Chapitre 14

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Pippa se réveilla couverte de sueur. Elle avait eu droit à une nuit sans sommeil, mêlant cauchemars et rêves éveillés. Ce qu’elle s’apprêtait à faire la tiraillait. Pourtant, elle ne pouvait pas faire marche arrière. 

Elle se glissa hors des draps et enfila ses chaussons. D’ici peu, Maggie lui apporterait son petit-déjeuner et de l’eau chaude. Elle entendait déjà ses pas fouler l’escalier en marbre. Elle toqua et la poignée tourna vers la gauche. Les bras chargés, Maggie empoignait un plateau destiné à nourrir une fratrie entière, espérant que cette attention particulière incite Pippa à manger. Elle détestait rapporter ses assiettes pleines à la cuisine et par-dessus tout le gaspillage ! Elle le posa délicatement sur la table basse et s’activa pour faire le lit. 

Pippa s’installa face à la table basse et profita que la bonne eut le dos tourné pour infuser quatre feuilles de sauge séchée et broyée. Il y avait peu de chances que sa démarche soit couronnée de succès mais elle se devait d’essayer. Si sa grossesse devenait publique alors elle devrait épouser Tom. Or, une fois mariée, elle ne pourrait travailler que partiellement, et ce, tant que ses enfants ne seront pas en âge d’être scolarisé. Pippa se sentait incapable de consacrer sa vie à satisfaire les besoins de son époux et de ses enfants, pendant que Tom se tuait à la tâche pour toucher un salaire familial. Pippa estimait que son épanouissement personnel était tout aussi important. Et cela se traduisait par le fait de vivre de son art. La tournure des évènements la poussait même à se maudire de ne pas avoir agi pour mettre un terme à ce système archaïque. S’il en avait été ainsi, jamais sa route n’aurait croisé celle de Tom et elle ne serait pas enfermée dans cette chambre, à se triturer les méninges...

— Doux Jésus ! s'exclama Maggie, lorsqu’elle eut tiré les rideaux.

Elle plaqua ses deux grosses mains sur sa bouche pour dissimuler sa surprise.

— Qu’est-ce qu’il fait là celui-ci ?

Pippa quitta son siège et se précipita vers la fenêtre. Dehors, au pied de la boîte aux lettres, se tenait un homme à la silhouette massive. Son visage lui était familier et pour cause, la dernière fois qu’elle l’avait vue, ce dernier se trouvait en fâcheuse posture. Plus précisément, ce drôle de gentleman reboutonnait sa chemise après avoir astiqué Olivia Anderson. A présent, Maggie se tenait face à lui et pointait furieusement son plumeau sur lui. Elle s’en servait telle une arme. Pippa gloussa. Maggie était si drôle quand elle s’y mettait. 

Pippa retourna jeter un œil à sa concoction. Cette diversion était bien venue. Encore cinq minutes et l’infusion serait fin prête. Le claquement d’une portière la fit sursauter. Elle se dirigea à nouveau vers la fenêtre. L’inconnu s'était engouffré dans un taxi, sûrement le résultat de la ruse déployée par Maggie pour le chasser d’ici. Celle-ci rebroussa chemin, remontée. Pippa n’était pas détective mais cette affaire sentait le roussi. Qu’est-ce que cet homme venait faire ici en l’absence d’Olivia Anderson ? Leur histoire était-elle plus sérieuse que ce qu’elle pensait ?

Un fracassement retentit et Maggie pesta. Pablo jusqu’alors allongé sur le lit releva la tête. Pippa s’avança vers la théière et se servit une tasse. Elle sirota doucement son infusion et s’étendit contre le fauteuil en velours. Puis, elle se releva, ouvrit le tiroir de la commode et en sortit un carnet et un crayon. Elle avait délaissé l’écriture depuis trop longtemps. Mais les récents évènements l’invitaient à se confier. Son calepin posé sur ses genoux, elle griffonna quelques mots. Elle passa son après-midi gribouiller, raturer et à se resservir son extraction de sauge. Quand elle eut avalé une dizaine de tasses, son estomac se tordit, grognant de temps à autre. Pippa décida de mettre fin à son activité pour se reposer.  Epuisée, elle s’endormit, loin d’imaginer que bientôt elle serait tiraillée par la douleur.

En sueur, le teint livide Pippa se réveilla vers cinq heures du matin. Peu importe la position qu’elle arborait, aucune d’entre elles ne permettait d’apaiser ses maux. Son dos la faisait atrocement souffrir mais que dire de son ventre. Elle avait l’impression de faire fermenter du lait. Elle se dirigea vers la salle de bain et ouvrit le robinet. Elle aspergea son visage d’eau, puis retourna dans sa chambre, d’un pas lourd. Le trajet lui parut durer une éternité. Elle resta debout un instant incapable de maitriser son corps. Un liquide chaud macula le tapis. 

Du sang ! paniqua Pippa.

La jeune femme s’écroula. La douleur était d’une intensité telle que ses jambes ne purent soutenir son corps plus longtemps. Elle se laissa tomber contre le cadre de lit, se vidant à petit feu de son sang. Elle avait bu plus de tasses d'infusion que ce que les livres lui avaient recommandé. Certes. Mais, elle redoutait que ces effets abortifs ne fonctionnent pas sur elle. Ainsi, Pippa avait préféré mettre sa vie en danger plutôt que d’élever un enfant qu’elle ne désirait pas. 

Pablo alerté par la tournure des évènements, miaula, crachant dans le vide. 

Mais personne ne se présenta. 

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