Nuit monotone

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Au creux de l'hiver, entre les murs du Pige’On, l’ambiance était aussi morne qu'un paysage sans relief. Un jeu d'ampoules borgnes et inertes, qu'on a négligé de changer, venait grossir inutillement le rang des spots. Seul un petit nombre impair de spots violet se battaient en duel au plafond du local. De leurs lumières faiblardes, ils éclairaient à peine la salle.  

Les banquettes synthétiques, couleur pourpre, portaient des déchirures béantes par lesquelles s'échappaient le tissu de rembourage. De l'éponge, d'un gris douteux, que la salissure datant de Mathusalem, avait noiricie. La détérioration et l'hygiène du mobilier ne semblaient pas gêner l’œil, autrement esthète, des comparses qui hantaient assidument ce lieu.

Mina tirait la gueule. Son brushing datant, elle avait redoublé d’énergie en investissant dans une tenue improbable. On ne su si le out-fit relevait de l'exigence sous-entendue par le valeureux poste, qui l’occupait plus qu’elle ne l’occupait. Ou si c'était le reflet de l'humeur vespérale morose qu’elle pensait camoufler grâce à un style qui se voulait festif. Quoi qu'il en soit, c’était un style. Une jupe en vinyle bleu faussement zippée, surmontée d’une doudoune sans manche couronnée d’une fourrure blanche factice. Des bas zébrés et troués (ben quoi ? C’est à la mode... Ah ! T'es trop vieux pour comprendre) révélaient plus qu’ils ne cachaient : un couple de dragons s’enroulant autour de ses fines gambettes.

La jeune femme perchée, tel un oiseau, sur des heelless, que lui jalousaient les femelles du coin et d’ailleurs, se déplaçaient entre les tables, déjà toutes occupées, sans la grâce du cygne.

Son port de tête assurément empreint d’assertion (dont le sujet reste brumeux), trahissait un soupçon de suffisance. Quel savoir ou quels avoirs l’avaient enorgueillis ? À moins que ce port de tête ne soit que la simple acception de l’insensibilité et l’hermétisme de la jeune femme. Le saura-t-on jamais ? Ce qui était sûr, c’est que les convives du Pige’On ne semblaient s’intéresser qu’aux liquides qui allaient rafraîchir leurs gosiers asséchés.

Chaque journée n’était-elle pas une traversée solitaire du désert ? Si la sommelière rechigne à sourire soit ! Si elle maugrée en silence après le monde entier, soit aussi ! Que les boissons coulent à flot. Que le pécule rudement glané en diurne égaye suavement nos nocturnes, croassaient en silence les cœurs.

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