Chapitre 13

5 minutes de lecture

Pippa tira sur son imposante valise en cuir et quitta le taxi. Il pleuvait des cordes et la jeune femme du se couvrir la tête avec son sac à main pour ne pas finir trempée. Pressée de se mettre au sec, elle claque la portière, l’odeur de goudron faisant frétiller ses narines. Pippa monta les marches du perron, sous lequel l’attendait patiemment Maggie. Celle-ci s’empressa de lui ouvrir la porte.

— Quel temps ! bredouilla la domestique lorsque Pippa eut franchi le hall d’entrée.

La jolie rousse posa son sac sur la console en marbre et lâcha sa valise, exténuée. L'objet s’écrasa sur le carrelage en damiers. Ses muscles lui faisaient mal. Elle malaxa son poignet endolori puis retira ses bijoux. Pippa n’avait qu’une envie : regagner sa chambre pour y dormir jusqu’au petit matin. 

— Vous avez fait bon voyage Mademoiselle ? demanda la bonne, heureuse de retrouver sa jeune maîtresse.

Pippa acquiesça, sans dire un mot. Elle n’était pas d’humeur à discuter... 

— Vous avez bonne mine, ajouta Maggie.

Pippa afficha un sourire entendu mais froid. Maggie n'insista pas. Elle savait ce que cette moue signifiait. Après tout, c’était Maggie qui avait pris soin d’elle depuis son enfance. 

— Je monte me reposer. Veuillez faire en sorte que personne ne me dérange, lui dicta-t-elle.

— Bien, Mademoiselle.

Elle tendit son chapeau et ses gants à l'employé de maison et monta lentement l’escalier. Chancelante, elle pénétra dans sa chambre, tira les rideaux puis s’étala telle une étoile de mer sur le lit double. La lumière lui était insupportable. Jamais encore, elle n’avait été prise d’une aussi violente migraine. Contrainte de fermer les yeux, elle sombra dans le néant. 

Son sommeil fut agité, bercée de cauchemars ridicules. Tourmentée, elle ne parvenait pas trouver la paix. Car ce que la réalité lui renvoyait la terrorisait. Et pour cause : elle était prise d’une aménorrhée inhabituelle. 

Or, elle refusait d’ajouter un problème plus à une liste déjà bien longue. Premièrement, elle craignait que son rapprochement avec Tom Harris ne s’ébruite. Si cette rumeur enflait et faisait le tour du gratin, alors elle serait contrainte de répondre à ses avances. Mais, Poppy préférait finir seule et rejetée, qu’enfermer dans un mariage de convenance. Et voilà qu’à présent, elle devait gaspiller son énergie à se soucier d’une potentielle grosse non désirée... 

Cela en était trop !

Comment pourrait-elle affronter les regards en coin de ces bouches pincées ? 

Cette situation la déprimait. Si seulement, elle avait pu garder son innocence. Ainsi, ses pensées seraient accaparées par l’écriture de son roman. Y mettant tout son cœur et son âme, elle travaillerait durement afin de devenir la prochaine Virginia Woolf. 

Hélas, le destin en avait décidé autrement. Ce voyage l’avait contrainte à mettre de côté ses rêves au profit d’une mission, qui hier encore, lui aurait paru totalement absurde. Si un jour on lui avait dit qu’elle mettrait sa carrière professionnelle entre parenthèse pour déjouer des rumeurs de mariage, Pippa se serait esclaffer. A présent, elle riait jaune de son triste sort.

Elle se tourna et retourna sur son lit, oubliant la présence de Pablo. Ce dernier sauta illico presto sur le lit pour se lover à ses côtés. Elle ouvrit les yeux et caressa la tête de l’animal du bout des doigts. 

 — Si seulement je pouvais être un chat, couina-t-elle. Au moins, ma vie serait bien plus facile. Des croquettes par-ci, des caresses par-là : quelle vie de pacha !

Elle enfouit son visage dans son oreiller et hurla à s’en égosiller la voix. 

Etonnamment, cela lui fit un bien fou ! 

Surpris, Pablo glissa sur le sol telle une serpillière. Le pauvre était si sonné qu’il n’avait même pas songé à accrocher ses griffes contre la couette.

— Pablo ! paniqua Pippa. Qu’est-ce qui t’a pris ?

Le chat plongea ses prunelles dans celles de sa maîtresse un bref instant puis se lécha la patte. Il la boudait encire une fois. Le félin lui tourna le dos puis s’allongea sous la table basse. 

*

Deux semaines passèrent sans que Pippa n’eut le moindre contact avec le monde extérieur, préférait de loin la quiétude de sa chambre. Lire, écrire, fixer le plafond rythmaient ses journées.

Maggie, très inquiète, s’évertuait à la raisonner. Mais, Pippa continuait à refuser toute visite, ne se donnant même pas la peine de s’excuser. Elle agissait selon son bon vouloir, heureuse de pouvoir passer du temps seule. Ses parents arpentaient la côte d’Azur, Poppy était en visite chez sa tante, tandis que Jill, prenait un malin plaisir à la fuir. 

Grand bien lui fasse !

La solitude lui était tout autant réconfortante. Premièrement car n’avait plus besoin de faire l’effort de s’habiller, deuxièmement parce qu’il était plus simple de dissimuler la vérité.

Mais Pippa comprit rapidement que toutes les bonnes choses avaient une fin. 

Alerte, elle s’était empressée de trouver Maggie. Cette anecdote avait eu lieu quelques jours avant le retour des Anderson en Angleterre. La jeune femme tapota l’épaule de la bonne et sourire aux lèvres, lui tendit une étrange liste. Lorsqu’elle prit connaissance du contenu, Maggie ne put retenir sa surprise. Jamais encore Pippa ne l’avait sollicité pour de telles facéties. Elle passa, ainsi sa journée à marmonner dans sa barbe et grogner après l’aide-cuisinière. 

De la sauge ! Qu’est-ce que Mademoiselle comptait faire avec de la sauge ? Exorciser les esprits ? répétait-elle à tue-tête.

Maggie secoua la tête, encore peinée par cette requête. Elle regarda à nouveau le bout de papier avant de le ranger le bout de papier dans la poche de son uniforme. Elle entendait encore Pippa lui murmurer :

— Je compte sur votre discrétion.

Pippa lui avait alors adressé un clin d’œil. Jamais encore sa jeune maîtresse ne s’était conduite avec autant de désinvolture. Croyait-elle qu’en agissant avec autant de détachement, son plan passerait inaperçu ? 

Pourtant, Maggie était à des années lumières de s’imaginer le véritable objet de cette commande. Et si Pippa se comportait ainsi, c’était dans l’espoir de ne pas avoir à subir de représailles. Car se voiler la face permettait de surmonter de manière éphémère les aléas de la vie mais ne les affrontait en aucun cas. Et cela Pippa l’avait bien compris. Son absence de règles et sa perte d’appétit ne pouvaient qu’une chose : la jeune femme était enceinte. 

Que faire alors d’une grossesse non désirée ? 

Le gouvernement condamnait l’avortement. Alors qu’elle choix lui restait-il si ce n’est d’agir par ses propres moyens ?

S'unir à Tom parce qu'elle avait une brioche au four lui était inconcevable ! Elle préférait encourir une condamnation pénale que vivre une vie qu’elle n’avait pas voulue. Aussi crues ces paroles pouvaient-elles être, elle n’était pas prête à devenir mère et encore moins à épouser cet homme...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Viola Peck ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0