Henry IV et Free ou Orange ou ...

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Quelle relation pourriez-vous trouver entre Henry IV et Free ?

La liberté bien sûr, la liberté de conscience évidemment mais le lien que j’y trouve n’est pas du tout de ce type.

Il est, dans mes souvenirs, un en particuliers qui me fait penser à notre illustre roi. Une rue, la rue Henry IV de ma ville, Bordeaux. Une rue étroite et triste, aux maisons si hautes que le soleil ne vient l’éclairer qu’au zénith. Une rue à quelques pas d’une place, symbole de la gloire de la ville, la place de Victoire.

Je suis passé quelques fois, très peu, par cette rue inquiétante, uniquement quand j’y étais obligé.

Je me souviens, enfant, je devais avoir 6, 7 ans. Ma mère tenait fort ma main pour pas que je m’échappe ou qu’un individu mal intentionné me prenne. Nous allions dans cette rue Henry IV, à l’antenne de la sécurité sociale, pour percevoir les remboursements de frais médicaux.

Je me souviens d’une salle immense, au plafond haut et sombre.

Je me souviens de ces lampes jaunes diffusant une lumière triste.

Je me souviens de la rangée de chaises adossées contre les murs. Toutes occupées.

Je me souviens de la longue file d’attente devant les guichets.

Je me souviens des visages mornes des préposés, des ronds de cuir comme on les appelait.

Je me souviens du regard méprisant de l’agent de l’administration sociale. De son regard soupçonneux et de son tutoiement.

— T’es vraiment malade ? Fais-voir cette ordonnance.

Je me souviens de son rire sardonique face aux difficultés des étrangers à parler le français,

— Qu’est-ce que tu dis ? Je comprends pas.

Et en aparté, à sa collègue de travail :

— Celui-là, il parle comme une vache espagnole.

Je me souviens des ces mots assassins que ma mère devait subir. Ma mère, ma princesse, ma reine, obligée de serrer les dents et d’attendre le bon vouloir des ces tyrans de pacotille.

Je me souviens du gris, du triste, de la misère, des odeurs de sueur, de pluie, de chien mouillée…

Le temps a passé mais chaque fois qu’une de ces odeurs titille mes narines, ce souvenir revient à ma mémoire.

Il y a quelques temps de cela, j’ai eu ma freebox qui m’a joué des tours j’ai donc pris le parti de joindre mon distributeur internet. J’ai essayé d’abord le réseau, impossible, mille et mille fois sans succès. Le téléphone, le bon vieux téléphone, pas mieux. Une voix anonyme m’a fait attendre des minutes et des minutes pour d’abord me conseiller de me connecter sur leur site (stupide, la box ne fonctionnant pas, je n’avais pas de réseau) puis en désespoir de cause de rappeler plus tard.

Cela a duré des jours et des jours sans pouvoir résoudre mon problème. J’ai donc décidé de prendre ma box sous les bras et me suis rendu à la boutique, joli nom pour désigner le bureau des causes perdues.

Je suis retourné donc au centre de ma belle et triste ville. Les murs étaient toujours aussi hauts et le pavé, pardon le bitume toujours aussi désespérant. J’ai fait la queue dans la rue pour cause de Covid.

La misère maintenant humaine s’étale au grand jour. On ne la cache plus.

Une réceptionniste, la première m’a accueilli. Propre sur elle, le langage bien policé, les mots appris par cœur, toujours les même ne m’ont pas rassuré.

Elle m’a dit de prendre place sur un siège près de l’entrée. Pratique pour me dégager le plus vite possible. J’ai attendu entouré d’autres « patients », non clients, usagés. Je ne sais plus comment on dit.

Des désespérés comme moi, des naufragés d’internet perdus dans un océan de pixels. Combien de temps ais-je attendu ? Je ne sais plus mais enfin quand une voix douce et neutre m’a dit qu’elle ne pouvait rien pour moi, que je devais contacter le dépannage en ligne, j’ai bien compris que du temps depuis mon enfance était passé mais que rien n’avait changé.

La modernité a beau badigeonner les locaux de belles couleurs, formater les êtres humains, leur inculquer un langage lénifiant propre aux commerciaux rien, non rien n’a changé.

Je suis toujours dans le même monde de structure dominante, de monopole froid et dépersonnalisé.

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