui poser d’autres questions, mais sa voix refusait de revenir.

— Je m’appelle Joe, je suis le médecin du clan. Je suppose que tu sais où tu es et pourquoi tu y es.

La jeune fille hocha la tête.

— Tiens, bois ça, fit la femme en revenant, une tasse chaude dans les mains, c’est du thé avec du miel. Au fait, moi c’est Sonia.

Taeliya lui prit délicatement la tasse mais son manque de force failli la lui faire renverser.

— Prends ton temps, lui indiqua Joe en laissant sa place à Sonia qui tint la tasse, aidant la petite à boire doucement.

Après quelques gorgées, Taeliya tenta de prononcer au moins un merci, mais rien ne vint. Sa mère lui avait appris la politesse, alors elle mima un papier et un stylo que le médecin lui ramena. Elle tenta à nouveau d’écrire correctement malgré ses tremblements.

« Merci beaucoup. Je sais où je suis et pourquoi, mais j’ai peur. Je m’appelle Taeliya Gordon »

Les deux mafieux se regardèrent puis lui sourirent. Étrange sensation qui contrastait avec cette aura sanglante et sombre qui les caractérisait.

— Je suis la femme de Joe, le médecin du clan, expliqua la femme posément.

Taeliya sursauta en apprenant l’information. Elle le leur fit comprendre en leur envoyant un regard interloqué, ce qui les fit bien rire.

Mais ce moment de paix s’arrêta net quand on toqua à la porte de l’infirmerie.

— Elle est réveillée ?

— Oui.

— Le patron veut la voir.

— Okay, on arrive.

Elle se leva et attendit que Taeliya descende du lit, mais à peine ses pieds touchèrent le sol qu’elle perdit l’équilibre et chuta. Sonia la rattrapa de justesse.

— Je vais chercher le fauteuil, déclara Joe devant la mine honteuse et affolée de la jeune fille qui se battait contre de nouvelles larmes dans les bras de Sonia.

— Respire ma belle, tout va bien. C’est normal, tu es affaibli, ça ira mieux t’en fait pas. Regarde Joe va t’aider à t'installer.

Le médecin arriva avec un fauteuil roulant en bon état, il l’attrapa sous les aisselles et la porta pour la poser dedans. Sa légèreté alarma le médecin qui le nota dans un coin de sa tête. Il posa un plaid sur elle pour la réchauffer et ils suivirent l'homme venu les chercher.

Elle allait faire la rencontre du grand patron et cela lui faisait peur. Qu’était-il arrivé à la femme qui avait voulu lui arracher sa mallette ? L’avait-il tué ? Châtié ? Elle sentit une envie de vomir lui brouiller l’estomac. Mais elle devait faire face à tout ça. Elle avait été vendue à cet homme pour régler des dettes dont elle n’avait jamais entendu parler. Elle était maintenant dans l’antre du diable et de ses sbires.

Même si elle remerciait Sonia et Joe pour leur gentillesse, elle ne pouvait oublier qui ils étaient et pour qui ils travaillaient.

Et c’est une fois devant les deux lourdes portes noires que son destin allait se jouer et qu’elle sera définitivement une esclave de clan.

***

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Samarra Okayo ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0