La rixe

2 minutes de lecture

La soirée passait ainsi généreusement arrosée. Les hommes et les femmes se déridaient bientôt du faciès. Riaient comme des bossus. Au passage refoulaient du goulot, et des habits. Les corps se rapprochaient. Les verres se remplissaient au gré des tournées. On fêtait une amitié naissante et éphémère par-ci. Une amourette prometteuse bientôt enterrée par-là. Et rien de particulier par là-bas. Les individus se gaussaient bruyamment. Se délestaient des convenances. Les avanies fusaient prolixes. Les esprits avinés avaient atteint le seuil critique.

Et voilà que l’inévitable bagarre éclata. Les injures, vaguement apparentées à la zoologie, jaillissaient des becs. Les mâles se bigornaient. Les femelles s’époumonaient. Les bouteilles se brisaient. Les chaises valsaient. Les poings frappaient. Le sang, et accessoirement deux canines (encore une mâchoire qui ne verra pas de dentiste) giclaient. Le mobilier en prenait cher. Pourvu que les banquettes soient toutes fracturées et que l’assurance paie toutes les factures, espérait le parton rictus au bec de lièvre.

Mona, quant à elle, s’était confortablement installée derrière le bar à observer ce ring improvisé et à portée de main. Puis elle décida de se limer les griffes. Le gérant attendra une dizaine de minutes avant d’appeler la police. Le temps nécessaire pour que le mobilier du bar soit totalement détruit. Le nain, mi-videur, mi-serveur, mi-plongeur (sur un tabouret), avait compris le manège équivoque de son boss.

« Hé chef ! » Lança le gnome au patron en agitant un mot fléché du bout de la paluche droite. L’invitation à compléter le papelard était acceptée. Le pas lourd (sous l’effet d’une obésité morbide) et en esquivant quelques projectiles, le gérant rejoignit ses deux employés sur le zinc. Attablés tels de studieux élèves, les trois vaquaient à leurs occupations loin du rififi qui se poursuivait devant eux. « Implantologue en huit lettres ? » Grommela le pygmée. « Dentiste ! » Répondit le boss d’un rire gras en écrasant l’épaule de son petit voisin. Le lilliputien eu un rire amer qu’il voulu plus fort que celui de son interlocuteur pour mieux lui signifier que le sujet n’écorchait nullement son ego.

Mona écoutait ces niaiseries masculines du haut de sa sellette. Elle en était à limer les griffes de sa deuxième main. Bientôt elle allait manquer d’activité pensait-elle. Si les flics tardent à débarquer je vais devoir me limer les ongles des orteils décidait-elle. La bagarre quant à elle, arrivait à son comble. Plus aucune table ne tenait debout. Les femmes qui s’étaient mutuellement décoiffées, en guise de représailles, en étaient arrivées enfin aux mains. Les hommes pratiquaient un méli-mélo de boxe anglo-franco-thaillandaise et un mélange de lutte gréco-romaine. Autant dire que les coups partaient dans tous les sens cardinaux. Les cocards allaient orner bien des orbites demain. Quelques côtes étaient sans doute brisées. Mais l’on ne s’en rendra compte qu’une fois le calme venu.

Annotations

Vous aimez lire Nez ha ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0