Chapitre 5

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Le lendemain matin, mon corps me faisait un peu moins souffrir que la veille. J'avais si bien dormi que je me sentais en forme pour affronter la journée. Sans compter que j'étais surexcité à l'idée de commencer la partie la plus intéressante de la formation : le combat ! J'eus d'ailleurs du mal à me concentrer sur les leçons du matin.

Comme à son habitude, Nayru manqua de peu d'arriver en retard l'après-midi, ce qui lui attira un regard courroucé d'Ela.

— Comme je vous en avais parlé, commença Ela, alors qu'il s'installait, nous allons commencer par les bases du combat.

Enriel claqua sa langue contre son palais d'agacement, presque discrètement. Je levais les yeux au ciel : il n'était jamais content celui-là. Je lui lançais un regard noir auquel il répondit par un haussement de sourcil. Moi qui pensais que notre soirée ensemble nous avait un peu rapproché... Je compris que devenir ami avec lui serait un challenge tous les jours.

— Vous allez travailler par deux aujourd'hui, annonça Ela.

Quelques regards s'échangèrent avant qu'elle ne nous interrompe :

— Pas si vite, c'est moi qui fait les duos !

Elle nous observa un à un, étudiant les possibilités.

— Shann et moi avons l'habitude de travailler ensemble, dit Lanelle. On pourrait...

— Il vaut mieux vous séparer, coupa Delnan, vous devez sortir de vos habitudes. Sinon, vous ne serez bon qu'à combattre un seul type d'adversaire.

— Il a raison, approuva Ela.

Lanelle tenta de cacher sa déception avec un sourire timide. Elle semblait mal à l'aise à chaque fois qu'on lui demandait de prendre un autre partenaire que son frère.

— Vous devrez affronter des adversaires avec des styles de combats variés. Ne vous enfermez pas dans une routine. La polyvalence et votre capacité d’adaptation seront vos plus grands alliés en combat.

— Si je peux éviter de me retrouver avec les traînards de l'équipe... marmonna Enriel.

— Je peux savoir de qui tu parles de cette façon, m'énervais-je.

— Pourquoi ? Tu te sens visée ? se moqua-t-il.

— Ça suffit ! hurla Ela. Vous allez la fermer ou c'est moi qui vais m'en occuper !

Un silence pesant s'installa.

— Parfais. Kaely, Enriel, vous allez vous mettre ensemble et tâcher de vous entendre.

Je jetais un regard noir à mon adversaire, qui l'ignora. Je fronçais les sourcils : pourquoi me punissait-elle en me mettant avec lui alors que je n’avais rien fait ?

— Delnan et Zelen, deuxième groupe. Nayru et Lanelle puis Shann et Amali. Oui, c’est bien comme ça, commenta-t-elle pour elle-même.

Chaque duo se plaça côte à côte et attendit calmement les instructions.

— Tout le monde est droitier ? demanda Ela.

Tout le monde acquiesça, sauf Zelen :

— Non, je suis gaucher, précisa-t-il.

— Dans cas, tu devra te positionner à l’inverse de nous.

Il hocha la tête pour signifier qu'il avait compris.

— Nous allons commencer avec la position de base du combat. Tout en gardant l'écartement de vos hanches, vous allez avancer légèrement le pied gauche et reculer le droit.

Elle nous montrait la position tout en parlant.

— Gardez le buste bien droit ! Maintenant, on fléchit un peu les genoux et on lève les bras dans cette position, dit-elle en mimant une garde. Vous saurez si vous avez la bonne position si vous restez stable et équilibré, même lorsque quelqu’un vous pousse.

Elle se rapprocha de Delnan, qui avait prit la position. Lorsqu’elle poussa sur son épaule, il bougeât légèrement mais demeura stable. Elle fit de même en le poussant dans le dos, et il ne cilla même pas.

— Comme vous le voyez, sa position est correcte. Allez, entraînez-vous avec votre partenaire, et corrigez-vous l'un l'autre.

Enriel commença, l’air sûr de lui. Je n’eus même pas le temps de tester son équilibre qu’Ela le corrigea :

— Enriel, fléchis tes jambes, fainéant !

Je gardais une remarque cinglante alors qu'il obéissait. Puis, je testais sa stabilité, comme l'avait fait Ela juste avant. Il ne bougea presque pas, et je le taquinais en le poussant un peu plus fort, ce qui manquait de lui faire perdre l'équilibre.

— Et ça t'amuse ? répliqua-t-il.

— Beaucoup, ris-je avant de prendre moi-même la position demandée.

Du coin de l’œil, je vis que Nayru manqua de tomber de peu, ce qui m’exaspéra. Enriel profita de mon inattention pour me pousser. Bien sûr, il le fit bien plus fort qu'il n'aurait dû, et je réussi difficilement à maintenir la position. Je le fusillais du regard.

— La concentration est la clé, dit-il, railleur.

— Très bien tout le monde ! annonça Ela. Cette position est la base du combat : vous êtes à la fois prêt à attaquer, mais également à vous défendre. Tout part de vos jambes, elles vont déterminer votre vitesse et votre force. Quant à vos bras, ce sont vos outils. Continuons avec le coup de poing.

Delnan grommela quelque chose que je ne compris pas.

— Delnan, cesse de râler ! le réprimanda Ela. Je disais : pour lancer un coup de poing simple, il ne suffit pas de balancer son bras vers son adversaire. Tout votre corps doit accompagner votre geste. Vos hanches et votre torse doivent pivoter dans un même mouvement ! C’est ça qui donnera toute sa puissance à votre attaque.

Elle mima le geste devant nous. La simplicité de cet exercice m’agaça fortement, mais je le gardais pour moi. Parce que moi, j'étais bien élevée.

Enriel, sans la moindre motivation, effectua le geste dans le vide.

— Soyez plus fluides, rajouta Ela, votre mouvement doit être naturel.

— Sois attentif Enriel. Elle parle pour toi. Tu es aussi fluide qu’une grand-mère.

Le regard qu'il m'envoya n'avait pas de prix, et je ne pus m'empêcher de rire.

— Va te faire voir ! répliqua-t-il. Cet exercice est ridicule.

Je m’exécutais à mon tour. Ça me faisait mal de le penser, mais j'étais d'accord avec lui.

Ela s’approcha d’Amali :

— Tu dois avoir l'intention de toucher ton adversaire, soit au visage, soit au niveau du torse. Je veux de l'énergie, de la violence, continua-t-elle pour tout le monde. Ne laissez jamais la moindre chance à votre opposant, ou vous pouvez être certain qu'il la saisira.

Elle s'approcha de notre duo et donna un coup léger à l'arrière de mon genou, me forçant à me baisser davantage, ce qui réveilla mes courbatures.

— Kaely, fléchis les jambes ! Si tu gardes tes jambes droites, tu augmentes le temps de réaction de ton corps. Cette fraction de seconde peut être f… NAYRU CESSE DE FAIRE LE PITRE ET TRAVAILLE SÉRIEUSEMENT !

Je sursautais. L'intéressé se raidit et blanchis à vu d’œil. Il se remit en position et continua l’exercice. Le temps passé sur ce simple mouvement me parut démesuré tant il était simple. Je regrettais presque les entraînements physiques. J'ai dit presque.

— Prochain exercice ! annonça finalement Ela. Maintenant que vous maîtrisez le coup de poing simple, l'étape suivante consiste à apprendre à s'en défendre. Je vais vous montrer deux possibilités, à vous de les essayer. En combat réel, ce sera à vous d'appliquer la plus adaptée à la situation. J'ai besoin d'une victime.

Elle désigna Shann du doigt et lui fit signe d'approcher. Il se plaça en face d'elle.

— Attaque-moi avec le coup que nous venons de voir, lentement que je puisse expliquer en même temps.

Shann se mit en position et dirigea sont poing en direction du visage d'Ela.

— La solution numéro une consiste à parer le coup, en le déviant, expliqua-t-elle tout en nous montrant. Pour cela, vous positionnez votre bras droit à gauche, et vous le lancez vers la droite. Soyez rapide, et gardez votre bras ferme, ou vous ne parviendrez pas à parer l'attaque. Votre adversaire sera alors déséquilibré et vous pourrez contre-attaquer.

D'un signe, elle intima à Shann de se remettre en position de base.

— Je vous remontre une nouvelle fois, plus vite.

Cela n'avait pas l'air très compliqué.

— A vous maintenant ! Mais allez-y doucement, je ne veux pas de blessé dès le premier cours de défense.

Chacun se mit alors en position et attaqua à tour de rôle. Enriel se positionna un peu plus près de moi, à notre plus grand désespoir à tous les deux et il commença. Il m'envoya son poing si vite que j'eus du mal à l'éviter.

— Tu sais ce que ça veut dire « doucement » ? lançais-je, irritée.

— Désolé si mon rythme est plus soutenu que le tien, répondit-il avec un sourire narquois.

— Absolument pas ! C'est juste que je ne m'y attendais pas. Mais si tu veux jouer à ça, on va jouer !

Sans le prévenir, je décidais d'inverser les rôles, et je l'attaquais aussi vite qu'il venait de le faire. Je manquais de le toucher à la mâchoire, ce qui le fit jurer. Je lui envoyais mon plus beau sourire innocent.

— Doucement ! nous rappela à l'ordre Ela.

Après quelques minutes d'exercice, elle reprit ses explications :

— Solution numéro deux pour parer un coup de poing direct : vous attrapez la main de votre assaillant. C'est sûrement la plus difficile des deux car elle se joue à la seconde près : le timing doit être parfait. Mais elle reste la plus efficace. Une nouvelle victime pour m'aider ?

Enriel grommela quelque chose avec Delnan, et bien que je ne compris pas ce qu'il dit, je devinais qu'il râlait encore.

— Merci de te porter volontaire, Enriel, invita Ela avec une gentillesse ironique.

Je me mordis la lèvre, la suite promettait d'être intéressante : il n'avait pas cessé de critiquer depuis le début de l'entraînement, voire depuis le début de la formation. Et j'étais sûre qu'il allait le regretter très vite.

Il se mit en position en face d'elle.

— Pour cette technique, il s'agit de saisir le poignet de votre adversaire avant que son coup ne vous atteigne. De là, vous pourrez contre-attaquer plus facilement.

Elle lança un sourire sadique en direction d'Enriel et l'invita à commencer. Comme l'avait fait Shann, il lança lentement son poing dans sa direction avec méfiance, mais cette fois-ci, Ela attrapa fermement son poignet pour l'interrompre.

— Cette technique a l'avantage d'empêcher l'attaquant de se mouvoir correctement. Voire de l'amener où on le veut, mais ce n'est possible que si vous avez plus de force que lui.

Ela lâcha prise et le brun se remit en place. Il attaqua une seconde fois, plus vite, mais elle ne se contenta pas simplement de l'arrêter ce coup-ci. Après avoir saisit son poignet, elle envoya son genou dans sa direction et alors que je pensais qu'elle allait le frapper à l'abdomen, elle dévia son pied au dernier moment pour aller tacler le talon du brun, ce qui lui fit perdre tout équilibre. Elle l'accompagna dans sa chute, s'assurant ainsi qu'il ne pourrait pas riposter. Elle posa alors son genou sur son épaule, immobilisant son torse et son bras. Puis, de sa main droite, elle bloqua son deuxième bras au sol, tandis que sa main gauche l'attrapa à la gorge.

Il tenta de se libérer, en vain. Ela attendit patiemment qu'il cesse de remuer avant de dire :

— Je sais que tu penses que ces exercices ne sont pas à la hauteur de ton talent, gamin. Tu n'as même pas eu la décence d'essayer de le cacher. J'admet que tu as du potentiel et je remarque que tu as bien travaillé afin de te préparer à devenir koelien. Mais tu es loin d'être exceptionnel, j'ai connu des aspirants beaucoup plus doués que toi et aucun n'avait la moitié de ta condescendance. Ils ont tous passé la même formation, ils ont tous fait les mêmes exercices de base. Peu importe leur niveau.

Elle insista sur chacun des mots de sa dernière phrase. Faisant une pause, elle le regardait droit dans les yeux.

— Vous avez commencé il y a à peine une semaine, comment peux-tu juger de la qualité de mon travail en si peu de temps, alors que tu n'es qu'un débutant ?

Il détourna le regard en silence. Le message semblait passer cette fois.

Ela relâcha sa prise et se releva. Elle lui tendit la main pour l'aider, et pendant une seconde, je crus qu'il allait l'envoyer balader. Mais il la saisit et se redressa.

— Vous êtes loin d'être des spécialistes sur ces techniques, croyez-moi, reprit-elle pour tout le monde. C'est mon rôle de vous corriger et de vous aider à vous améliorer.

Elle soupira avant de reprendre.

— Je vous ai montré le prochain exercice, à vous de jouer maintenant.

Cet exercice se déroula dans un calme assez surprenant. Nous nous exécutions, studieux, jusqu'à ce qu'Ela annonce que pour terminer la journée, nous pouvions entamer des « combats libres ». Le principe était simple : appliquer ce que nous venions d'apprendre, dans un contexte moins restreint. Elle avait même laissé sous-entendre que nous pouvions tenter d'autres techniques que nous connaissions déjà ! Non sans oublier de préciser :

— Mais en sécurité ! Celui qui en blesse un camarade va sérieusement le regretter.

Et je lui faisais confiance sur le sujet...

Elle continua de nous corriger à coup de « ne sois pas trop agressif, mais plus réfléchi ! » ou encore « patience ! Sois attentif aux mouvements de ton adversaire ». J'avoue que notre combat libre à Enriel et moi manqua de déborder deux ou trois fois... Mais quelques regards réprobateurs suffirent à nous maintenir globalement tranquilles.

J'appréciais de pouvoir enfin me battre contre quelqu'un, je me rendais mieux compte de la difficulté de l'exercice. Et Enriel était un adversaire intéressant. Il décuplait ma combativité, et je soupçonnais que cette compétitivité entre nous nous pousserais à donner le meilleur de nous-même. Rien qu'en l'espace d'une après-midi, je trouvais que mes mouvements étaient plus précis et mieux maîtrisés.

La journée prit fin, et comme à l'accoutumée, nous restions tous à discuter devant l'entrée du terrain d'entraînement. Tous à l'exception de Delnan, qui ne restait jamais. Zelen nous salua exceptionnellement :

— Je ne vais pas pouvoir rester avec vous aujourd'hui, s'excusa-t-il. Je suis attendu.

— Par une petite copine ? demanda Amali, taquine.

Pas le moins gêné du monde, Zelen sourit et acquiesça.

— Comment elle s'appelle ? demanda Nayru.

— Camaly.

— Passe une bonne soirée alors ! A demain.

— J'espère que le niveau des exercices va vite progresser, avoua Shann après qu'il soit partit. C’était long par moment !

— Moi, j’espère que c’est mon adversaire qui va changer, se senti obligé de préciser Enriel.

— Va mourir, répliquais-je.

— J’imagine que les partenaires vont changer à chaque entraînement, ajouta-t-il.

Respire Kaely ! Tu sais très bien qu'il dit ça pour t’énerver, ne rentre pas dans son jeu !

— Il ne faudrait pas toujours pénaliser les mêmes, termina-t-il.

RESPIRE BORDEL !

Mais alors que j'allais lui sauter dessus, le décapiter, le lapider et l'écarteler, Amali mit sa main sur mon bras et me regarda avec des yeux signifiant « tu vaux mieux que ça ». Je me calmais en levant les yeux vers le ciel et laissais échapper un soupire.

— Tu verras la prochaine fois si je ne suis pas une bonne adversaire. Prépare-toi à aller au centre médical !

— Comme si tu en étais capable.

— Ça suffit vous deux ! réprimanda Amali. De vrais enfants.

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